
12 Oct 11 Interview – Smith Westerns, dans la cour des grands
Malades, complètement éreintés… Tels étaient les Smith Westerns quand nous sommes tombés sur eux alors qu’ils déambulaient de média en média en backstage du festival Rock en Seine dont ils avaient ouvert un peu plus tôt la journée du samedi. Comme pour d’autres, l’évènement était pour nous l’occasion de les rencontrer, d’échanger quelques mots, de revenir sur la belle évolution constatée ces derniers mois, et des belles semaines qui se présentaient alors à eux. Tels des oiseaux tombés du nid, humides et grelotant, on les a recueillis dans une salle de presse désertée, toute à nous pour leur tendre le micro. On nous rappelle poliment que le trio est à bout, et donc que le temps est compté. Feu.
Le groupe vient de vivre deux années plutôt intenses. Pouvez-vous revenir avec nous sur ces derniers mois? Qu’est-ce qui a changé pour Smith Westerns récemment?
Cullen Omori (guitare): Il s’est passé plein de choses pour nous. Changement de label, de manager, on est passé de la scène locale de Chicago à une scène indépendante beaucoup plus importante, beaucoup de voyages aussi… Nous sommes aussi devenus de meilleurs musiciens, de meilleurs compositeurs, de meilleurs mélodistes. Grâce à notre premier disque, et à l’appui de pas mal de personnes qui croient en nous, on a simplement pu s’améliorer.
On a la sensation que vous êtes passés du statut de gamins innocents enregistrant un disque dans leur garage avec les moyens du bord, à un groupe de jeunes adultes bien plus professionnels et préparés, avec un nouveau son… Qu’est-ce qui a provoqué ce changement?
Cameron Omori (basse): La plupart des gens ont pensé que notre premier disque sonnait comme de la merde, qu’il avait de bonnes chansons, mais gâchées par un son de chiotte. Nous, on ne pensait évidemment pas ça, mais l’entendre dire par tant de monde, cela nous a blessé d’une certaine manière. Puis on s’est dit que la meilleure façon de réagir à ces critiques était de dire “allez vous faire foutre“, et de leur répondre par le biais de notre musique. Quelque part, ça nous a motivé, on savait qu’il fallait que notre son évolue. Ça s’est fait finalement de façon naturelle puisque le mode lo-fi permettait peu d’évolution. Mais on aurait très bien pu aussi continuer d’enregistrer de cette façon.
Pourquoi ne pas avoir continué ainsi alors?
Cullen Omori (guitare): On a mis beaucoup plus de moyens à notre disposition pour mieux faire les choses. On a bénéficié de vraies conditions d’enregistrements. Mais, pour autant, c’est difficile de considérer que c’est l’argent qui est la seule raison de ce changement. Ça s’est fait comme ça, c’était une opportunité de tester de nouvelles choses en studio, de progresser…
Cameron Omori (basse): Tu sais, quand on a enregistré le premier LP, on avait tous les trois pas plus de 18 ans. Sincèrement, pour nous, c’était le disque qui sonnait le mieux au monde, on en était trop fier. Du coup, quand on a lu sur des blogs pas mal de critiques visant le son, on savait que l’on pouvait faire bien mieux que ça. C’est ce qu’on a fait avec “Dye It Blonde” pour lequel on a eu plus de temps et de moyens.
Quel rôle a joué Chris Coady, le producteur du disque, dans ce changement de son?
Cullen Omori (guitare): Avec Chris, un type très cool, ça a été une vraie collaboration. Ça n’a pas été une relation à sens unique, aucun de nous dirigeait l’autre. Entre nous, il y avait une vraie symbiose durant la période d’entregistrement. Il nous a donc accompagné dans cette évolution, ça n’a pas été quelque chose qu’il a imposé. Nous ne l’avions pas non plus embauché pour ça.
Vos compères des Black Lips sont également passés cette année du son lo-fi à une bien plus grosse production en compagnie de Mark Ronson. Doit on y voir une tendance actuelle?
Cameron Omori (basse): Je crois que c’est assez logique. Avant, les choses étaient plus simples: tu faisais quelques concerts, une maison de disque te proposait un deal juteux pour faire ton disque, et ta carrière était lancée. Désormais, tout est plus lent, les labels n’ont plus les mêmes moyens financiers pour te produire. Tu dois donc redoubler d’efforts en tant que groupe, galérer un certain temps avant que l’on puisse te donner plus de moyens. En ce qui concerne les Black Lips, ils existaient même déjà avant tout ce mouvement lo-fi qui est arrivé avec la blogosphère. Donc je ne pense pas qu’on puisse parler de tendance à délaisser ce son. Eux ont certainement senti que c’était le bon moment, d’autant qu’ils ont eu plus de moyens. Ils ont d’ailleurs fait un boulot génial avec Ronson.
Pensez-vous que vous auriez tourné autant avec l’étiquette de groupe lo-fi sur le dos?
