21 Avr 10 Interview – The Strange Boys sont bien braves…
Un premier album en 2009 chez In The Red (Jon Spencer, Jay Reatard, Black Lips…), un autre sorti en février 2010 chez Rough Trade, il ne nous en fallait pas plus pour qu’on s’en aille à la rencontre des américains de The Strange Boys. D’autant plus que, cinq jours plus tôt, le quatuor n’avait pas manqué de régaler le public du Point Ephémère, acquis à sa cause et séduit par ce rock n’roll haut de gamme qui pioche dans l’histoire de la musique sudiste américaine, dans cette grande tradition des musiciens blancs s’inspirant de la black music, perpétrée autant par les Stones que les Yardbirds. Devant nous, Ryan Symbol, chanteur à la voix criarde, son frère Philip (bassiste), et le timide batteur Mike La Franchi, tandis que Greg (guitare) n’a pu résister à l’appel du sofa.
Parlez-moi de votre éducation musicale, de ce que vous écoutiez plus jeune, d’autant plus que vous êtes frères, Philipe et Ryan…
Ryan: On n’a pas eu d’éducation musicale! Non, à vrai dire, je ne pense pas que ce qu’on écoutait quand on était jeunes ait tant d’importance que cela. En plus, notre père n’écoutait que des groupes de chanteurs/chorales. Il a travaillé quelque temps dans un restaurant appelé « Dick Clark’s American Bandstand Grill » (présentateur TV américain ayant inspiré les programmes musicaux comme Top of The Pop et ayant une chaine de restaurant à thème, ndlr), donc on a pas mal baigné dans une atmosphère de classiques américains. Mais ça restait très rare. Nos parents n’écoutaient pas vraiment de musique, à part quand on partait en voiture, en vacances. Ils n’avaient aucun disque à la maison. Mais je sais que les parents de Mike, eux, avait beaucoup de disque chez eux.
Mike: Oui, c’est vrai. Je me souviens qu’on écoutait beaucoup de James Brown, mon père avait beaucoup de disques de vieux funk. Beaucoup de black music.
Donc beaucoup de musique américaine, et plutôt traditionnelle?
Philip: Oui, et beaucoup de vieille musique, influencée black music, du RnB blues, du blues de Chicago… On en a écouté beaucoup.
Comment vous en êtes arrivés à écouter ça?
Ryan: Tout simplement parce ce qu’on trouve ça cool. Tu vois, tu écoutes les groupes de ton âge et un jour tu tombes sur des disques Chess Records, du blues du Sud, Stax Records, enfin des choses qui viennent de n’importe où du sud, et… C’est comme un nouveau monde, donc tu commences à en écouter plus, et tu t’intéresses à tout ce style, tu cherches, etc… Chacun a sa propre rencontre avec la musique, y’a pas vraiment d’évènement significatif.
Pourquoi avoir décidé de faire de la musique?
Ryan: Parce que c’est fun, et que c’est un bon moyen de rencontrer des gens. Quand on a commencé le groupe, moi et Matt (Matt Hammer, premier batteur, ndlr), on avait quinze ou seize ans. On ne pouvait donc pas aller dans des bars, mais à partir du moment ou on a eu un groupe, on a pu y entrer comme on voulait. C’était un peu comme la découverte d’un nouvel univers, et puis on a commencé à appartenir à une sorte de scène.
A Austin?
Philip: Non, on a bougé à Austin après avoir créé le groupe. On passait la moitié de notre temps là bas, donc on a décidé de s’y installer. On a commencé à Dallas, mais c’était difficile là bas, musicalement.
C’est plus facile à Austin? Notamment par rapport au festival SXSW?
Ryan: C’est sur, il y a beaucoup plus de groupes qui viennent à Austin, et il y a aussi beaucoup plus de clubs, donc c’est plus facile de jouer, de rencontrer plus de personnes qui s’intéressent à ta musique. Dans les années 90, n’importe quel groupe jouait à Dallas, mais au fur et à mesure des années 2000, plus personne ne s’y arrêtait pour y jouer…
« Be Brave », le titre du nouvel album, ça signifie quoi pour vous? C’est un conseil?
Oui… c’est un bon conseil (rires). Ca peut s’appliquer à beaucoup de choses. Cela signifie faire ce que tu penses être bien, avoir confiance en toi. Mais, même si tu n’as pas confiance en toi, tu te dois au moins d’être courageux.
