21 Jan 10 Interview – Milkymee, toute rage dedans…
Dans le petit monde de Milkymee, Emilie Hanak dans le civil, on y entend toujours de la musique, sans véritablement savoir à laquelle s’attendre. Et pour cause, la demoiselle évolue sans cesse: un « work in progress » comme elle le dit elle-même. La preuve, un peu plus de trois ans après « Songs for Herr Nicke », un discret premier album, elle livrera dès le 25 janvier 2010 un nouveau « For All The Ladies In The Place, With Style And Grace » encore plus prometteur. C’est chez son label Tsunami Addiction que nous l’avons coincée, avant qu’elle ne s’envole pour une résidence au Japon.
L’INTERVIEW EN INTEGRALITE
Tu as déjà sorti un premier album il y a trois ans qui ne bénéficiait pas d’une vraie distribution comme celui-ci. Comment juges tu ce premier acte avec le recul? Quels enseignements en as tu tiré pour celui-là qui, pour beaucoup de gens, est le véritable premier album de Milkymee?
Milkymee: Je suis passée par pas mal de phases différentes pour ce premier album. Pendant assez longtemps, je l’ai beaucoup rejeté, pour la bonne et simple raison que je le trouve très propre et aseptisé dans la production. C’est quelque chose sur lequel j’avais pas mal de difficultés de jugement pour un premier disque. Parce que c’était le premier, ma première vraie expérience en studio. C’était assez impressionnant. Du coup, je n’ai pas voulu l’écouter pendant longtemps. J’aime beaucoup les chansons quand je les joue, mais pas l’album en lui-même. Là, avec plus de distance, je commence à ré-apprécier.
Donc pour ce nouvel album, tu t’es beaucoup plus focalisé sur la production…
Cette fois, j’ai fait un choix radicalement différent, on a enregistré dans un squat qui s’appele La Générale à Sèvres. C’est un studio qui autrefois était une salle de projection de cinéma, donc très très haute de plafond, avec une cabine… J’ai vraiment pris le temps d’y faire pas mal d’expérimentations, de bien écouter les sons, leur matière. Je l’ai aussi enregistré dans une vieille maison en Savoie, une belle batisse qui nous a permis de jouer sur l’écho par exemple. Le premier a été fait dans l’urgence, en deux semaines dans un studio qui coutait un peu cher. Là, c’est tout le contraire, ça fait hyper longtemps que je l’ai enregistré, j’ai pris le temps d’en faire quelque chose dont je suis vraiment fière.
On a bouffé pas mal de folk à toutes les sauces depuis pas mal de temps. Est ce que tu penses que ça a facilité l’éclosion d’artistes comme toi et que, pour ce deuxième album, les gens sont désormais plus enclins à écouter des choses plus pointues dans le genre?
J’éspère. Au moment du premier disque, on parlait pas encore de folk comme maintenant. Il n’y avait pas cette espèce de mode qui me dérange un peu en fait. Mais j’en jouais déjà. Je ne pense pas que ma musique soit vraiment folk en vérité. Il y a quelque chose de très rageur derrière mes mélodies, même si elles sont très douces. Je n’écoute pas de folk. J’écoute pas mal de grunge en ce moment, plein de choses différentes…
Ce nouvel album dévoile plusieurs facettes de Milkymee: une calme et mélancolique, puis une autre plus rock qui renvoie à tes débuts punk. Est ce parce que l’un ne va pas sans l’autre et que ça reflète en quelque sorte ta personnalité, en apparence sensible, piquante et imprévisible à la fois?
Oui, je crois que c’est le Ying et le Yang. Je fais de la musique douce qui ne l’est pas, surtout dans les textes quand tu les lis vraiment. Je ne me pose pas de questions là dessus. J’aime bien jouer dans la rue, aller voir les gens directement, et que ce soit doux ou énervé, on s’en fout finalement. C’est un peu le reflet de ce qui se passe à l’intérieur de moi. J’ai l’air douce comme ça mais, en fait, je suis vachement méchante.
Il y a aussi un autre paradoxe, celui dressé par des morceaux très arrangés (« In And Out Of Grace », « No End In Sight »), et d’autres beaucoup plus bruts et assez courts qui laissent parfois une impression d’inachevé, ou d’idée directrice simplement enregistrée pour être immortalisée (« Douda »). Là encore Milkymee ne serait pas Milkymee sans ces deux approches?
Ca, c’est le fruit du hasard. Il y a des morceaux sur lesquels j’ai vraiment bossé, pendant trois mois à rajouter des couches, à tout le temps croire qu’un titre est terminé, mais en fait non… Et puis, il y en a d’autres qui se suffisent à eux mêmes: une guitare, une voix, t’habite dans le morceau, c’est ta maison, et elle tient debout… Après tu peux toujours mettre plein de meubles, des posters, construire un escalier… Ca, ce sont tous les arrangements. Ca arrive également, mais tu es aussi parfois vachement heureux dans une maison toute vide. Les morceaux, c’est un peu pareil et tu ne sais pas trop pourquoi.
