Interview – Luis Francesco Arena, un peu plus près des étoiles

Interview – Luis Francesco Arena, un peu plus près des étoiles

A quelques jours de la sortie de son prochain album “Stars and Stones” chez Vicious Circle, c’est lors d’une série de trois concerts acoustiques au studio de la Cie Marie Lenfant au Mans que nous avons rencontré Pierre Louis François, alias Luis Francesco Arena. Le songwriter nous livre ses impressions sur ce nouvel album, comme ses intérêts.

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Dans quelles démarches as-tu travaillé en termes de compositions, d’inspirations, et de choix artistiques pour ce nouvel album?

Luis Francesco Arena: Je voulais faire quelque chose de différent par rapport aux autres albums. Je voulais qu’il soit plus participatif. J’ai écrit les chansons et les textes. Pour les arrangements, nous nous y sommes collés à trois avec les musiciens qui m’accompagnent depuis quelques années maintenant. Les arrangements sont le fruit de trois cerveaux, et ça a aidé à ce que le projet se renouvelle et prenne une tournure plus ouverte, un peu comme un travail de groupe même si cela reste mes chansons. En termes de recherche, les compos viennent naturellement, souvent quand je ne m’y attends pas, par accident. Sauf pour “Old Time Photograph” qui était une commande.

Le titre de ton dernier album est “Stars and Stones”. Traduction littérale: “étoiles et pierres”. On passe du ciel à la terre, de la légèreté aux lois de l’attraction. C’est une vision de la condition humaine que tu tentes de nous donner là?

Les étoiles et les pierres sont les mêmes choses, de même matière, mais avec un aspect différent. Les étoiles sont des pierres et les pierres forment les étoiles. C’est comme dans la vie: parfois il y a des choses qui brillent au loin, qui t’attirent, et une fois que tu les atteints, cela devient banal, tu ne vois plus ce scintillement. C’est une question de point de vue. C’est cette opposition entre le précieux et le banal qui m’intéresse ici. Qu’une chose puisse devenir son propre contraire.

lfa2Je trouve le mixage et la production très réussis. Les arrangements donnent à ton album une force et une lecture supplémentaire. Avec qui as-tu travaillé?

C’est important d’en parler. Il s’agit de Benjamin Mandeau. J’avais déjà enregistré avec lui avec un de mes groupes, Pegazio. C’est la première fois que je travaille avec quelqu’un qui n’est pas uniquement ingénieur du son, mais aussi réalisateur. Je suis très content de cette collaboration car il est très pointilleux. Il sait utiliser l’éventail des fréquences et mettre les choses au bon endroit. Il m’a fait beaucoup travailler sur le chant et son interprétation; Il m’a poussé dans mes retranchements. C’était parfois douloureux mais le résultat est là. Il a su m’emmener sur des terrains vers lesquels je n’osais pas trop aller. Il m’a aidé à faire passer l’émotion au détriment de la technique pure. Moi qui suis besogneux, à faire plusieurs prises jusqu’à gommer les défauts, Benjamin m’a déstabilisé. Il sait saisir l’instant et faire en sorte que cela ne triche pas. Il s’est impliqué à fond, il a vraiment été le quatrième homme. C’est lui qui enregistre aussi le Prince Miiaou, son studio s’appelle La Machine à Rêves, c’est en Charente-maritime. Pour moi, le studio est l’endroit où tu construis quelque chose de différent de la scène. C’est un terrain de jeu à exploiter pour expérimenter, et tant pis si sur scène les titres ont une autre couleur. Au contraire, j’aime l’idée de présenter des titres dans une version différente sur scène. Le studio, c’est un instrument à part entière.

Etre signé sur le label Vicious Circle, c’est un plus j’imagine? Comment s’est faite cette rencontre?

C’est une vielle histoire. Ils m’avaient contacté en 2005 pour mon premier album. J’avais eu une également une proposition du label Fiat Lux. A l’époque, j’étais plus penché vers Vicious car plus rock indé, mais j’ai eu peur d’être un petit poisson noyé dans une grosse machine par rapport à Fiat Lux qui voulait se concentrer exclusivement sur mon travail. Quand on a enregistré “Stars and Stones”, je n’avais donc plus de label et j’ai envoyé les bandes à Philippe de Vicious qui m’a répondu rapidement et favorablement.

