Interview : Maroons (11-2004)

Interview : Maroons (11-2004)

Tout d’abord, pouvez vous vous présenter? Qui sont les Maroons?

Lateef: Mon nom est Lateef, mc de Lateef And The Chief. Tout ce qui est production est mené par Chief Xcel. Le projet s’intitule Lateef et The Chief présentent Maroons, les Maroons étant les rebelles des sociétés esclaves des Amériques, les africains refusant de se soumettre à l’esclavage. C’est un surnom que nous avons choisi parce que nous sentions une certaine compassion et un certain respect, historiquement et philosophiquement, envers l’esprit indépendant démontré par les sociétés Maroons.

Votre album « Ambush » n’est pas votre première collaboration musicale. Dis nous donc comment Maroons a débuté?

« Ambush » n’est effectivement pas notre première collaboration. Le premier morceau que nous avons enregistré ensemble, nous l’avons fait rapidement après s’être rencontré pour la première fois en 1992. Ce morceau (parallèlement à pas mal de travaux communs avec notamment Lyrics Born, The Gift Of Gab, et Dj Shadow) a débouché sur une série de titres qui nous a donné l’idée d’un album intitulé « Ashe ». C’est un album très conceptuel, et en travaillant dessus je me suis rendu compte qu’il serait plutôt bon de sortir un disque plus direct, plus adéquat à une certaine présentation de nous deux et de ce que nous pouvions donner.

« Ambush » comprend neuf titres pour trente huit minutes de musique. Pas beaucoup pour un album…

Le résultat de tout cela a été un court album (à l’origine un maxi) intitulé « Ambush ». Nous avons fait en sorte de proposer un bon travail qui groove. Nous voulions avoir le potentiel de vous inciter à penser tout en vous faisant bouger. Alors que les titres commençaient à s’accumuler pour devenir « Ambush » (plusieurs titres ont d’ailleurs été écartés), nous nous sommes dit qu’il valait mieux un album court mais bon, que long et médiocre. Nous avons parlé de disques comme « Paid In Full » et « Yo! Bum Rush The Show » dans lesquels nous nous sommes retrouvés et que nous avons aimé à tout jamais dés la première écoute. De là, nous avons décidé que ce disque serait court et délicieux…

Quelle est l’essence de cet album?

L’essence de « Ambush » est un peu l’essence du hip hop. Des beats, des paroles et de la créativité. Alors que nous voulions cet album réaliste et accessible, nous avons aussi voulu lui donner de la largeur et de la profondeur tout en apposant clairement une signature sonore. Des titres comme « Don’t Stop » ou « 365 » rassemblent, je pense, tous ces éléments, alors que « Lester Hayes » et « Beautiful You » définissent quelques unes des plus fines qualités sonores. Des morceaux comme « If » et « First Draw », le dixième morceau caché, donnent au disque une profondeur qu’il est de plus en plus dur de trouver dans le hip hop.

Votre approche musicale ne répond pas au classique « deux platines et un micro ». Ca, c’est ce qu’ont en commun tous les artistes de chez Quannum. As-tu conscience du risque de complexité pour l’auditeur? Parle nous aussi de l’atmosphère en studio pendant l’enregistrement. Avez-vous donné libre cours à l’improvisation, ou chacun savait à l’avance ce qu’il devait faire et comment sonner?

En fait, je vois Lateef And The Chief comme le modèle du format « deux platines, un micro ». C’est la base de toutes prestations live que vous nous verrez proposer. Pas mal d’artistes aujourd’hui revendiquant un esprit hip hop novateur remettent en question la tradition du sampling. Nous devons travailler dans ce sens et l’instrumentation offre cette opportunité ainsi que la liberté et le développement. Souvent, un musicien va venir jouer, nous l’orientons et à la fin, c’est la synthèse de toutes les idées qui donne le meilleur résultat. Je ne pense pas que les auditeurs trouveront cela trop complexe. Je pense que la bonne musique parle à l’âme et est universelle.

Quelles sont les différences de son majeures entre Maroons et Latyrx/Blackalicious?

Je pense que l’une des principales choses qui marquent le projet de Lateef et The Chief, Latyrx et Blackalicious mis à part, est la nature très directe du travail. « Ambush » parle directement à l’auditeur sans trop de contours ni de superflu, n’est pas trop barré et reste donc accessible.

