Jessica 93, confessions sur canapé

Jessica 93, confessions sur canapé

Guilty Species est sorti depuis plus d’un an, et Geoffroy Laporte n’arrête pas de tourner, seul ou en groupe, avec Jessica93. On vient le rencontrer avant un concert au Rockstore à Montpellier, où il partage l’affiche avec le groupe allemand Black Salvation et Le Villejuif Underground. Geoffroy est épuisé, à moitié endormi sur un canapé. Un mélange de lendemain de fête, d’état grippal, et de questionnement intérieur assez intense. On le sent préoccupé, travaillé. Une agitation palpable qui sera magnifiquement dépassée lors du concert, durant lequel la maitrise et l’intensité musicale, impressionnante, semble avoir détruit toute trace de fatigue ou de doutes. On sent également une forme d’accomplissement étonnant dans ce retour à la formule solo. Une sensation rare et directe d’authenticité.

Jessica 93 : Ça ne te dérange pas si je fais l’interview allongé ? Je suis crevé. On jouait à Nantes hier, et là, Montpellier…

Tu es là dans la cadre d’une tournée que tu partages avec le groupe allemand Black Salvation. Ce soir tu joues en solo. A ta place, pas mal de formations auraient abandonné cette formule pour se concentrer sur les tournées en groupe plutôt que de continuer à alterner. C’est un choix volontaire ?

Ce sont les choses de la vie, qui arrivent comme ça. On a passé une bonne année en groupe pour défendre l’album Guilty Species, et là c’est un peu la fin, ce sont les tournées annexes avec des potes, d’autres groupes. Les musiciens de Jessica 93 ont d’autres projets, je ne vais pas nécessairement leur accaparer tout leur temps. Ça fait du bien de revenir tout seul aussi…

Justement, quelles sont les différences principales entre le fait de jouer solo et de jouer avec le groupe ?

La différence est simple: les morceaux en tant que tel ne sont pas les mêmes. Il y a trop de titres sur Guilty Species que je ne peux pas jouer tout seul. Inversement, il y en a pas mal qu’on ne jouait pas en groupe et que je joue seul. Donc ça alterne, je ne joue pas la même chose.

Tu as beaucoup sillonné l’Europe avec Jessica 93, seul ou accompagné. Dans pas mal d’entretiens, tu parles de la difficulté qu’ont les groupes français à avoir du succès hors de leurs frontières, de l’exception culturelle française. Est-ce que c’est la prochaine étape pour Jessica 93 de marcher à l’étranger ?

J’ai dit ça moi ? Je ne m’en souviens plus ! Marcher à l’étranger, ce n’est pas le but, c’est juste plus drôle de quitter la France, voir du pays, rencontrer des gens : avoir envie de s’ouvrir et de voir du monde, c’est une des bases quand tu tournes. Après, forcément, l’accueil n’est pas le même. On a beaucoup tourné en France, et le nom a beaucoup plus circulé ici qu’à l’étranger. Ça se ressent sur la fréquentation des concerts, il y a facilement le double de public quand on joue dans une salle française… Mais j’aime rencontrer des gens dans des petits lieux, découvrir des villes dans lesquelles je ne suis jamais allé. Après, pour revenir à ce que tu dis, il y a des groupes français qui marchent de mieux en mieux à l’étranger, par exemple Halo Maud. Ça commence à changer, même Le Villejuif Underground jouait à Gröningen sur la tournée…

Guilty Species est sorti il y a plus d’un an. Une année chargée, passée en tournée avec le groupe. Est-ce-que le fait d’avoir des musiciens qui tournent avec toi joue sur ta manière d’écrire et de composer ?

Ouais, ça change. Quand j’ai composé Guilty Species, les morceaux étaient venus bizarrement car je pensais les jouer seul. Mais au fur et à mesure, je sentais les possibilités s’élargir en l’envisageant en groupe. Du coup, ça m’a ouvert les portes de la composition.

A l’exception d’un morceau, c’est toi qui y joue tous les instruments. Est-ce-que, pour les albums à venir, tu projettes de l’enregistrer en groupe, ou bien préfères-tu garder le contrôle sur l’ensemble ?

Ça dépend s’il est destiné à être joué en groupe ou pas. Je pense que le prochain album sera en solo. J’espère qu’il sortira au printemps 2020. Le processus de sortie de disque est toujours très long, entre le temps d’écriture, l’enregistrement, et le moment ou les labels mettent tout en place… Donc rien ne sortira avant une bonne année je pense. Peut-être sur un label étranger justement.

Tu avais déclaré avoir comme objectif caché de jouer au Hellfest, et tu l’as fait l’an dernier.  Tu l’as vécu comment ?

C’était parfait, un des meilleurs festivals que j’ai fait ! J’adore ce festival, c’est un bonheur total d’y être, en tant que spectateur aussi, de voir des groupes qu’on connait, qu’on découvre, des vieux groupes que je n’aurais jamais pensé voir de ma vie, comme Iron Maiden. Et puis le concert était super surprenant. Voir autant de gens d’un coup, aussi tôt, dès 13h…. J’ai pas mal de potes dans le coté hard rock, les Black Salvation en Allemagne par exemple. Je suis bien pote avec Oranssi Pazuzu, Grave Pleasures, avec qui on avait tourné. Donc j’ai un pied aussi là dedans, et j’aime bien.

