Interview : Pacewon (11-2008)

Interview : Pacewon (11-2008)

Peux-tu nous présenter ton nouveau projet?

« Team Won » est mon nouveau bébé. C’est un album constitué de morceaux en solo, et d’autres en combinaison avec mon crew Team Won. Ceux-là, on les a enregistrés d’une traite, dans un esprit pur Mcing. Chacun prend le micro, une prise, du flow et un beat. Le concept était assez simple. Au niveau des lyrics, il n’y a pas de censure, ni même d’autocensure. Chacun a fait son truc. Ca parle de l’évolution du rap. De ce qui nous sépare de Mc Shan, Krs One et des précurseurs. Le temps a érodé cette musique. Les gens ne savent plus d’où elle vient. Je me fous des discours d’anciens guerriers mais aujourd’hui, le rap est devenu wack. Pour moi, cette musique a toujours cherché à avancer mais l’industrie est en train de la tuer. Ca parle aussi des rues de Jersey, sans glorification. C’est plutôt, une caméra en immersion directe dans la vie d’une cité dangereuse, violente mais que tu aimes malgré tout. Pour le reste, les morceaux solos sont plus laidback, plus travaillés aussi. J’aime bien le contraste entre les deux, je trouve que ça donne un équilibre.

Qu’est-ce qui différencie ta manière de travailler en solo avec celle appliquée avec Team Won par exemple?

En solo, tu dois occuper l’espace tout au long du morceau. C’est l’art du compromis entre ce que tu veux dire, le flow, et la charge émotionnelle. Beaucoup de choses entrent en ligne de compte, et tout dépend de ce que tu veux que les gens en retiennent. En groupe, tu cherches à être efficace, à faire direct, à être incisif. Ce sont deux exercices super intéressants.

Mr. Green and Pace Won

Team Won est-t-il un prolongement de ton groupe Outsidaz?

Non, car les deux sont totalement différents. Outsidaz existe toujours. Seulement aujourd’hui, il nous faut des budgets conséquents pour réunir neuf rappeurs. Team Won, c’est plus l’envie de faire partager mon expérience et de retrouver un feeling, une émulation dans le rap.

Quelle est la trace que tu aimerais laisser via ton travail?

Je crois que j’aimerais qu’on retienne que j’ai toujours fait du bon rap, sans jamais renier artistiquement l’idée que je me fais de cette musique, de cette culture. Si on retient ça, ce sera déjà bien. Après, il y a plein d’autres choses que je veux encore faire. J’en suis seulement aux prémices, même si cela fait déjà un bout de temps que je suis dans l’industrie.

Comment as-tu signé sur le label européen Ascetic Music? Et quelle visibilité t’apporte une signature sur un label installé en Europe?

Si tu n’es pas en major, il est très dur d’être bien représenté partout. J’ai connu toutes les situations dans ma carrière. Pour mon premier solo, j’étais chez Columbia, donc j’ai eu l’opportunité de venir faire de la promo en France, en Angleterre. Aujourd’hui, je suis signé sur Raw Poetix, un label de Los Angeles. Et sur Ascetic Music, un label français. Mon album avec Green a bien été travaillé aux Etats-Unis mais il est disponible nulle part ailleurs. Signer en Europe me permet de réparer cela, d’être visible partout et de pouvoir venir en France faire de la promo, tourner et collaborer. Pour ce qui est de la signature, j’étais en contact avec Amine et Lotfi depuis un moment. Je leur avais proposé de sortir mon deuxième album « Telepathy » mais ça n’a pas pu se faire pour une histoire de planning. Puis, on est resté en contact. Il ne manquait plus que de trouver la bonne occasion pour travailler ensemble.

Tu as collaboré avec Redman, Fugees, Kurupt, Morcheeba; tu as découvert Eminem et D12 que tu as intégré à Outsidaz; ton premier album « Won » a bien marché… Pourtant, on a l’impression que tu es toujours perçu comme un « new comer »…

