19 Oct 10 Interview – PVT privé de voyelles
Après avoir été emmerdé par un groupe américain sans intérêt, PIVOT change de nom, devient PVT et repart en tournée pour jouer son nouvel album « Church With No Magic » sur scène, là où sa musique prend définitivement toute son importance. Au coeur de l’ambiance intimiste dégagée par le Grand Mix de Tourcoing, le groupe nous reçoit à l’étage, juste avant d’envoyer leur matière psychédélique aux yeux et aux oreilles du public d’un Radar Festival à la programmation soignée. Richard et Laurence, les deux frères australiens, répondent aux questions qu’on se posait légitimement sur leur manière d’appréhender leurs concerts, sur la genèse de leur dernier excellent opus, sur les nouveaux chemins empruntés dans la composition, et sur cette pochette si mystérieuse…
Première question, vous vous y attendiez sûrement: quelle est cette histoire de changement de nom? Pourquoi être passé de Pivot à PVT?
Laurence: Nous nous sommes appelés PIVOT pendant quelques années, mais il y a un autre groupe américain qui s’appelle comme ça également, bien qu’il ne fasse pourtant rien de spécial…
Richard: Rien qui soit digne d’intérêt en tous cas (rires)
Laurence: …Mais néanmoins il existe. On a commencé à jouer aux Etats Unis l’année dernière et ils nous ont envoyé une lettre pour que l’on arrête d’utiliser ce nom. Nous n’étions pas loin de la sortie du nouvel album, on a donc décidé de changer parce qu’on ne voulait pas retarder la sortie. Ça aurait pu prendre un an supplémentaire, ça aurait été une perte de temps. Mais je pense aussi que ce disque présente quelque chose de neuf, et on ne voulait que du positif autour de ça. C’est pour ça que l’on voulait aller vite. C’est ennuyeux, mais c’était mieux d’écarter ce problème rapidement.
Parlons un peu du troisième album, « Church With No Magic ». En aviez-vous une idée précise avant de retourner en studio?
Richard: Nous avions quelques idées précises d’ambiances vers lesquelles on voulait aller, mais elles étaient très vagues en même temps. Nous cherchions à faire quelque chose de vraiment nouveau. De ce fait, nous avons pris des décisions, éliminé beaucoup de choses que l’on ne voulait pas faire, du coup ça a été très compliqué de définir ce nouveau son à l’avance!
Laurence: Nous y sommes beaucoup allés à l’instinct aussi, juste en se faisant confiance, en jouant, puis en voyant ce qu’il en sortait, tout cela sans trop se juger.
Vous n’aviez rien écrit? Vous êtes allés en studio et avez travaillé sous forme de jam sessions?
Laurence: Oui, nous avons commencé avec des jam sessions, à partir de quelques boucles que nous avions créées avant, et sur lesquelles nous jouions.
Richard: On enregistrait, retravaillait…
Laurence: Ce fut un process assez long. Il y a certaines sessions que nous avons enregistrées séparément, puis que nous avons mixées à nouveau en revenant à Sidney. Il y a aussi quelques chansons sur lesquelles nous avons bossé à la maison, et que nous avons amenées ensuite en studio. Nous avons composé un peu plus comme un groupe « traditionnel », tu vois? C’est le genre de process par lequel nous n’étions jamais passés auparavant, mais que nous utiliserons beaucoup plus dans le futur.
Tout ça vient donc de sessions d’improvisation?
Richard: Non, pas forcément. C’était justement ce qu’il y avait de nouveau pour nous. En quelque sorte, ça n’a pas été si différent de la manière dont les Rolling Stones enregistraient: ils essayaient des choses, voyaient si ça marchait, pour finalement abandonner ou valider.
Comment réussissez vous à garder cette fraîcheur quand vous jouez live? Essayez vous de ré-imaginer les chansons?
Laurence: Oui, un peu. Depuis l’album « O Soundtrack My Heart« , je sens que notre manière d’aborder le live a beaucoup changé. Depuis que l’album est sorti, et à force de faire des concerts pendant un an, certains titres se sont nettement transformés. On a fait en sorte que l’album reste intéressant en live, et en même temps, on a essayé d’offrir quelque chose d’un peu nouveau. Mais c’est difficile de savoir aujourd’hui comment les nouveaux titres vont évoluer à l’avenir.
Richard: On sait que l’on va prendre notre pied en jouant ce nouvel album en live. C’est ça la chose la plus importante: s’assurer que ça va être un bon moment. C’est peut être cliché, mais si tu veux toujours être sûr que tes chansons ne soient pas chiantes, il faut t’assurer que tu t’amuses!
Laurence: Oui, et si tu prends du plaisir, tu en communiques aux autres.
La première fois que je vous ai vus, c’était ici, au Grand Mix de Tourcoing…
Laurence: Oui, je crois que c’était notre tout premier concert en Europe!
…Et j’ai remarqué à quel point votre musique devenait puissante sur scène, comparé à l’album. Je devine que vous vous êtes aussi servis de votre expérience scénique pour ce nouveau disque?
Richard: Oui, complètement, être plus spontané et viscéral en live, c’était probablement l’une des choses qu’on a le plus cherché à atteindre.