Qu’attends-tu de cette collaboration?

cita1Honnêtement, sur mon précédent album, le label Fiat Lux a fermé boutique peu de temps avant la sortie du disque. Du coup, il a fallu se débrouiller. Pour ce quatrième album, j’en avais marre de pédaler dans la semoule et je pensais le faire pour moi. Un petit vinyle et basta! Mais du coup,  avec Vicious Circle, il y a un vrai coup de boost. Le fait que ce label s’intéresse a ma musique m’a remotivé et touché car je doutais fortement ces derniers temps. C’est un label sérieux qui a fait ses preuves. Vingt ans d’ancienneté, ce n’est pas rien! Ils ont vraiment écouté le disque et ça fait plaisir car ils savent de quoi ils parlent. Pour l’anecdote, j’ai eu un rendez vous dans une major, et le mec qui m’a fait venir à Paris dans son bureau a écouté le disque pendant l’entretien pour finalement me dire qu’il n’y avait pas de single radio dans mon album… Vicious Circle travaille pour la musique, pas pour du produit vaisselle!

Bien évidemment, tu vas défendre ce disque en live, en solo comme avec des musiciens autour de toi. Peux-tu nous parler de ces deux approches?

Ce sont deux choses différentes, les mêmes chansons mais avec un relief différent. En solo, tu es le capitaine du navire, tu peux installer de l’intimiste et de l’interaction avec le public. Je peux aussi changer de morceau en fonction de mon humeur. Je suis libre. En trio, l’énergie est plus rock, et c’est à nous de faire que la musique aille dans le bon sens. Faire quelque chose de singulier à trois énergies.

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Qui t’accompagne?

Il y a François-Pierre Fol, avec moi depuis 2006. Il joue aussi dans Le Prince Miiaou, et plus récemment avec Microfilm. Il fait violoncelle, clavier, chœur et xylophone. Il y a aussi Yohan Landry depuis trois ans. Il joue batterie, métalophone, séquenceurs, et fait les chœurs. Il est aussi guitariste dans Le Prince Miiaou et Microfilm. Puis il y a Julien Pras, chanteur guitariste de Calc, groupe trop méconnu. Calc est pour moi un des meilleurs groupes français de pop avec Syd Matters. Avec nous, il joue de la basse et de la guitare et, pour le coup, on sera aussi son backing band pour son projet solo.

De quoi es-tu fait musicalement? Quels sont les artistes qui t’ont nourri?

C’est particulier. Les groupes comme Les Beatles, les Stones et autres Led Zep, je les ai découverts sur le tard. J’ai commencé en écoutant des groupes ultra indés. Ma mère était avec quelqu’un qui gravitait dans le milieu rock indé. A 13 ans, j’ai découvert Slint, June of 44, Jesus lizard, Chokebore, la scène Dischord, Touch and Go… Evidemment, il y a Nirvana comme précurseur et révélateur. J’ai grandi avec ça. Plus tard, vers 20 ans, je me suis penché vers les anciens cités au-dessus. Il y a aussi des artistes plus proches de ce que je défends comme Andrew Bird, Why?, The Paper Chase ou encore James Blake.

lfa4Tes cinq albums de chevet?

Difficile! Ça dépend des jours mais, pour aujourd’hui, j’ai envie de dire: “In Utero” de Nirvana, “A Taste For Bitters” de Chokebore, “Shot” de Jesus Lizard, “Kid A” de Radiohead, et “Spiderland” de Slint. Ce sont des groupes que je réécoute rarement, mais qui m’ont marqué quand j’étais ados. Ces cinq-là comptent, mais il y en a évidemment d’autres.

Et dans d’autres arts, trouves-tu de la nourriture ou des correspondances?

J’essaie d’aller au cinéma. Mais le temps me manque vraiment. J’ai participé à l’illustration sonore de documentaires. Travailler dans l’ombre, au service d’un projet, m’a beaucoup nourri en plus de l’intérêt de ce genre de travail. C’est un exercice d’être au service de quelque chose. Lire, j’adore, mais je manque de temps. Il faudrait que je le prenne! Je suis essentiellement focalisé sur la musique mais je sais et je sens que c’est important d’aller se ressourcer dans d’autres arts.

Ta playlist du moment?