Je suis là depuis 94. C’est cette année là que j’ai commencé à prendre la musique au sérieux. Outsidaz existait. Nous avons très vite travaillé avec les Fugees, puis j’ai rencontré Eminem à cette époque, et nous l’avons intégré au groupe. Il y a eu le morceau « Cow Boy » qui nous a offert à Young Zee, Rah Digga et moi, une visibilité sans précédent. 15 millions de fans ont acheté cet album et ont pu nous écouter. C’est l’album le plus vendu de l’histoire du hip hop. Après, Outsidaz a signé chez Ruffhouse, le label de Cypress Hill et Fugees. Nous avons pu travailler avec Method Man, Redman, Kelis… Mais chaque chose positive qui s’est offerte à moi ou à Outsidaz a toujours été suivie de contraintes et de complications. Lorsque mon premier album solo est sorti, on en a vendu un paquet rapidement, et du jour au lendemain, on apprenait que le label était moribond et qu’il déposait le bilan. On a alors poussé Eminem, et il devait faire signer Outsidaz. Manque de bol, il commence par faire signer Obie Trice, une première signature qui foire. Du coup, on reste sur le carreau. Tout cela a fait qu’on me voit aujourd’hui comme un mec talentueux, qui a posé sur des projets ambitieux mais qui n’a jamais eu tous les facteurs réunis pour exploser. Mais ce qui aurait pu être une malédiction est devenu mon meilleur atout. Etre perçu comme un new comer aujourd’hui, c’est positif. Je n’ai pas à lutter contre une image « old school », ou des succès passés trop lourds à porter. C’est un atout de taille qui ne m’handicape pas et me permet de rebondir, de poursuivre. Regarde, des mecs comme Jay-Z ou DMX sont là depuis 87 et ils ont su s’imposer sur la longueur, sans que personne ne se souvienne qu’ils ont commencé à la fin des années 80.

Comment s’est faite la connexion avec Eminem?

On connaissait Bizarre depuis un moment. Je crois qu’on l’avait croisé en tournée avec les Fugees. On a gardé contact, et il n’arrêtait pas de nous parler d’un pote à lui qui déchirait. Un jour, je décide de passer les voir à Detroit. Eminem m’attendait à l’aéroport. Je lui ai fait écouter mes morceaux, il a kiffé dessus, j’ai écouté les siens, et je me suis dis que le gars était vraiment fort. On est directement allé en studio et on a commencé à enregistrer. Du coup, on a sympathisé et ils ont intégré Outsidaz. S’en est suivi un bon nombre de morceaux avec eux. On s’est alors fait une promesse: celle d’avancer et de pousser les autres membres du crew une fois que l’un d’entre nous aurait explosé.

Tu lui en veux de ne pas avoir honoré votre promesse?

Je lui en veux d’avoir fait des annonces dans les interviews et dans la presse, en disant qu’il voulait signer Outsidaz puis Young Zee. Puis rien. Eminem a trop parlé sans jamais venir s’expliquer alors que nos relations étaient celles d’une famille qui avance d’un front commun. Plusieurs fois, en battle, les mecs voulaient le tuer et j’ai toujours fait front pour qu’on ne lui casse pas sa tête. Je trouve qu’il a manqué de correction sur ce coup. Après chacun fait sa vie. J’espère qu’il arrivera à sortir de sa dépression.

Tu as été le seul à sortir des albums solos alors que Young Zee était pressenti pour arriver avant toi…

C’est vrai. Young Zee était déjà sous contrat en 94. Il a enregistré l’album « Perspective » qui n’est jamais sorti, bien qu’il y avait Busta Rhymes, Krs One et pas mal de beau monde dessus. On s’est alors consacré à Outsidaz. J’ai fait connaissance de Ski, qui avait produit pour Jay-Z, Foxy Brown,Camp Lo, Dead Prez, il m’a signé dans la foulée sur Roc-A-Bloc et a produit une partie de l’album. C’est comme cela que « Won » est né.

Comment en es-tu venu à collaborer avec Morcheeba?

Avec Outsidaz, nous avions eu la possibilité de pas mal tourner, et certains de nos morceaux ont eu de l’airplay radio là-bas. J’ai eu l’occasion de rencontrer Morcheeba, j’ai été étonné de savoir qu’ils aimaient le bon hip-hop, et qu’ils connaissaient vraiment bien cette musique. Ils avaient bien apprécié mon album. Et puis, ils m’ont recontacté lorsqu’ils ont planché sur « Charango ». Ils voulaient deux mcs. J’étais dingue et honoré de savoir que les deux seuls mcs invités sur cet album, c’était Slick Rick et moi. C’est pour cela que Morcheeba m’a invité sur toute sa tournée européenne. J’ai ouvert pour eux et après, je m’incrustais sur leurs shows pour faire le morceau. C’était une super bonne expérience.

Quels sont tes projets?

Là, je travaille sur une suite de l’album avec Mr Green. Il y a aussi un autre projet avec Team Won qui est en route. J’aimerais aussi faire un album avec des musiciens. Et, puis il y a un nouvel album sur Ascetic Music à venir, et bien d’autres choses encore…


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