Laurence: Je pense que le fait de tourner, d’être un groupe, ça nous a aussi indirectement influencés. Quand tu fais quelque chose pendant deux ans, tu as envie d’autres espaces, donc je pense que notre état d’esprit a été primordial dans l’approche de ce nouvel album.
Richard: Oui, et le prochain album sera encore complètement différent! (rires)
Sur ce nouvel opus, tu chantes beaucoup, contrairement au précédent. Selon vous, quelles sont les principales évolutions entre « O Soundtrack My Heart » et « Church With No Magic »?
Richard: Je pense que les évolutions sont évidentes pour ceux qui ont écouté l’album. Pour nous, en revanche, elles restent très naturelles, c’est la continuité de notre démarche artistique consistant à chercher de nouvelles choses. Cette fois, je chante, ça sonne plus « live », je joue moins de guitare mais plus de synthés. Il n’y a pas vraiment de raison à ça, c’était seulement ce qui nous faisait envie à ce moment là.
Laurence: Ca revient à la question précédente. On se sent plus à l’aise en tant que groupe, on se connaît bien, on sait ce que chacun fait. C’est excitant en quelque sorte, car nous avons atteint certaines hauteurs avec ce nouvel album. Je pense que nous avons désormais la confiance nécessaire pour partir dans des délires différents.
Quand vous êtes-vous dit: « ça y est, ce disque est terminé »?
Richard: En fait, je pense qu’on l’a dit un peu trop tôt (rires). Nous pensions qu’il était terminé parce qu’on avait dix chansons que nous aimions, mais en fait pas du tout… Au début, nous espérions vraiment que ça soit fini du premier coup mais ça n’était pas assez bon. Nous avons donc du refaire quelques chansons pour arriver au bout (rires).
Laurence: Les quatre ou cinq derniers morceaux que nous avons écrits ont permis de contrebalancer ce que nous avions déjà de prêt. Ils ont donné un vrai sens à l’album, comme s’ils étaient finalement les pièces manquantes du puzzle. Sans compter qu’ils nous ont aidés à prendre du recul.
Richard: Oui, c’est à ce moment là qu’on a vraiment commencé à apprécier l’idée globale de l’album, ses formes, sa structure. Au départ, on avait seulement quelques tracks dont nous étions tous contents. Nous avons alors produit ce qu’il manquait pour que ça sonne comme un vrai disque. Ca nous a permis de nous rendre compte quels types de sons et d’humeurs nous avions besoin pour faire cet album. Par exemple « Church With No Magic » qui a donné son nom à l’album, c’est l’une des dernières que l’on ait faite. Il y a aussi « Timeless », le track ambient du milieu… Il y a quelques chansons très importantes comme celles-ci que nous avons écrites dans cette dernière période, alors qu’on savait ce dont on avait besoin pour l’album.
Laurence: C’est en cela que ce processus de composition est intéressant, il permet de composer ce qui manque à l’album, éclaircit progressivement l’orientation musicale du disque, et nos idées par la même occasion. Désormais, on sait qu’on est capable de travailler ainsi, et que c’est beaucoup plus facile que nos anciennes méthodes. On devrait donc faire ça plus souvent par la suite.
Pouvez vous m’expliquer la signification de l’artwork de la pochette?
Laurence: L’idée vient de quelques amis photographes et designers. C’est le concept de Camera Obscura. C’est une vieille méthode en photographie très bien expliquée sur internet. Tu y trouveras une meilleure explication que la mienne! En gros, tu plonges une pièce dans le noir, tu fais un trou de la taille d’une épingle dans la fenêtre, la lumière extérieure est alors projetée sur le mur à travers le petit trou, et ça diffuse une image à l’envers.
Richard: Une boite avec un trou, c’est comme ça qu’a été fait le premier appareil photo. Ils ont mis un morceau de papier en face, l’ont laissé suffisamment longtemps pour que la lumière entrante y projette une image. Nous avons donc littéralement plongé une pièce dans le noir, fait un petit trou, et laissé l’appareil assez longtemps pour capter toute l’exposition. C’est un peu de la magie, ça piége les yeux et les sens, tu ne sais pas ce qui est vrai. C’est un peu lié à « Church With No Magic », quelque chose comme une église qui a une grande façade mais qui peut finalement être vide. C’est très métaphorique, ça n’a rien à voir avec la religion. Ça veut juste dire que, à l’envers, une chose peut en être une autre.
Richard: Finalement ça a beaucoup d’importance pour nous. Ça a un sens par rapport aux paroles et à notre façon d’aborder la musique.
Vous sentez-vous proches des autres artistes du label Warp, musicalement parlant?
Laurence: Nous avons grandi en écoutant pas mal de musique de ce label, surtout les vieux trucs.
Richard: J’ai joué au mini-golf avec Tom Jenkinson (rires).
Laurence: Mais aujourd’hui, tous les artistes ne font pas l’unanimité chez nous. Mais c’est super comme ça. Avant, Warp était un label exclusivement électronique il me semble. Mais au-delà de ça, c’est un très bon label qui nous laisse beaucoup de liberté. C’est la chose la plus importante pour nous.
Richard: Ils nous donnent des disques gratos! (rires)
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