Interview – GaBlé, complètement barré…

Interview – GaBlé, complètement barré…

Il n’y en a pas deux comme lui. GaBlé est un groupe atypique qui ne laisse jamais indifférent là ou il passe. Tant mieux, car c’est toujours sur la route qu’on a le plus de chance de le croiser. Comme pour ne jamais faire comme tout le monde, c’est par emails interposés que nous avons pu converser avec le trio caennais, peu de temps avant qu’il séduise les Transmusicales de Rennes. A questions sérieuses, réponses barrées. GaBlé fidèle à lui-même…

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Vous avez fait votre premier concert à dix, et vous n’êtes finalement plus qu’un trio. Pourquoi ces trois-là sont restés, et pas les autres?

Question difficulté 9. J’en suis déjà à ma septième reformulation. Il doit s’agir d’une complexe alchimie composée d’amitié, de curiosité, d’envie de proposer. Nous sommes parfois sur scène à 4, 5, parfois 18 avec la chorale. Lors des enregistrements, le nombre de participants n’a pas de limite. 3 est peut-être le nombre sous lequel on ne peut pas descendre.

Vous revendiquez énormément d’influences. Quels sont les styles musicaux pour lesquels vous éprouvez encore des difficultés à retranscrire dans la musique de Gablé?

Nous mettrons un point d’honneur à vaincre toutes les difficultés qui croiseront notre chemin. Nous avons déjà piétiné Haydn et la biguine, la chanson française et le breakcore: le dub n’est pas invincible.

Selon vous, quelle est la part de cérébral dans votre musique?

Trop facile comme question. D’abord cérébrale prend un « e », ensuite on ne met pas « de » devant un adjectif. Je lis qu’un antonyme de cérébrale est sensuel. Je dirais moite-moite.

Les titres de vos albums sont parfois très courts et laissent l’impression à l’auditeur qu’ils auraient pu être plus approfondis. Est ce un sentiment que vous partagez parfois avec le recul? Est ce une option que vous garder pour la scène?

Peut-être n’approfondissons-nous pas par goût pour la concision. Cela peut susciter une frustration que nous préférons à l’indifférence. Nous découvrons parfois avec bonheur que certains morceaux peuvent être complétés de parties supplémentaires ou agrémentés d’une introduction, c’est la scène qui nous le montre. Peut-être les albums seraient-ils différents si les morceaux étaient joués préalablement sur scène.

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Une de vos grands mères apparaît au tracklisting de votre dernier album . A t-il été difficile de la convaincre et, écart générationnel aidant, comment interprète t-elle votre musique?

Sa voix est assurée, pleine, volontaire, habillée des riches parures de la vieillesse. Ce n’est pas une voix qu’on peut convaincre. On ne convainc pas le soleil. Je ne sais pas comment elle interprète notre musique. J’imagine que cela lui évoque une certaine étrangeté, de l’incompréhension, du plaisir et j’espère la satisfaction d’y avoir contribué.

De l’extérieur, on a l’impression que Gablé est totalement dans sa bulle et que rien ni personne ne peut venir influencer la route qu’il s’est tracé. Qu’en est-il exactement?

Nous sommes dans une bulle poreuse constituée d’envie et de curiosité. Si une route est tracée, elle évite l’enfermement et l’ennui. Nous aimons à être excités, nous souhaitons exciter.

C’est peut-être quelque chose dont vous n’avez pas conscience, mais il se dégage aussi une non-attitude quand on vous voit, une sorte de refus d’être apparenté visuellement à une scène quelconque. Est ce quelque chose que vous cultivez?

Dans le contexte présent, la chose qui nous importe en premier lieu est la musique. Nous la voulons belle, forte, excitante, intrigante, sale et pure. J’espère que nous lui ressemblons. C’est la musique qui décide, elle nous impose des attitudes. Elles sont parfois réjouissantes et parfois honteuses. Quelle attitude revendiquer lorsqu’on doit tour-à-tour jouer comme un rocker et produire des couinements?

Sur scène également, et sans que ce soit péjoratif, on voit un groupe attachant parce que d’une simplicité déroutante, aussi récréatif que mal à l’aise. Est ce un exercice que vous travaillez beaucoup et que vous appréciez? On a même pu voir quelques bribes de chorégraphie collective…

Nous l’apprécions à grandes enjambées. Nous l’aimons. Nous ne travaillons pas. Nous jouons et chantons avec application et entrain. Nous faisons de notre mieux, en tentant de combiner rigueur et spontanéité. Parfois, pendant un concert, l’incongruité de la situation peut surgir: nous interprétons avec joie des compositions sans queues ni têtes truffées d’inepties devant des gens qui nous écoutent et semblent aller dans notre sens. Cela déstabilise et enchante. Je crois qu’il n’y a qu’un instant chorégraphié pendant le set. Nous y concentrons toute l’énergie que nous aurions du consacrer à la chorégraphie du reste du concert.

