06 Mai 08 Interview : Surkin
A tout juste vingt-deux ans et avant même la sortie d’un premier album très attendu, Benoit Heitz, membre actif de la « French touch 2.0 », fait déjà office d’espoir confirmé du renouveau electro actuel. Signé sur le label Institubes, l’auteur des remarqués « Radio Fireworks » et « Ghetto Obsession » a accepté de répondre à nos questions lors de son récent passage au Printemps de Bourges. L’occasion d’en apprendre davantage sur les expériences passées et les projets à venir du producteur tapi sous le pseudonyme Surkin.
Est-ce que tu peux revenir brièvement sur ta signature au sein du label Institubes?
En fait, ça s’est passé très simplement et assez rapidement. J’ai juste contacté Tekilatex via internet pour lui envoyer un remix de M.I.A. et une démo que j’avais fait à l’époque, ça lui a plu, et en 2005 on a sorti le remix du morceau « Sunshowers » sur Institubes.
Récemment encore, tu écoutais principalement du hip-hop. Qu’est ce qui t’a fait te tourner vers l’electro au moment de te lancer dans la musique?
L’évolution s’est faite de manière progressive. Petit à petit, je me suis senti attiré par des morceaux dancefloor et par le côté dance du rap et de la ghetto tech, un style très dérivé du rap. C’est ce qui m’a donné envie de m’intéresser davantage à la dance music et à la house principalement. C’est donc le résultat d’un mélange, d’une accumulation de plusieurs choses rendue possible par le fait qu’à cette époque, le rap devenait de plus en plus électronique. Bien sûr, je pense à un groupe comme TTC qui a pu m’influencer dans ce côté là mais pas seulement. Les albums d’Antipop Consortium ou les premiers Company Flow me plaisaient également beaucoup, ils m’ont notamment permis de m’habituer aux sonorités des synthés. Et puis l’autre élément à prendre en compte, c’est l’avantage que présente la musique électronique: en tant que producteur, à la différence du rap où il va te falloir un Mc, c’est un genre dans lequel tu peux tout faire de A à Z. Il est beaucoup plus facile de finaliser un morceau electro qu’un morceau rap pour lequel tu vas dépendre d’autres gens.
Au delà du hip-hop, quelles ont été tes influences majeures?
Elles sont à chercher principalement du côté de la dance music, mais il y en a vraiment beaucoup. J’écoute énormément de musique et c’est difficile pour moi de citer quelques noms parce que ce serait faux. Tout va dépendre du morceau et de plein d’autres choses, ce qui est valable aujourd’hui ne le sera pas forcément demain. Cela dit, des artistes comme les Daft Punk ou Todd Edwards m’ont évidemment beaucoup influencé mais pas uniquement. Il y a aussi Cybotron, de l’acid house, de la ghetto house avec Dance Mania… Je n’ai pas eu de gros déclic, j’ai plutôt fouillé l’histoire de la musique dans une espèce de chronologie inversée qu’internet permet de réaliser. J’ai commencé par les choses les plus récentes pour ensuite aller vers le plus ancien. C’est ce qui rend très dur de ne citer qu’une influence majeure.
Malgré le fait que tu sois relativement nouveau sur la scène electro et que tu n’ais pas encore sorti d’album, est-ce que tu te considères comme partie intégrante de ce qu’on appelle la « french touch 2.0 »? Quelle serait ta définition de ce mouvement?
Je n’arriverai peut-être pas à définir ce mouvement, mais je pense en faire partie étant donné qu’on joue dans les mêmes soirées, qu’on se remixe les uns les autres… Il y a incontestablement une scène qui s’est créée, mais de là à la définir… Il y a quand même des personnalités assez fortes. Et même si l’on retrouve parfois des similitudes au niveau de la production, les gens ont tous des parcours différents les uns des autres, et c’est ce qui explique qu’ils n’aillent pas tous dans la même direction. Même si l’on se croise par moment, je pense que c’est un ensemble assez difficile à définir, sinon à rassembler tout le monde sous l’étiquette « dance music ».
On peut aussi relever qu’Institubes et EdBanger notamment travaillent beaucoup leur identité visuelle…
C’est encore une autre des conséquences liées à internet dans le sens où, pour se démarquer des huit milles groupes qui apparaissent chaque jour sur MySpace, il faut apporter quelque chose de plus que les morceaux et arriver à développer un univers. C’est quelque chose d’important et depuis toujours les deux se complètent. Mais en ce qui me concerne, malgré ma formation en graphisme, je ne travaille pas sur les pochettes de mes maxis. C’est Gaspard de Justice qui les fait parce que je n’ai plus assez de temps. Même si c’est quelque chose qui m’intéresse encore beaucoup, je suis très content de voir mes pochettes finies et surtout réalisées par un oeil extérieur. Peut-être qu’un jour je me remettrai là dedans, mais ce ne sera pas pour mes propres pochettes ni dans le cadre d’Institubes. Ca sera quelque chose à part.
Est-ce que tu reprendrais à ton compte l’appellation « ghetto house », souvent employée pour qualifier ta musique, ou est-ce que tu trouves le terme trop réducteur?
La ghetto house est l’une de mes influences mais je pense qu’on devrait davantage parler de house ou de musique électronique au sens large, c’est plus vaste. Là, par exemple, je viens de faire un morceau à 90 bpm et on ne peut plus parler de house, c’est de la musique électronique. D’un autre côté, je fais pas mal de morceaux clubs donc, même si je ne me limite pas à ça, globalement on peut aussi parler de dance music.