Votre musique est malgré tout assez actuelle, notamment vos paroles où vous relatez de nombreux sentiments. C’est assez générationnel. Comment est-ce que vous composez?
Ryan: Oui, on parle de la vie! Quand tu te sens triste, tu écris quelque chose de triste, quand tu te sens heureux, tu écris quelque chose de joyeux, si tu as des doutes, tu écris en fonction… En général, c’est moi qui apporte l’idée de la chanson, puis ensuite je l’amène aux autres qui y apportent leur truc. On voit si ça prend ou pas. Si ça ne marche pas, on essaye autre chose.
Sur votre dernier album, il y a une chanson intitulée « Friday in Paris ». Un rapport avec notre capitale?
Oui, ça parle de l’été dernier, quand on a joué à Paris pour la première fois. C’était assez intense en fait. Quand on est arrivé à la salle, Greg a eu une sorte d’attaque, on est allé à l’hôpital, il y est resté huit ou neuf heures, et on jouait le lendemain! Mais le concert à la Mécanique Ondulatoire était vraiment super. Fredovitch (des Shrines de King Khan, ndlr), le mec qui nous a booké, nous a vraiment bien accueilli. Tout ça ne pouvait arriver que dans une si belle ville! (rires). Et les gens qu’on a rencontrés sont devenus de très bons amis.
Aujourd’hui, vous avez quel regard sur votre premier album? Il y a toujours un Girls Club?
Ryan: En fait, on se pose pas trop de questions, ce sont juste des chansons qui nous sont venues à un moment donné. On ne se dit pas qu’on va faire un album d’une façon ou d’une autre. C’est assez naturel finalement. Et si c’est toujours un Girls Club? Oui, car on a une fille dans le groupe maintenant! Elle n’a pas joué avec nous jeudi car elle prépare son mariage, mais elle sera là la prochaine fois.
Cette fille, c’est Jenna Thornill, la chanteuse/saxophoniste de Mika Miko (groupe phare de la scène punk de Los Angeles avec No Age, ndlr). C’est quoi l’histoire avec Mika Miko?
Ryan: Seth, notre ancien batteur qui a joué sur l’album, jouait dans Mika Miko avec Jenna. On les a rencontrés car on a beaucoup tourné avec eux avant notre première tournée européenne il y a environ deux ans. Puis, quand on est rentré d’Europe, ils jouaient moins et ont arrêté le groupe. J’ai alors demandé à Jenna si elle voulait jouer sur notre disque, et alors qu’on cherchait aussi un batteur, elle nous a recommandés Seth. C’était parfait. Elle ne jouait au départ que sur une chanson du disque et, maintenant qu’on tourne avec elle, elle finit par jouer maintenant sur toutes nos chansons. Seth, lui, a arrêté depuis car il a repris ses études.
Pourquoi avoir fait évoluer le line up?
Ryan: Je ne sais pas, il fallait que ça arrive. Je pense que c’était aussi mon choix.
Toujours dans votre entourage, il y a Tim Prestley. Est ce qu’il joue vraiment avec vous? Je ne l’ai pas vu sur scène non plus?
Ryan: Plus ou moins, en fait c’est vraiment un très bon ami. Et il était avec nous quand on enregistrait le disque, donc il a participé à quelques chansons. Tu sais, il a son groupe Darker My Love et son projet solo White Fence qui est très bon d’ailleurs, donc il est assez occupé. Mais à chaque fois qu’il est dans le coin, on lui demande de jouer avec nous. C’est un peu un membre de l’ombre, un intermittent.
Lors de vos concerts, on sent quand même une véritable synergie entre vous. C’est quelque chose que vous travaillez?
Ryan: En fait, avec Mike, c’est juste de la chance parce qu’on lui a demandé de se joindre au groupe juste avant la tournée, et je ne crois pas que l’un d’entre nous l’avait déjà entendu jouer avant. On s’est juste fié à des recommandations.
Mike: Ouais, même Greg ne m’avait pas entendu jouer.
