Interview – Metz, la famille sauvage

Interview – Metz, la famille sauvage

Il y a deux ans tout juste, Metz débarquait de son Canada natal avec un premier album signé chez Sub Pop, mélange détonnant de punk, de grunge et de noise rock qui allait pour de bon sonner le revival 90. Furieux, incisif et généreux, le trio claquait la gueule d’un public nostalgique, et d’un autre avide de voir le rock revenir à son authenticité, sans autre superflu qu’une guitare, une basse et une batterie pour mettre tout le monde au garde à vous dès les premiers accords plaqués. Alors qu’on attend un nouvel opus qui devrait sans nul doute confirmer haut la main tout leur talent, les canadiens étaient de passage à la Route du Rock. On a séquestré Chris Slorach (basse) pour lui poser quelques questions et, par la même occasion, prendre un peu la température de ce qui nous attend dans quelques mois.

Alors, du nouveau chez Metz ces derniers temps? On s’attendait à écouter le nouvel album avant votre venue ici. Ce ne sera que pour l’année prochaine donc?

Chris Slorach: Effectivement, il y aura un nouveau disque pour 2015 mais, jusque-là, on n’a pas encore eu le temps de reposer nos esprits pour s’y mettre à fond. On est constamment sur la route. Au niveau de la composition, la grande majeure partie du travail est déjà presque faite. Pour l’instant, on teste des trucs en live, mais il reste encore évidemment beaucoup de boulot, au niveau des arrangements notamment. Mais la base est là, et on devrait rentrer en studio en septembre/octobre.

Dans une interview au sujet du premier album, l’un d’entre vous a dit que ‘quand on se retrouve tous les trois dans une pièce avec nos instruments, il y a peu de conversations, les choses se font de manière naturelle’. Pensez-vous pouvoir conserver cette fraicheur en vue du second disque ou est-ce que l’expérience acquise durant ces dernières années peut changer votre manière de l’aborder?

Ça va évoluer, sans aucun doute. On a plus de temps pour se préparer, et on en aura plus en studio pour penser les choses. De plus, le processus de composition a évolué également. On a beaucoup voyagé et, durant ces moments là, on a beaucoup écouté et parlé de musique tous les trois. Donc lorsqu’on revient à la maison, on se retrouve pour bosser sur des chansons, Alex arrive en général avec un riff, et on se lance tous les trois autour de cette idée. C’est sur ce point que les choses ont changé.

Ça fait maintenant cinq ans que Metz existe en tant que groupe. Vous avez sorti ‘Metz’ trois ans après votre formation, vous avez donc eu beaucoup de temps pour composer. Là, vous venez de passer deux ans sur la route, et enchainez avec un nouvel album sans avoir eu de véritable pause. Vous n’en ressentez pas le besoin pour provoquer le manque et l’inspiration?

On a fait deux ou trois petits breaks de deux semaines environ ces deux dernières années. Mais, tu sais, Metz est ce qui fait notre vie à plein temps maintenant, donc on a envie d’être ensemble et de bosser. Ce n’est pas quelque chose de difficile pour nous, encore moins une corvée. On vit, dors, et mange Metz, donc quand on change ce rythme de vie, c’est bizarre pour nous, et on veut y revenir le plus vite possible…

A la sortie de votre premier album, vous viviez encore de vos jobs respectifs. Qu’en est il aujourd’hui?

Alex et moi, on bossait en tant que freelance, ce qui était compatible avec Metz. Hayden était artiste peintre, donc finalement ça s’est fait de façon naturelle. Petit à petit, on a cherché à diminuer le nombre de nos contrats pour pouvoir progressivement se consacrer entièrement au groupe. Pour ma part, j’avais économisé assez d’argent pour pouvoir me lancer dans une tournée de six mois et voir ce qui se passerait. Puis les choses ont commencé à marcher, on n’arrêtait pas d’être constamment sur la route, ce qui rendait également impossible de se consacrer à un autre ‘travail’ que celui-ci. Sans compter le fait qu’on était plus jamais chez nous.

Ressentez vous une certaine pression à l’aube d’enregistrer puis de faire découvrir au public ce prochain album sur lequel vous bossez?

Je crois que ce n’est pas bon du tout de se mettre ce genre de pression. Ce serait une grosse erreur de laisser le premier album dicter en quelques sortes ce que devrait être le suivant parce qu’on a eu un certain succès auprès de la critique et du public. Ce qu’on veut avant tout, c’est évidemment se faire plaisir, et être content de ce que l’on fait. Si on ne se sent pas à l’aise et qu’on pense trop à la réaction des gens, je crois qu’on ne peut pas faire un bon disque.

La puissance de Metz prend toute son ampleur en live. C’est très direct, brut et puissant, tout comme l’est votre premier album… Allez vous continuer dans cette direction, ou allez-vous vous aventurer vers de nouvelles sonorités ou autres manières d’enregistrer?

