Interview : La Caution (11-2000)

Interview : La Caution (11-2000)

Votre maxi « Les Rues Electriques » sonne à la fois old et new school. Où se situent vos influences musicales?

Ce maxi, c’est le premier truc revival electro qui est sorti en rap français. Cela a été suivi en fait par plein de projets, ça nous a étonné. A la base, on voulait faire quelque chose de totalement old school mais étant donné que c’était notre premier maxi, que notre musique est assez compliquée, on n’allait pas faire quelque chose d’hyper simple ou quelque chose complètement tiré par les cheveux. On a fait une sorte de chronologie hip hop. Le premier morceau est electro, rappelle la période de compétitions dans les divers mouvements hip hop. Le deuxième comporte deux segments, un actuel et un autre futur.

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Vos textes semblent assez inspirés par tout ce qui est Science Fiction, fantastique… Pouvez-vous nous en parler?

Ca, c’est surtout moi. Mon nom est Hi-Tekk parce que je kiffe Philippe K. Dick qui est un auteur de SF, je faisais du graff avant et la SF m’inspirait beaucoup et m’inspire encore beaucoup aujourd’hui. Je parle un peu de tout mais toujours avec des métaphores futuristiques. Je conçois mon rap comme de la poésie argotique futuriste. C’est pour cela qu’il y a de la technique dans les rimes au niveau allitération, assonances, rimes croisées, structures syllabiques… On recherche l’originalité et nos textes sont hyper personnels. Les gens qui me connaissent savent que si j’aborde tel ou tel sujet, ce n’est pas pour rien.

Vos noms sont souvent associés à Kérozen, notamment avec les mix-tapes « Un Jour Peut Etre » et « L’Antre De La Folie ». Pouvez-vous nous parler de ce collectif?

Notre manager a fondé Kérozen. Nikkfurie et moi sommes plus dans l’artistique. C’est un tout petit label qui sort des mix-tapes différentes pour tous les publics hip hop. C’est du vrai son hip hop. Ce mouvement a tellement été aseptisé par les radios que quand tu écoutes ce genre de prods, les gens pensent que c’est underground. Mais c’est du vrai hip hop.

Vous êtes également impliqués dans l’Armée Des 12…

Oui, c’est notre posse. Dedans, il y a TTC, La Caution, DJ Fabe, FlashGordon. Tout le monde a un style différent, le son est volontairement différent de tout ce qui sort à l’heure actuelle.

Il y a également le projet Psychotron sur Anamorphis Paranoid. Qu’en est-il?

Dans le collectif, il y a plusieurs formations. Il y a trois compositeurs (Nikkfurie, DJ Fabe, FlashGordon) et c’est ce dernier qui travaille avec Mike Ladd sur Psychotron. A la base, cela devait sortir sur Kérozen, en fait ça ne se fera pas pour je ne sais quelle raison. Cela devait sortir en septembre et il y a toujours rien dans les bacs. TTC sort son album chez Big Dada, les trois concepteurs ont travaillé ensemble même si Flash en a fait la majorité. Cet album sera le plus avant gardiste du rap français actuel. Musicalement, cela va changer de ce que l’on a l’habitude d’entendre, en plus Big Dada va leur assurer une bonne distribution. Cela nous a permis de rencontrer des mecs comme DJ Vadim, de faire des scènes avec eux, de bosser ensemble. Les anglais retrouvent chez nous la vibe underground qu’il y a aux States chez certains groupes alors qu’ils pensaient qu’en France il n’y avait que le rap aseptisé par la radio. Pour revenir à Psychotron, c’est une formation qui comprend un membre de TTC (Tekila) et moi-même (Hi Tekk, ndr). Le concept est celui d’un type, qui est psychopathe et qui se shoote à l’hélium. Tekila a une petite voix à la tunes et moi, j’ai une voix assez grave. Je suis donc le psychopathe à l’état normal et Tekila joue le rôle du même type mais sous hélium. Les sujets abordés sont assez spéciaux. Le mieux est de se choper les mix-tapes pour capter les délires de tout le monde. On essaye tous d’aller de l’avant pour faire quelque chose d’avant gardiste.
Seriez vous prêts à travailler avec des artistes autres que hip hop?

Pour notre album, on va travailler avec un groupe de hardcore qui joue avec le batteur de Kickback. Les gars sont forts dans ce qu’ils font et ce sont des potes d’enfance. C’est une vibes qu’on aime bien par rapport à Run DMC, Public Enemy, Beastie Boys. Que ce soit par le biais d’un sample ou d’une collaboration autre que hip hop, l’album sera hip hop avant tout même s’il y aura des incursions métal ou orientales. On veut faire un album varié avec des ambiances complètement différentes et sans réel rapport hors mis celui qui fait que ce sera hip hop de toutes manières. On veut que cela soit abouti, mature et Musicalement large. Il y a du bon dans tous les courants musicaux, la preuve en est que tu peux sampler ce que tu veux et faire un truc qui tue tout en restant hip hop. Le rap en France parait puéril par rapport aux autres musiques et on est là pour prouver le contraire. C’est comme si tu critiquais le rock par le biais de Dick Rivers. On fait ce qu’on aime et ce qu’on a à amener est complètement différent du paysage musical actuel. C’est complexe mais ça reste hip hop de manière très personnelle. On s’est appelé La Caution, car c’est un gage de garantie; alors on fait ce qu’on aime, ce qu’on est. On vient des cités, on en a marre et on ne fait que représenter les gens du quartier. Pas le quartier! C’est pour cela qu’on veut avoir notre propre identité, faire un rap caution afin de ne pas être affilié à quelque chose ou quelqu’un d’autre. On est en train de travailler, l’album sortira vers la fin 2001 mais on ne se fixe rien pour ne pas se mettre la pression. Pour l’instant, on est sur la tournée Assassin qui est un super tremplin pour se faire connaître un peu partout. Quand on rentrera chez nous, on travaillera comme d’habitude.

En tant que groupe Assassin Productions, subissez-vous les conséquences positives et négatives du succès de la structure?

Evidemment, des gens pensent que l’on fait du sous Assassin. Assassin existe déjà mais on a aucun intérêt à refaire la même chose. Pyroman, c’est pareil. Assassin est un pilier de la scène française et en France, on a plutôt tendance à critiquer que respecter les piliers. C’est grâce à ce genre de mecs que le hip hop a avancé. Aux States, c’est différent. Personne ne critiquera Public Enemy même si aujourd’hui c’est un peu moins bon. En France, les pro Assassin vont prendre ce qui va avec et les antis vont critiquer tout ce qui s’en rapproche. On est en dehors de ça. Les gens associent trop les choses sans connaître. Assassin Prod ne cherchent pas à produire des sous Assassin mais veulent des groupes qui ont leur propre identité, qui se débrouillent seuls et qui soient matures dans leur manière d’aborder la musique. Le point commun entre les trois groupes Assassin Prod, c’est l’amour de la musique.

Cette tournée est-elle aussi l’occasion de trouver meilleure distribution que celle de Chronowax?

On travaille plus trop avec Chronowax. Cette tournée est surtout une occasion d’acquérir une expérience scénique, capter les réactions des gens, asseoir ton nom sur la scène et pouvoir accéder à d’autres opportunités, combler ce manque de distribution en province. Sans te mentir, depuis le début de la tournée, on a fait aucun bide, les gens ont pris le truc comme ils le devaient. ça, tu le vis une fois et pour nous c’est positif. C’est super…


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