Dans quelques jours vont avoir lieu les élections présidentielles. Beaucoup d’artistes, y compris dans le hip hop, ont enregistré des titres sur Bush. Vous aussi avez un morceau intitulé « If » sur « Ambush ». Peux tu nous en parler?

Nous voulions faire un disque qui donne aussi notre opinion sur la situation politique du monde aujourd’hui. Nous avons voulu un titre qui présente le problème de différents points de vue et qui propose des solutions. C’est un de mes morceaux préférés de l’album.

Tes parents étaient impliqués dans le Black Power par le biais du mouvement des Black Panthers. Te sens tu, en tant qu’artiste, obligé de ce fait de donner ton avis au sujet des problèmes politiques?

Je pense que les artistes ont la responsabilité de donner leur vérité. Quand ils commencent à se censurer eux-mêmes, ou ne pas faire de commentaire, ils deviennent un simulacre. Personne n’est obligé de faire quoi que ce soit artistiquement, surtout quand il s’agit de politique. Le hic est que nous vivons une période ou tout le monde s’en fout sauf quand l’épée de Damoclès est au dessus de nos têtes.

Les paroles de Maroons, tout comme celles de tous les artistes Quannum, sont très réfléchies, matures et souvent liées aux traditions afro américaines. Quel est ton but premier quand tu as le micro? Eduquer les gens?

La première raison de faire ce que je fais est de donner ma vérité, de présenter mon testament.

Est ce que des étiquettes comme « Le hip hop est le CNN black » ou « loisir éducatif » ont toujours lieu d’être?

Oui, elles sont toujours valables mais le public qui s’y retrouve s’est élargi. Aujourd’hui, le hip hop est tellement accessible que l’information échangée peut facilement aller plus loin que les limites raciales, même culturelles et continentales. Certains artistes font cela naturellement et sans effort pendant que d’autres flattent bassement la masse qui achète ses disques. Je pense que ces deux faits sont dus plus aux consommateurs qu’aux artistes.

Je suis toujours impressionné par la qualité des pochettes Quannum. J’ai l’impression que vous utilisez délibérément l’artwork comme identité propre…

Brent Rollins s’occupe de l’artwork Quannum, parmi d’autres. Il est tout simplement l’un des meilleurs dans le genre. Il est exceptionnellement talentueux notamment pour illustrer parfaitement la musique et son artiste par le biais d’images époustouflantes.

Parlons maintenant du morceau « Lester Hayes ». Qui est il et pourquoi avoir enregistré ce titre?

Lester Hayes était un cornerback qui jouait pour les Oakland Raiders dans les années 70. Il avait une réputation de coureur de jupons et utilisait une substance appelée « Stick’em », un adhésif qu’il mettait sur ses mains et son maillot pour mieux attraper la balle. Il y a une histoire qui raconte qu’une fois, sur une interception, le ballon est resté collé à son casque.

L’album « Latyrx » que tu as enregistré avec Lyrics Born est maintenant un classique du hip hop futuriste et progressif. Un deuxième est il prévu? Ou peut être juste un album solo comme Lyrics Born l’a fait il y a quelques mois?

En effet, il est prévu que je sorte un nouvel album en compagnie de Lyrics Born l’an prochain.

Quels sont les morceaux hip hop vous ayant le plus marqué que ce soit pour le son ou pour les paroles?

Voici quelques uns de mes titres favoris: « My Philosophy » (BDP), « The Wrath of Kane » (Big Daddy Kane), « Life is-Too Short, Black Steel in the Hour of Chaos » (Public Enemy), « Eye Examination » (Del), « Boys in the Hood » (NWA), « You Gotts ta Chill » (EPMD), « Paid in Full » (Eric B & Rakim), « Just To Get A Rep » (Gang Star), « They Want EFX » (Das EFX), « the 7th Seal » (Freestyle Fellowship), et tellement d’autres…

Quels sont les projets de Maroons? Une tournée européenne?

En effet, tournées, clips, passages en radio, showcases, etc… Gardez les yeux ouverts, nous serons bientôt par chez vous.


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