Interview : Takana Zion (11-2007)

Interview : Takana Zion (11-2007)

Tu as commencé ta carrière en tant que MC dans le milieu rap de Conakry, ta ville de naissance. Comment en es-tu arrivé au reggae? Quelles étaient tes influences musicales à cette époque?

Oui, j’ai effectivement commencé dans le rap et le ragga, vers l’age de neuf ans. J’étais alors pas mal influencé par le rap américain d’une part et le rap guinéen d’autre part, comme Bill de Sam ou Kill Point. Je me suis ensuite tourné vers le reggae qui, à mes yeux, a plus d’impact et de maturité, de par son côté spirituel.

Le reggae africain a aujourd’hui largement sa place dans le paysage musical mondial. Qu’est-ce qui caractérise selon toi la spécificité du reggae africain par rapport au reggae jamaïcain?

Takana Zion en concert

Il n’y a pour moi qu’un seul reggae; le reggae est parti d’Afrique pour la Jamaïque et il entame son retour vers l’Afrique… Partout les noirs ont la même émotion. C’est peut-être au niveau des messages qu’il y a un peu de différences.

Ton premier album, “Zion Prophet“, est sorti sur Makafresh, branche de Makasound. Comment s’est faite ta connexion avec le label parisien?

J’ai connu Makasound quand je suis venu en juin à Paris pour la promotion de l’album, mais la connexion s’est faite par le biais de Manjul. J’étais au Ghana quand il m’a téléphoné pour me dire que Makasound était intéressé par ce projet. Je trouve qu’ils font bien avancer les choses pour le reggae.

“Zion Prophet” est un album très riche au niveau des langues dans lesquelles tu poses et tu chantes, qui vont du français à l’Anglais en passant par le soussou et le malinké. Comment choisis-tu les langues que tu emploies dans les différents titres?

Album “Zion Prophet” de Takana Zion

C’est naturel. Mon père et ma mère sont Soussous, ma marâtre est Malinké et j’ai appris le français à l’école, tandis que l’anglais est parlé par la scène reggae. C’est notamment ce qui m’a poussé à aller au Ghana, pour y perfectionner ma pratique de l’Anglais.

Tu vis actuellement à Bamako qui est aujourd’hui un centre artistique majeur en Afrique de l’Ouest, par lequel beaucoup d’artistes africains et occidentaux passent. Comment expliques-tu que la capitale malienne connaisse une aussi grande effervescence musicale et culturelle?

C’est parce que le Mali est ouvert à l’étranger et il y a donc beaucoup d’infrastructures. Et en ce qui concerne le reggae, il y a là-bas deux grands studios: celui de Manjul d’une part, et celui de Tiken Jah d’autre part.

Tu invoques dans tes textes beaucoup de valeurs Rasta. Que représente pour toi cette culture et plus largement la culture jamaïcaine?

Rasta est une culture universelle qui prend sa source en Afrique, berceau de l’humanité, et qui s’est développée en Jamaïque. C’est un mode de vie naturel qui doit être vécu par tous, il est donc au-dessus de la politique et de la religion.Nul ne peut donner une définition exacte de la doctrine rasta mais, à mon humble avis, rasta repose sur ces cinq piliers: la foi en la divinité de HAÏLE SELASSIE I, l’abstinence de l’alcool, l’abstinence de la viande, le port des cheveux et de la barbe, l’utilisation de l’herbe comme sacrement.

Tes textes et les messages qu’ils contiennent sont très variés. “Pas Soif De Gloire” ou “Des Millions De Morts” sont par exemple très engagés. Quel public souhaites-tu toucher avec ces messages?

Tout le monde! On n’a pas besoin d’être un prêtre ou prophète pour comprendre que le monde part en couille. Tous ces malheurs, toutes ces guerres, maladies, famines et catastrophes naturelles ne sont que les justes réponses de la nature face aux agressions que nous lui faisons subir depuis un certain temps. Donc apprenons à être bien avec nous-même, avec la nature et ses éléments sinon nous traverserons pire que le déluge au temps de Noe ou Sodome et Gomorrhe au temps de Lot.

On t’a souvent comparé aux artistes jamaïcains Sizzla ou Jah Mason, sur des titres comme “Depui Assiingé” ou “Zion Prophet”, qui reprend d’ailleurs le riddim du “Stick Nor Stones” de Jah Mason. Quel regard portes-tu sur ces artistes?

Oui, c’est normal parce que j’écoute beaucoup ce qui vient de Jamaïque, et j’aime beaucoup ce que font ces frères. C’est quand même un grand plaisir pour moi que les gens m’appellent le Sizzla de l’Afrique quand on sait qu’il est l’un des meilleurs artistes jamaïcains de tous les temps.

“Zion Prophet” a été salué par la critique française lors de sa sortie en juin dernier sur Makafresh. Comment a-t-il été reçu en Afrique, notamment en Guinée?

Yes i, les gens l’ont bien kiffé là-bas. Ils se sentent fiers en l’écoutant, parce que le reggae venant de Guinée est peu connu sur la scène internationale. Donc tous les Guinéens sont contents que j’en arrive à ce stade.

Le mot de la fin?

Beaucoup d’amour, de paix, de justice, et d’égalité sur la Terre. Bless!


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