Dans quel registre te sens-tu la plus à l’aise?
L’inspiration me vient beaucoup plus facilement sur les morceaux les plus simples et les plus calmes. Sur ceux plus pêchus, j’ai du mal. Il y en a un notamment sur l’album, « Snowballing », dont je ne suis pas encore totalement sûre. C’est bizarre d’ailleurs, parce que c’est le plus vieux, je l’ai écrit en 2001 avec JB, mon grand frère, et il était sorti sur une compilation de Tsunami Addiction. Je suis en conflit avec ce titre parce que je n’en suis toujours pas satisfaite. Mais bon, il est là, et on lui donnera peut être encore une autre chance sur le prochain album. C’est ça l’idée: work in progress.
Dans le titre de ce disque, en citant certaines références comme Valerie Solanas, sur des morceaux comme « Manpower », tu n’hésites pas à dénoncer le sexisme des hommes et souligner ouvertement ta préférence pour la gente féminine, chose que les artistes expriment rarement si clairement préférant souvent les sous entendus. Est ce une volonté de briser les tabous ou un véritable besoin personnel d’en parler?
Je ne souligne rien ouvertement. En plus, je n’ai pas de préférence pour la gente féminine. J’aime bien les filles, j’aime bien les garçons aussi, j’aime bien les gens. Quand il y a un mec qui écrit une chanson d’amour, il souligne sa préférence pour les filles aussi. Quand j’écris et que je parle d’une nana, je raconte juste mon expérience à moi. Je ne vois pas ça comme un geste revendicatif, seulement comme une personne qui raconte ses histoires. Concernant Valérie Solanas… J’ai vécu en Suède pendant plus de six ans, et il y a eu là bas pas mal de bruit autour de cette femme à travers une pièce de théatre montée autour de sa vie. Elle a eu un destin hyper tragique, puis a écrit ce livre intitulé « Scum Manifesto » qui est une sorte de brûlot contre les hommes, mais qui frôle la science fiction. Je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’elle dit, mais ce bouquin a une valeur documentaire énorme. Son geste, sa tentative d’assassinat d’Andy Warhol, je trouve ça très intéressant, très symbolique de ce qui s’est passé durant le 20ème siècle. Il y a quelque chose d’injuste dans le succès de Warhol et du Pop Art, mais je ne vais pas revenir là dessus… Solanas est morte folle, j’embrasse pas toutes ses idées, mais c’est marrant de mettre ça en lumière. Cette chanson, « Manpower », elle fait aussi référence à la société d’intérim. Arrêtons nous deux secondes sur ce nom, et réfléchissons: Manpower, le pouvoir des hommes. Tout cela, tu as raison, j’ai besoin d’en parler, mais je ne veux pas qu’on me catégorise trop. J’ai vachement peur des étiquettes en fait. Cet album n’est pas un album uniquement féministe, je suis vachement macho aussi parfois. Je voulais juste nuancer ton propos.
Tu as composé la musique du film « Domaine ». Comment cette opportunité s’est elle présentée? Est ce le genre d’exercice auquel tu souhaitais t’adonner depuis longtemps, ou est ce que ça t’est tombé dessus par hasard?
En fait, le réalisateur du film, Patric Chiha, est assez proche de Gloria qui dirige le label Tsunami Addiction sur lequel j’ai signé. Il connaissait ma musique depuis très longtemps, et désirait vraiment que je fasse celle de son premier long métrage. Ca s’est fait hyper naturellement, ça été un très long processus de l’idée à l’accomplissement. Maintenant, le film est tourné, monté, il sort bientôt… Mais on a bossé ensemble pendant deux ans, ça a commencé par beaucoup de conversations, à boire des cafés pendant qu’il me parlait des scènes. Ca a été un travail de fourmi. Après, je suis partie en Suède, il m’envoyait des compilations de musiques pour m’inspirer, puis des listes de mots. Il ne voulait pas que je vois les images, même le scénario pendant très longtemps. On a fait notre petite cuisine, un travail parallèle. Je suis contente du résultat, ça a vraiment été une super expérience.
C’est une bande originale qui ressemble à du Milkymee ou t’es tu aventurée dans quelque chose que tu ne fais pas habituellement?
C’est vraiment du Milkymee, mais il y a pas mal de choses instrumentales, je chante un petit peu moins. J’ai aussi fait de la direction d’acteurs qui chantent dans le film. J’ai composé les morceaux, eux chantent dessus, et ça a vraiment été une première pour moi. C’est vraiment bizarre de dire à quelqu’un ce qu’il doit faire. C’était chouette.