Je tente la nouveauté. J’adore le dernier album de Why ?,  James Blake, Sole qui m’a mis une claque dernièrement sur scène. Je suis ultra fan de Scott Walker, un crooner américain des années 60 qui jouait dans un groupe qui s’appelait Walker Brothers. Un groupe qui marchait aussi fort que les Beatles outre-Atlantique. Il faisait des reprises de Jacques Brel en anglais. C’est d’ailleurs lui qui a fait connaître Jacques Brel aux States. Il a fait 4 disques solo durant les années 60, et il revient aujourd’hui avec un univers expérimental et “Bish Bosch”, un album qui est une vraie expérience à écouter. Je le conseille.

Parmi tous ces groupes qui se reforment, qui t’a le plus scotché?

cita2Refused. C’est sans appel. Malgré tout ce qu’on peut reprocher à un groupe avec un discours politique très tranché qui revient sur le devant de la scène. Est ce juste pour le fric? Mais merde, en même temps, quand tu vois cette reformation en live, c’est magnifique et une justice rendue à un disque énorme qui était sorti dans un presque anonymat. Ce retour était loin d’être pathétique, et les gars se défoncent vraiment sur scène. Ces mecs la ont tellement trimé, je trouve que c’est mérité. Comparé à At The Drive In, il n’y a pas photo!

On sait également que Headcases, ton ancien groupe avec Laurent Paradot et Matgaz, a repris du service pour un tribute à Nirvana. Ambitieux et plutôt réussi comme pari. Explication?

Tout est parti d’une blague. On l’a fait une fois en 2006 au Mars Attack d’Angoulême quand Headcases était encore en fonction. Nirvana est le groupe qui nous a rapproché tous les trois et avec qui on a grandi. On a ça dans le sang. Matgaz a beaucoup été influencé par le jeu de Dave Grohl. Pour nous, ce projet est un moyen de se faire plaisir. On devait faire quatre ou cinq dates. On en est déjà à 40!!! On le fait sans prétention, et on prend beaucoup de plaisir. Pour l’anecdote, on a joué récemment avec Mudhoney à la Sirène à La Rochelle. Mais on jouait après eux! On n’était pas fiers, et on s’est dit qu’ils allaient mal le prendre. Ils sont venus voir le concert, et ils étaient à fond! Imagine, Mudhoney en première partie d’une copie de Nirvana…

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Le fait de vous retrouver après quelques temps d’arrêt ne vous donne t-il pas l’envie de remettre le couvert pour de nouvelles compos? Ou Headcases restera t-il uniquement “récréatif” désormais?

On ne sait pas trop. On a fait un nouveau morceau pour voir. On a eu beaucoup de plaisir à le jouer, peut être plus que les anciens morceaux. On s’est dit qu’on verrait avec le temps si on se remet ensemble dans un local de répétition pour travailler. S’il se passe quelque chose d’excitant, pourquoi pas? Mais ce n’est pas une priorité aujourd’hui.

Joues-tu dans d’autres projets? Peux-tu nous en parler?

En ce moment, je n’ai jamais été dans autant de groupes. Je joue dans Franky Goes To Pointe à Pitre, formation foutraque de zouk noise avec le guitariste de Pneu et le batteur de Mr Protector. Je joue aussi dans Base, projet instrumental avec le batteur de Microfilm, j’accompagne Laurent Paradot dans le projet Laurent et les Massifs Centraux, et aussi dans un duo loufoque, Friskies, dans lequel je joue de la batterie et où le batteur de Mr Protector fait du clavier.

J’ai l’impression que, en Charente, il y a plus de groupes que de musiciens?!! Tout le monde joue avec tout le monde, les groupes se croisent et s’échangent les musiciens….

Carrément! Je crois que c’est important d’avoir la tête dans la musique. Chaque projet nourrit l’autre, et ça permet de rester créatif, d’échanger, de confronter les univers et de les amplifier.

Les futurs projets?

Pour l’instant, c’est la scène pour Luis Francesco Arena qui prime. Je suis focalisé à défendre le disque et d’aller sur la route le plus possible. Pour le futur, on verra.

Le mot de la fin?

Je ne sais pas trop quoi dire….. Je ne sais pas. C’est pas grave? Ou on se revoit bientôt, j’en saurai peut être plus?

Crédits photos:
Sophie Delaveau (sophiedelaveau.com)
Tifanny Arnould (tiffanyarnould.com)


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