Je pense évidemment que ce que vous pourrez écouter sur ce prochain disque sera quelque chose de différent. Mais cette puissance dont tu parles, c’est ce qui fait Metz. C’est en nous, c’est complètement indissociable du groupe. Donc si les chansons dictent ce genre de ressenti, on ira une nouvelle fois de manière naturelle vers ce son puissant et brut de décoffrage. La seule chose que je puisse te promettre, la seule qui soit sûre et certaine, c’est qu’il n’y aura pas de ballade sur le prochain album. Ne compte pas là-dessus! (Rires).

Vous avez toujours revendiqué l’importance que le punk du début des années 90, et les concerts que vous avez vus à Ottawa et Toronto pendant votre adolescence, ont eu sur le groupe. Peux-tu nous en citer quelques uns qui t’ont tant marqués?

Moi, je suis de Toronto, Alex et Hayden sont de Ottawa. Toronto a toujours était une ville très cool pour apprécier la musique en live. Du coup, j’ai passé toute ma jeunesse dans des salles où je pouvais voir des groupes de punk locaux. J’ai également pu voir des groupes de Winnipeg par exemple, une ville qui est connue grâce aux Weakerthans. Il y avait aussi Kittens que j’adorais, je les ai vus plein de fois, ils étaient géniaux. J’ai vu Fugazi également plusieurs fois. J’aimais aussi beaucoup à l’époque Yo La Tengo et Superchunk. J’ai vu Drive Like Jehu avec Jawbreaker également. Toronto fut, pour moi, un super endroit pour grandir musicalement…

La pochette de ‘Metz’ fait toujours son petit effet quand les gens la voit… Le design, la photographie et l’artwork léché semblent être importants pour vous. Qu’est ce qu’on peut attendre de ce côté là pour le prochain disque?  

Tu as tout à fait raison, c’est quelque chose qui compte beaucoup pour nous. On a déjà quelques idées pour la pochette du prochain disque, rien de définitif pour le moment, mais on bosse déjà dessus. La photo pour le premier album est en fait une photo qui a été prise par le père de d’Alex dans les années 70. Elle lui transmettait toujours beaucoup de choses, donc au moment de choisir l’artwork, on était tous convaincu que c’était l’image idéale. Tu parlais de l’édition vinyle, c’est d’ailleurs uniquement en pensant à elle qu’on a fait cette pochette. On a ensuite adapté pour le CD, mais ça rend beaucoup moins bien, il n’y a aucun doute là-dessus. Personnellement, je n’achète plus de CD, pas mal de vinyles en revanche. Je trouve qu’il est important de pouvoir prendre un objet comme le vinyle dans tes mains, et de pouvoir le contempler. Ca va plus loin que la musique.

Greys, un autre groupe de Toronto, vient de sortir son premier album, et on note pas mal de ressemblances avec Metz. Vous les connaissez? Comment expliquez-vous cette émulsion en ce moment dans la ville autour du rock noise et du grunge?

Il se passe plein de choses musicalement parlant à Toronto en ce moment. Greys est un groupe qu’on apprécie beaucoup. Ca fait déjà longtemps qu’ils bossent très dur et les résultats arrivent petit à petit. Il y a plein de bons groupes de rock à Toronto, mais je ne crois pas qu’il y ait plus particulièrement une scène noise/grunge. C’est plus global. Cette ville, depuis quelques années, est un bon endroit pour créer et jouer de la musique. Ce qui fait sa richesse, c’est la diversité des groupes et de leurs styles musicaux.

Vous passez beaucoup de temps ensemble. Est-ce que la bulle dans laquelle vous êtes peut avoir des conséquences sur vos relations en tant que potes, mais également sur la musique de Metz?

On est comme une famille, on est très proche, et on sait gérer tout ça. On sait clairement quand l’un d’entre nous a besoin d’espace, donc tout se passe bien. Quand on rentre à la maison, on ressent même rapidement l’absence des autres. On a besoin de se voir, de s’appeler, comme dans une vraie famille… Le fait de partager autant de temps ensemble fait également que l’on écoute la même musique, que l’on est sur la même longueur d’onde presque tout le temps.

On parlait des années 90 qui t’ont marqué musicalement, mais qu’est-ce qui te fait vibrer en 2014?

L’un de mes disques préférés de l’année dernière est celui de Fuck Buttons, je les trouve absolument géniaux. J’aime beaucoup le disque de Angel Olsen également, dommage de ne pas avoir pu la voir hier ici (à La Route Du Rock). J’ai très envie de voir Portishead également, ils n’ont pas de nouveau disque mais je suis totalement fan de Beak>, l’autre projet de Geoff Barrow. On a également fait quelques concert avec le groupe irlandais Girl Band: ils sont fantastiques, c’est presque de la Dance Music faite avec des guitares…

Ca tombe bien, j’allais justement te poser une question sur Portishead qui est également à l’affiche ce soir. C’est l’un des groupes les plus importants des années 90… Faisait-il parti des groupes que tu écoutais à l’époque?

Oui, j’écoutais les deux premiers albums à l’époque oui. Quand ils ont publié ‘Third’, leur dernier album en date, je n’ai écouté que ça pendant des mois, c’est un disque extraordinaire. Ils ont démontré une capacité à faire évoluer d’une manière incroyable le style de musique qu’ils ont eux-mêmes inventé. C’est une vraie référence pour moi musicalement, même si cela ne se ressent pas dans la musique de Metz….


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