Tu vas t’envoler pour le Japon pour un troisième album à base de collaborations locales. C’est une décision un peu étrange au moment de sortir un nouvel album non?
Oui, je sais (rires). En même temps, pas tant que ça, parce que je bouge tout le temps, je suis assez itinérante. Je pars juste le temps d’une résidence qui est une très belle opportunité. Je vais revenir au printemps pour faire plein de concerts et la promo de mon album. Là, j’en ai pas mal besoin. J’ai fait pas mal de concerts, donc ça va me faire du bien de me poser, d’apprendre la musique traditionnelle japonaise. J’ai envie de faire du koto, du shamisen…
Peux tu déjà nous en dire un peu plus sur cet album? Vas tu rester fidèle à ton registre par exemple, ou est ce que les différents contributeurs pourront peser de tout leur poids sur les compositions?
Je ne sais pas du tout. C’est complètement innattendu et je n’ai même pas trop envie de planifier les choses. Je suis en contact avec des musiciens très différents, contemporains assez pointus, des mecs qui font de l’electro complètement barrée via mes frères. On verra ce que ça donne. On ne va pas catégoriser. Je n’ai pas envie de refaire la même chose. L’idée, c’est d’aller voir ce qui se passe, d’aller jouer dans la rue, de prendre la température…
Tu parlais de tes frères (de dDamage) parce que tu fais partie d’une fratrie de musiciens. Est ce qu’il a été difficile pour toi de trouver ta place aux côtés de ces deux énergumènes?
Oui, vachement (rires). En plus, je suis leur petite sœur. On a grandi dans un appartement pas très grand en région parisienne, et ils ont deux personnalités ultra fortes. Du coup, je crois que c’est aussi pour me trouver moi-même que je suis partie en Suède il y a presque sept ans. J’avais besoin d’aller très loin, et c’est là bas que j’ai vraiment commencé la musique. Pas dans la chambre de mes frères à Maison Alfort. J’adore faire de la musique avec eux. Surtout avec JB, on s’entend très bien musicalement, il a une sensibilité qui me parle énormément. Mais c’est vrai que ça n’a pas toujours été facile. J’étais une petite fille sauvage, timide… Tout le contraire d’eux.
Tu partages la scène avec des artistes grand public comme Emilie Simon ou Cœur de Pirate, pourtant on a presque l’impression que ton truc à toi, c’est plus l’underground à la Cat Power. Te sens tu dans ton élément en toute circonstance ou mets tu un point d’honneur à soigner une certaine éthique?
C’est marrant ce que tu dis parce que le dernier concert grand public que j’ai fait, c’est la première partie d’Emilie Simon. Trois jours plus tard, j’ai joué à Metz dans un super endroit qui s’appelle les Mille Vaches, devant cinquante personnes. C’était totalement différent: le premier devant une marée humaine de 800 personnes qui sont là à attendre Emilie Simon, et moi j’étais là avec ma guitare… C’est toute la cruauté des premières parties: devoir mettre dans sa poche des gens qui attendent le truc d’après. Parfois ça marche, d’autres non. Ce soir là, je suis sure que plein de gens ont apprécié, mais moi je n’étais peut être pas très en forme et au milieu du concert, je regardais ma set list, et j’avais l’impression qu’elle était interminable. C’était un grand moment de solitude, alors que la plupart du temps, sur scène, c’est là que je trouve les plaisirs les plus absolus de ma vie. Là, je n’étais peut être pas vraiment à ma place, peut être pas très bien. A Metz par contre, je suis devant cinquante personnes et je passe une des plus belles soirées de ma vie. Alors peut être que je n’appartiens qu’aux petites scènes crapoteuses (rires)… Non, parce que j’ai ouvert à Lyon pour Alela Diane il y a quelques mois, et c’était super bien.
Quel disque a changé ta vie?
« Wowee Zowee » de Pavement. Je ne saurais pas te dire pourquoi. A partir du moment ou tu essayes d’expliquer pourquoi tu aimes quelque chose… C’est un disque qui correspond à une époque, à mon adolescence…
Session acoustique
Manu
Posted at 22:28h, 30 janvierIls ont quand même grave la classe dans cette famille!!!
Je propose un grand concert de la Hanak family, une sorte de concert hommage aux frère Hanson (rip)
jacasseries
Posted at 16:13h, 09 marsoh oui! il faut confier les frères hansons aux tenailles de dDamage!!!! et que Milkymee chante sur les décombres fumantes
arnaud343
Posted at 10:13h, 10 maiPour info, Milkymee offre son nouvel album en téléchargement . C’est ici: http://milkymee.bandcamp.com/album/songs-for-herr-nicke-free-download.