Peux-tu nous parler de la différence que tu perçois entre ton travail de remixeur et celui de producteur?
Déjà, en règle générale, le travail de producteur est un travail dans l’urgence parce qu’on a des deadlines super serrées à respecter. D’un côté, ça peut être une expérience très formatrice, de l’autre c’est aussi un exercice qui ne te permet pas toujours de faire ce que tu veux. Tu restes en permanence limité par le temps et par des éléments que tu n’as pas choisi. Donc ça peut être très intéressant et t’amener de nouvelles idées. Mais je reste quand même beaucoup plus attaché au travail de producteur, même si les deux m’intéressent de manières différentes.
Quel matériel utilises-tu pour composer?
Uniquement un ordinateur et le logiciel Reason.
Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur ton futur album? A quoi doit-on s’attendre?
J’ai pas mal d’idées en tête, mais comme je ne veux pas trop gâcher les surprises, tout ce que je peux dire c’est que l’album ne se focalisera pas sur une direction spéciale, il n’y aura pas douze « Radio Fireworks » ou que du « Ghetto Obsession ». Je vais essayer d’explorer pas mal de trucs différents et montrer d’autres facettes de mes productions.
Dans une interview, tu déclarais que « la dance music ne doit pas du tout être quelque chose d’intelligent », sous entendu ça doit rester quelque chose de spontané. Est-ce que ton opinion a évolué depuis que tu travailles sur ton album, un projet forcément plus varié?
Quand je dis que ça ne doit pas être intelligent, c’est clairement dans une optique dance. Je veux au moins garder une impression de spontanéité dans mes morceaux, et ça même après avoir bossé pendant deux semaines non-stop sur le pied. J’aime quand le morceau donne directement une impression assez forte et, indépendamment du tempo ou de quelque chose comme ça, je n’ai aucune envie de rentrer dans la compléxité, je veux que l’auditeur puisse se dire instantanément s’il aime le morceau ou pas. Je tiens à ce que ça reste assez simple et facile d’accès pour lui, même si après ça peut devenir intelligent dans les références par exemple.
Est-ce que tu comptes faire appel à des invités pour cet album? Des membres d’Institubes?
Des contacts ont été pris, mais comme ils ne sont pas vraiment fixés, on ne va pas en parler dès maintenant. Mais oui, il y aura des collaborations. Pour ce qui est des autres membres du label, ils m’ont aidé en me donnant leurs avis sur des ébauches de morceaux mais pas techniquement à proprement parler.
Toi qui a déjà joué aux quatre coins du globe, est-ce que tu as une recette particulière dans la préparation de tes lives, des figures imposées?
Même si je commence à avoir une playlist relativement importante, c’est vrai que j’ai quand même des points clefs dans mes sets, des morceaux qui reviennent souvent. Et puis globalement, je constate que le public est très uniformisé, les gens connaissent plus ou moins les mêmes morceaux et réagissent aux mêmes choses. C’est sûrement une autre conséquence d’internet: le phénomène MySpace, blogs et compagnie a contribué à créer une sorte de culture commune que je retrouve dans tous les clubs dans lesquels j’ai pu jouer.
Ton avis sur le débat récurrent entre les adeptes du vinyl et les dj’s convertis au mp3?
J’adore le vinyl en tant qu’objet, l’image sur la pochette, mais au delà de ça je ne suis pas du tout un intégriste ni un puriste. Honnêtement, ça ne pose problème qu’à des gens qui ont grandis avec et qui voient une partie de leur vie s’effriter avec l’avénement du numérique. Mais en ce qui me concerne, j’ai définitivement grandi avec le mp3 donc je ne me pose même pas la question. Passer des fichiers audio, c’est quelque chose de naturel. D’autant plus que c’est par ce biais là que j’ai découvert la plupart de la musique et qu’aujourd’hui encore c’est grâce à ça que je continue d’en écouter. C’est une démarche spontanée qui s’est imposée d’elle même.
Pour finir, est-ce que tu peux nous dire ce que tu écoutes en ce moment?
En ce moment, j’écoute beaucoup de vieille house, du Art of Noise… Mais s’agissant des albums récents qui m’aient mis une grosse claque, il y a le « Sexuality » de Sébastien Tellier que j’ai beaucoup aimé, le dernier M.I.A. et le Justice de l’an dernier. Alors que beaucoup de gens sont venus cracher dessus comme une frustration de fans qui se renient d’un coup, moi je l’ai trouvé vraiment très réussi, aussi bien dans sa construction que dans la production. Je pense que le groupe n’a pas du tout volé son succès. Mais pour en revenir à la question, là encore c’est dur de citer des albums parce que j’écoute surtout des maxis ou des morceaux récupérés sur le net, très peu de disques en entier finalement.
Le dernier TTC ne fait pas partie du lot?
C’était une orientation beaucoup plus rap et je n’étais pas vraiment dans ce truc à ce moment là. En tout cas, c’est une démarche que je respecte beaucoup dans le sens où ils sont vraiment allés au bout d’une envie qu’ils avaient. Donc même si c’est moins mon genre, même si « 3615 » m’a moins touché que « Bâtards Sensibles« , je comprends très bien ce retour à quelque chose de plus brut parce que ça pourrait aussi m’arriver avec un retour ghetto house. D’ailleurs, c’est un peu ce que je fais un peu avec les High Powered Boys (la réunion de Surkin et de Bobmo ndlr) par exemple, des morceaux plus directs et épurés.
Ecoutez un extrait ici.
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