26 Mar 08 Interview : Galactic (03-2008)
Ressentez-vous comme une injustice que la presse du monde entier s’arrête sur ce nouvel album hip hop alors qu’elle ne l’avait jamais fait jusqu’à maintenant? Cela vous gêne t-il que « From The Corner To The Block » relaie le groupe au second plan au profit des Mcs?
Richard Vogel (claviers): Non, nous ne ressentons vraiment aucune injustice. Nous sommes simplement heureux de voir qu’il plait aux gens, et qu’il les intéresse. Quelque part, c’est un disque assez inhabituel puisqu’il regroupe un casting de rêve du hip hop indépendant américain, entouré d’une section rythmique typique de la Nouvelle Orléans. Et puis, ce n’est que notre tout premier album à sortir en Europe… Nous sommes totalement à l’aise quant à notre contribution à ce disque. C’est complètement normal que le public se focalise sur les voix quand il y en a. Qu’il se rappelle juste que c’est nous qui l’avons fait, c’est tout ce qu’on lui demande! Ce sont les Galactic qui ont composé tous les titres, les ont produits, et enregistrés dans notre propre studio. Et pour moi, je vois comme un accomplissement d’être parvenu à réunir des mecs comme Chali2Na, Lyrics Born, Juvenile, Big Chief Monk Boudreaux et The Soul Rebels Brass Band sur un même opus. Cela n’aurait jamais abouti si nous n’entretenions pas ce genre de relation avec eux, et si nous n’avions pas ce statut de groupe de la Nouvelle Orléans constamment en tournée
Peux-tu revenir brièvement sur la carrière du groupe pour ceux qui ne vous découvriraient que maintenant?
Nous somme un groupe funk/groove basé à la Nouvelle Orléans. « From The Corner To The Block » est en fait notre cinquième album. Les précédents sonnent de manière beaucoup plus traditionnelle puisque nous avons toujours puisé notre inspiration dans la musique de notre région, c’est à dire le funk des brass bands et de The Meters, mais également un autre plus classique, et le soul/jazz. Au fil des ans, nous avons développé un son plus contemporain en raison de techniques d’enregistrement plus modernes, et en ajoutant quelques touches de rock, de hip hop, et de punk, trois styles que nous avons écoutés en grandissant.
Votre chanteur, Teryl Declouet, a quitté le groupe il y a trois ans. Etait-ce sa décision ou celle du groupe? Avec le recul, n’est-ce pas la meilleure chose qui ait pu vous arriver?
La décision a été celle du groupe. Comme je viens de te le dire, le son du groupe a changé au fil du temps. Plus nous nous éloignions de notre son originel, plus il était difficile pour le groupe d’inclure le chant de Teryl aux compositions. Et vu que nous voulions vraiment poursuivre dans cette voie, la décision devenait inéluctable.
Juvenile est le seul Mc de la Nouvelle Orléans à apparaitre au tracklisting. Pourquoi ne pas avoir invité d’autres rappeurs locaux pour redonner un peu de baume au coeur à cette région dévastée?
Nous avons simplement fait appel aux Mcs que nous apprécions le plus et avec qui nous avions déjà travaillé auparavant. Lyrics Born a tourné avec nous il y a quelques années, et c’est grâce à lui que nous avons pu entrer en contact avec d’autres artistes de la Bay Area comme Lateef ou Gift Of Gab. Nous avons également joué avec Juvenile au Jimmy Kimmel Show aux Etats Unis. Pour les autres, on est venu vers eux parce qu’on aime leur travail.
Comment avez-vous organisé tout cela?
Nous avons laissé les Mcs choisir leur morceau à partir des démos que nous avions enregistrées. Ensuite, ils ont posé leurs voix et nous avons apporté les dernières touches. On leur a donné une thématique générale qui, pour la plupart d’entre eux, revenait à l’idée des coins de rue, du plus spécifique pour Chali2Na, au plus généraliste pour Gift Of Gab. Seule Ladybug Mecca a abordé le sujet d’une manière différente, en parlant des angles et de la géométrie. Au delà de ce fil rouge, chacun était totalement libre d’écrire ce qu’il voulait.
Comment voyez-vous votre prochain album désormais? Retournerez-vous à quelque chose de plus traditionnel?
Le prochain disque aura sûrement un Mc ou deux mais il sera très différent de « From The Corner To The Block ». Ca ne sera en aucun cas un second volume.
Penses-tu qu’une des raisons du succès de ce disque réside dans le fait qu’il sonne comme un très bon album de hip hop instrumental, très différent de l’habituel format Mc/Dj?
Déjà, merci du compliment. Et oui, je le pense, d’autant plus que c’était notre but, donc comment ne pas être ravi quand les gens arrivent à cette conclusion? Aussi, bien qu’il y ait de nombreux Mcs et que le tout sonne très contemporain, il y a quand même incontestablement une vibration Nouvelle Orléans sur plusieurs titres qui fait aussi la différence.
La musique étant un éternel recommencement, comment expliques-tu le fait que la nouvelle génération funk ait du mal à faire oublier son aînée? C’est aussi un peu le cas pour le rock et le hip hop, mais beaucoup moins flagrant…
C’est une question très intéressante, mais je ne suis pas sûr d’avoir une réponse. Surtout que c’est plus complexe que cela étant donné que, selon moi, le hip hop et le rock viennent tous les deux du funk, comme du blues, du jazz et du R&B qui font aussi l’histoire de la musique américaine. La différence réside certainement dans la nature plus commerciale du hip hop et du rock, facilitée par leur côté hybride qui leur permet de s’adapter et de changer plus facilement.
Vous citez toujours The Meters comme votre principale influence. Penses-tu qu’ils auraient évolué comme vous s’ils existaient encore aujourd’hui?
Je ne sais pas ce que serait devenue la musique de The Meters s’ils étaient encore ensemble, mais je sais qu’on n’a toujours pas connu mieux à l’heure qu’il est. Un titre comme « Look-Ka Py Py » est sans conteste la musique la plus funk jamais enregistrée. Mais nous admirions surtout The Meters pour la formidable section rythmique qu’ils avaient. Nous avons juste toujours voulu nous inspirer de ces groupes, comme BookerT & The MG’s ou les différents backing bands de James Brown, qui avaient un vrai et fort sens du groove.
Quelles ont été les conséquences de l’ouragan Katrina sur vos propres vies, et sur la musique de Galactic?
Beaucoup de choses seraient différentes aujourd’hui sans ce triste évènement. Mais il faut maintenant vivre avec car nous ne pouvons pas refaire l’histoire. C’est arrivé il y a deux ans et demi maintenant, et la ville continue doucement à se reconstruire. Quant à nous, nous avons perdu notre studio, en avons récupéré un autre ou on a pu finir cet album et commencer à travailler sur le prochain. Cette ville aura toujours une profonde influence sur nous, sur notre musique, comme ça a toujours été le cas.
Vous êtes venus récemment en France pour les Transmusicales de Rennes. Contents d’y revenir?
Bien sûr, surtout que nous n’avons pas vraiment eu le temps d’en profiter quand nous avons joué aux Transmusicales. Je compte bien faire quelques bons repas français cette fois, pas seulement de la bouffe de festival. Les gens de notre région adorent manger tu sais…
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