Vos compositions sont parfois tellement originales et minutieuses qu’on se demande comment il vous est possible de les interpréter deux fois de suite à l’identique. Y parvenez vous d’ailleurs?

Tout est réglé comme du papier à musique. La machine est bien huilée, bien programmée. Le problème vient des opérateurs et de leurs failles qu’ils ont grandes et nombreuses. Le raté, la faute, l’oubli sont permanents et bienvenus, ils assaisonnent les morceaux. Egoïstement, c’est d’abord pour nous trois qu’il doit y avoir de la place pour la surprise. Le terrain est bien préparé mais miné.

« Quelle joie de voir sauter, en son parc arboré,
le maitre du jardin en ce si beau matin.
Et le voilà qui gît, terrassé par l’oubli,
La mine bien explosée, il l’a lui-même enfouie.
 »

Vous considérez vous comme des trublions de la scène française?

Si par trublions on entend perturbateurs, fâcheux et importuns, alors d’accord. Nous aimerions être des trublions qui n’exaspèrent pas. Quant au terme de scène française, il ne nous est pas familier. Nous comprenons qu’il y a des groupes français et des musiciens français en France. La scène française, je crois que cela n’existe pas. On dirait un concept issu d’un autre champs que celui de la musique.

Vos textes sont parfois limite compréhensibles, jusqu’à ne prendre qu’une tournure purement musicale. Leur contenu est donc quelque chose auquel vous n’accordez pas d’importance? Quels sont vos thèmes récurrents?

L’importance du sens des textes et de leur compréhension est intermittente. Certains ont des sens et des interprétations multiples, d’autres sont limpides, ne laissent place à aucune interprétation. Certains textes n’ont aucun sens. Je me réjouis lorsqu’ils sont mal compris, je suis parfois gêné lorsqu’ils le sont (la pudeur). L’important c’est que les choses restent ouvertes ou tellement fermées qu’on se doit d’en rire. Pour revenir à la question de la cérébralité, l’écriture est un moment où l’on s’en libère parfois sans regrets.

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Vous êtes signés sur un label anglais. Est ce pour vous une opportunité d’aller voir du pays ou est ce tout simplement parce que l’Angleterre réserve un meilleur accueil à votre musique que la France?

Oui, c’est une opportunité d’aller voir du pays, et d’autres nous espérons. Je ne crois pas que l’accueil anglais soit meilleur que le français. Nous avons eu la chance que la musique parvienne à des oreilles qui l’ont aimée, les oreilles étaient en angleterre. Peut-être écoute-t’on différemment une musique venue de l’étranger. Peut-être écoute-t’on différemment la musique d’un label étranger. Ah les suppositions… On ne sait jamais très bien jusqu’où elles vont nous mener.

Cette signature a t-elle été synonyme pour vous de remise en question? Dans le sens ou les choses ont pris indéniablement une tournure plus sérieuse…

Je crois que nous nous méfiions des éventuelles remises en question qu’impliquaient la signature avec un label. C’est Loaf qui nous a invités à ne pas le faire et nous a rassurés. Nous nous efforçons tous ensemble de faire en sorte que les choses ne prennent pas une tournure sérieuse car nous abhorrons tous le sérieux (dans ce contexte, s’entend).

Vous avez récemment donné un concert à Caen avec une chorale et musiciens supplémentaires. Est ce une initiative qui a demandé beaucoup de préparation en amont? Allez vous rééditer ce genre de chose?

Oui, cela demande une importante préparation en amont, mais l’effort n’est pas ingrat. Nous avons eu la chance de faire une résidence à Rennes grâce aux Trans, et allons jouer en décembre à la Cité au grand complet: la chorale, Ronan aux percussions et Elodie au violoncelle.

D’ailleurs quel est le projet que Gablé aimerait s’offrir et qu’il n’a pas encore eu l’occasion de mettre sur pied?

Chanter un 14 juillet avec Bono sur les pentes de Khéops, avec un système de sangles. Sting nous accompagnerait et son clavecin ne serait pas sanglé.

Quel est le disque qui a changé votre vie?

C’est un coffret. Ma cousine avait fourré dans la même boîte « Surfer Rosa » des Pixies, « The Night Has A Thousand Eyes » de Sonny Rollins, et une compile des Beatles.


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2 Comments
  • yeva
    Posted at 13:52h, 26 novembre Répondre

    Cool de voir que les ptits Gablé arrivent sur Mowno et qu’ils sont toujours autant barrés!

  • raclo
    Posted at 19:56h, 09 décembre Répondre

    Ouais c’est rien qu’une bande de hippy qui se la joue !!!
    On ne jardine pas sans jardin mais on y fait pousser des plantes grasses.

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