On est déjà venu en France, ce n’est pas la première fois. Mais la grande différence, c’est que personne auparavant ne venait nous voir, on ne faisait pas d’interview, les gens n’en avaient pas grand chose à faire de nous, de savoir ce que l’on pouvait penser ou apporter à la musique. On dormait par terre, n’importe où, et on n’avait pas un type comme toi en face de nous avec un si bel enregistreur. C’est super, on est très content de cette évolution.
S’il y a une chose que vous n’avez pas perdu en cours de route, c’est votre bagage musical. On pense toujours à T-Rex, Bowie… On se trompe?
Cullen Omori (guitare): Comme pour se rassurer, les gens ont toujours besoin de tout cataloguer, histoire d’avoir des repères. Évidemment, quand on a tous commencé à apprendre à jouer d’un instrument, la musique qu’on écoutait à ce moment-là a été plutôt determinante. On ne peut donc pas nier que les références que tu as citées sont les groupes que l’on écoutait, oui. En revanche, quand on s’est ensuite mis à composer des chansons, on ne s’est pas dit “tiens, celle-là elle devrait sonner comme du T-Rex…“. On savait juste le type de chanson que l’on voulait jouer, des chansons pop et catchy. On n’est pas contre le fait qu’on nous compare à ces groupes. On les aime, mais on en aime aussi plein d’autres qui nous influencent tout autant dans notre envie de continuer à créer.
Quelles peuvent donc être les inquiétudes d’un jeune groupe comme vous qui tourne maintenant à travers le monde, en faisant ce qui lui plait?
Cameron Omori (basse): Devenir gros (rires des autres qui acquiescent)… On passe beaucoup de temps à attendre partout ou nous allons. C’est très long parfois, alors tu bois des bières pour faire que l’attente soit moins pénible… En plus, ces jours-ci, il s’est ajouté des choses plutôt frustrantes et tristes à cette routine, notamment avec ce qu’il s’est passé au PukklePop en Belgique ou, moins grave, quelques problèmes techniques sur certains concerts. On tombe malade aussi parfois, on a tous eu la grippe dernièrement.
Cullen Omori (guitare): Je crois que les gens pensent généralement que tourner est, pour un groupe, quelque chose de super facile, qu’on a un tour bus, et qu’on vit dans de supers conditions. C’est malheureusement très loin d’être le cas. On a notre petit van dont on est fier, qui nous permet d’être là et de jouer sur la grande scène aujourd’hui à côté de très gros groupes qui sont venus chacun avec deux ou trois bus…
Vous allez aussi partager bientôt un bout de tournée avec Arctic Monkeys et TV On The Radio. Qu’est ce que cela représente pour un jeune groupe comme vous? Une possibilité de vous faire connaître auprès d’un public qui ne sait même pas que vous existez? Y a t-il aussi une part d’affectif pour vous dans le fait de voir que vous allez partager des moments avec des groupes que vous aimez, et qui vous soutiennent d’une certaine manière?
Cameron Omori (basse): Il y a des deux évidemment. Pour nous, c’est une opportunité géniale de jouer dans de plus grandes salles, de rencontrer un public certainement plus large. Mais c’est aussi une très grosse marque de confiance de la part de ces groupes-là. Ils nous demandent d’ouvrir pour eux, c’est quelque chose d’énorme pour nous. Quand un groupe que tu respectes compte autant sur toi, ça te donne encore un peu plus de confiance en tes possibilités. Tu te rends compte que ta musique n’est finalement pas si mauvaise, et que les autres la prennent au sérieux.
Vous pouvez nous citer un album ou une chanson qui vous accompagne en ce moment en tournée?
Cullen Omori (guitare): La première qui me viendrait à l’esprit serait “Wasted” de Gucci Man, toute la discographie de Coldplay. Même si dernièrement on a l’impression qu’ils passent plus pour des loosers qu’autre chose, je les ai toujours trouvés bons.
Puisque tu cites Gucci Man, le hip hop est-il un genre de musique qui vous attire particulièrement?
Cameron Omori (basse): Tu sais, on ne se considère pas spécialement ouverts d’esprit en te disant qu’on aime cette chanson. On est juste attentifs à tout ce qui se passe dans la musique, on est du genre à penser que la mélodie fait le tout, quel que soit le style de musique. La mélodie a cette force incontrôlable qui fait que tu vas retenir une chanson plutôt qu’une autre, elle a un réel pouvoir.
Pour finir, un disque ou un artiste indispensable pour vous?
Max Kakacek (guitare): C’est une question toujours super difficile… Là, comme ça, je te dirais Jay Reatard… On a fait trois dates avec lui au tout début du groupe, et ça a été une expérience inoubliable. C’est un type qu’on écoutait au lycée, et qu’on a pu rencontrer ensuite. Un type super positif, tout le contraire de ce que la plupart des gens pensaient de lui. Il nous a marqué, vraiment…
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