Ryan: Greg avait déjà rencontré Mike quelque fois à Los Angeles, et on a plusieurs amis en commun qui nous l’ont recommandé. Et Mike est venu. Pour notre première répétition ensemble, tout le monde était assez nerveux car on avait tous ces concerts, toute cette tournée déjà bookée. Mais ce fut une agréable surprise, il connaissait les chansons mieux que nous! Avec Philip et Greg, on se connait depuis si longtemps, c’est plus facile… Ca aide…
Avec Greg, vous êtes deux brillants guitaristes. La cohabitation n’est elle pas difficile?
Ryan: Il y a plein de choses que Greg peut jouer. Moi, je suis plus un « faker », un imposteur… Je peux juste dire « hey Greg, solo!« , et il le fait. Mais si c’est l’inverse, je vais faire un truc à ma façon (il mime un mauvais solo). On a la chance d’aller bien ensemble, d’être complémentaires, donc ça aide. Il y a aussi beaucoup de respect entre nous, comme avec les autres. Je ne pense pas qu’il y ait de problèmes de jalousie ou d’égo. Tout le monde va dans le même sens, tout le monde donne ce qu’il a de meilleur pour la chanson, et s’il y en a un qui ne le fait pas, les autres lui font bien comprendre! (rires) Ce n’est pas forcément quelque chose que tu te dis. Il suffit juste d’un regard, celui qu’aucun d’entre nous apprécie particulièrement (rires). Ca aide d’avoir ce rapport franc avec les autres, ça d’évite qu’on se prenne la tête!
Le groupe étant partagé entre Austin et Los Angeles, comment vous organisez vous?
Ryan: Ce n’est pas toujours super facile, et cela nécéssite pas mal de travail personnel pour être prêt quand on se réunit. Si j’appelle Mike parce que j’ai une chanson presque prête, et qu’en fait elle ne l’est pas vraiment, il me demande pourquoi je l’ai fait venir (rires…)
Pourquoi vous ne bougez pas tous en Californie alors?
Ryan: En fait, aucun de nous n’a envie de bouger de sa ville. On a tous nos chez nous, nos affaires, etc…
Mike: Los Angeles est trop chère! Comme le reste de la Californie…
Ca représente quoi pour vous d’être sur le label In The Red Records?
Ryan: Tous les groupes qui en font partie sont vraiment bons. Larry Hardy (boss de In The Red, ndlr) est quelqu’un qui ne travaille qu’avec des groupes qu’il aime vraiment. Donc c’est cool d’être dans un label qui ne sort que des trucs bons.
Vous êtes aussi chez Rough Trade pour l’Europe. Racontez moi l’histoire…
Philip: En fait, il nous a suffit de rencontrer Geoff (Travis) et Jeanette (Lee), et voilà, c’était fait. Ils aiment la musique, notre musique.
Ryan: Ils voulaient bien travailler avec In The Red aussi. On leur a dit qu’on avait promis un deuxième album à Larry bien qu’on n’ait pas de « vrai » contrat avec lui. On aurait pu faire ce qu’on voulait, mais on voulait honorer notre promesse. Donc on a dit à Geoff et Jeannette que cela devait être une coproduction. Ils ont donc appelé Larry qui a accepté.
Philip: Au lieu d’avoir deux labels différents, on en a deux qui travaillent ensemble.
Vous êtes fiers de cette signature?
Philip: Oui, vraiment.
Ryan: Oui tu vois, il y a quatre ans, si on nous avait dit « hey les gars, In The Red et Rough Trade ne sont pas très loin« … On est vraiment content, et reconnaissant envers In The Red pour tout ça.
Grâce aussi à Jay Reatard?
Ryan: Oui, presque tout s’est fait grâce à Jay… Il nous a vu jouer à Memphis, il a appelé Larry, nous a demandé de jouer avec lui en Californie pour que Larry puisse nous voir… Puis Larry ne voulait pas nous signer si Jay ne faisait pas notre album. Donc on a enregistré avec lui, mais ça n’a pas marché. Ce n’est pas toujours évident, mais on a beaucoup appris et finalement on l’a fait plus par nous même. Ca s’est bien passé. Mais tout ça, c’était du Jay à 99%. Larry faisait vraiment confiance à Jay, leur relation comme leur amitié étaient vraiment très forte. C’est toujours dur de perdre quelqu’un comme Jay. Il va beaucoup manquer. Il manque déjà… Tout le monde a une histoire avec lui…
« Be Brave » en écoute intégrale:
carole
Posté à 09:26h, 22 avrilvraiment cool! et les Strange Boys sont vraiment un très bon groupe!