Au Hellfest, ton batteur David Snug portait un t-shirt Oasis. De ton côté, quand tu commences à trop incarner le rock indé, tu te fais une moustache à la Lemmy de Motorhead. On sent un refus d’être catalogué. Sur Guilty Species, tu chantes ‘We don’t mind, how cliché it sounds but i’m a bit tired of it’, comme si tu refusais le côté familial d’appartenir à un genre de musique et que tu avais envie de piéger, de ne pas être là ou on t’attend nécessairement…

Ouais, écoute… On est là pour rigoler. Je pense que je fais selon les envies. On fait juste de la musique. Parfois on se prend trop au sérieux avec ces conneries.

Justement, avec le succès, ça doit être difficile de rester complètement alternatif dans l’état d’esprit, avec la presse, les attentes… Est-ce-que tu vis différemment ton approche de la musique, suite au très bon accueil que tu as reçu ?

Je ne pense pas vraiment à ces trucs là, j’ai assez de problèmes à côté… Puis ça peut générer de nouvelles envies, mais pas toujours les bonnes. Il faut faire attention avec tout ça, ça peut être dangereux. Faire sonner un morceau, ça reste une guitare, une basse et une batterie. Il n’y a pas grand chose de compliqué à faire niveau musique. Le danger, c’est plutôt tout ce qu’il y a à côté…

Parlons un peu des visuels : tu y attaches une importance particulière puisque tu signes ou co-signes presque tous les artworks de Jessica 93. Tu fais partie des rares groupes sur Teenage Menopause qui ont des couvertures d’albums  photographiées alors que beaucoup des artworks du label sont faits par des illustrateurs.

Ça a été compliqué à faire passer ! C’était de gros débats et des discussions interminables mais, à chaque fois, ils sont assez contents au final. Effectivement, comme Elzo Durt fait beaucoup d’illustrations, il aime bien prendre part au projet. Moi, je suis un peu tête brulée et j’aime bien les photos médiocres, prises au portable. Je trouve que ça décrédibilise un peu la musique, tout en lui donnant un côté plus sincère…

Par le passé, tu graffais, David Snug a de son côté fait un compte rendu de la tournée avec Jessica 93 sous forme de BD postée après chaque concert sur Facebook, tu as fait un split avec Usé et Noir Boy George dont la couverture a été faite par Mattt Konture… Est-ce qu’il y a une collaboration envisagée avec David Snug pour une co-édition de sa bd de tournée avec un disque de Jessica93 ?

Je ne sais pas où il en est avec cette BD, s’il a trouvé un éditeur… Auquel cas, oui, ce serait marrant de faire un truc lié à cette sortie.

Restons dans le visuel et parlons des clips. Le dernier en date est celui de Venus Flytrapp. Quelle est ton implication dedans ?

Celui-ci, ce n’est pas moi qui l’ai fait : j’ai donné carte blanche à une fille qui s’appelle Guity qui m’a sollicité sur Facebook. Elle aime bien triturer des films, en faire des montages, et je suis content du résultat. On s’est mis d’accord sur quelques films, mais pour les trois quarts, ce sont des trucs qu’elle avait déjà en tête. J’aime bien cette esthétique sataniste qu’on retrouve aussi dans mes tee shirts. J’aime le fait de se dire que la bonne musique a forcément été vendue au diable avant.

Tu avoues être un geek, passer beaucoup de temps sur les ordinateurs, les réseaux sociaux, tu utilises aussi systématiquement la boite à rythme. Est-ce qu’on peut imaginer l’électronique s’immiscer dans la musique de Jessica 93 à l’avenir ?

Ha non ! J’ai horreur d’utiliser des ordinateurs pour la musique. J’aime bien l’idée de la machine qui te fait du son, celle qui a été créée comme ça, comme une boite à rythme que tu as parce que tu aimes bien ce son. Les ordinateurs, c’est comme les émulateurs de jeux vidéos. Tu en as trop. Tu en commences un et, dès que tu as perdu une vie, tu en changes ! C’est exactement le même truc. J’ai vu pas mal de groupes avoir plein de sons de batterie différents parce qu’ils utilisent des ordinateurs. Au final, tu te perds dans un amas de trucs qui ne m’intéresse pas des masses. Je préfère rester sur un truc bien fixe.

Est-ce que le fait d’avoir joué en groupe a transformé tes morceaux en solo ? Je pense notamment à ta voix qui est plus en avant sur Guilty Species…

Carrément. D’ailleurs, j’aimerais bien ré-enregistrer des vieux titres. À force de les jouer depuis des années, ils sonnent différemment maintenant. Je les assure plus, les paroles ont un peu changé. Ce serait marrant de pouvoir en ré-enregistrer quelques-uns.

Si on se projette dans le futur, comment aimerais-tu te voir, ou voir Jessica 93 dans 5 ans ?

Dans 5 ans, j’aimerais avoir une petite baraque, avec une petite femme et des gosses. Ce serait cool. Dans 5 ans.

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