Interview – Cloud Nothings, la peur de l’ennui

Interview – Cloud Nothings, la peur de l’ennui

Si ‘Attack On Memory‘ (2012) avait déjà bien installé Cloud Nothings parmi les groupes de rock actuel les plus en vue, ‘Here And Nowhere Else‘ a – cette année – fini de porter le trio vers des hauteurs qu’il n’espérait peut être jamais atteindre. Souvent en France, surtout depuis que Dylan Baldi n’a pas seulement trouvé l’amour de ses fans dans la Capitale, Cloud Nothings faisait logiquement étape à Rock en Seine cet été. C’est donc après une prestation programmée très tôt, mais devant une large assistance, que les trois ont convaincu un public qui n’était peut être pas seulement venu pour lui. Détendu et nonchalant, presque à l’aise dans sa routine de petite rock star, Dylan Baldi – verre de vin blanc à la main pour arroser son anniversaire le jour même – revient pour nous sur la France, ses albums et le long chemin parcouru pour en arriver là. 

Si je ne me trompe pas, tu vis à Paris depuis quelques temps…

Dylan Baldi (chant/guitare): Ouais, ça fait deux ans déjà… Ma copine est française, je ne vis pas vraiment ici mais on va dire que, quand je ne suis pas en tournée avec Cloud Nothings, je pose mes affaires chez elle.

Depuis que tu passes du temps en France, y a t-il des groupes français qui ont attiré ton attention?

Oui, j’ai eu l’occasion d’aller voir des concerts et d’écouter quelques trucs, j’aime beaucoup Cheveu par exemple. Je me suis même mis à écouter des vieux groupes de rock progressif français, des trucs marrants… (rires)

Donc, à priori, pas de soucis si on continue l’interview en français, non?

Ahaha, non, malheureusement, ça risque d’être absolument impossible pour le moment… Laisse-moi deux années de plus, et on retente le coup si tu veux… (rires)

Cloud Nothings n’est plus vraiment le même groupe depuis ‘Attack On Memory’. Penses tu que cela soit uniquement du aux efforts de production? Ou y  t-il également eu une envie d’exprimer de nouvelles influences?

Cela vient essentiellement de l’envie de faire quelque chose de différent de ce qu’on avait pu faire jusque là. On aimerait pouvoir changer de registre ou de son pour chaque album. C’est un peu ce qui s’est passé depuis qu’on sort des disques. Refaire le même à chaque fois, ce serait très ennuyeux pour moi…

Suite à l’enregistrement de ‘Attack On Memory’, votre avant dernier album, tu n’as pas hésité à critiquer la méthode de travail de Steve Albini, alors en charge de la production du disque. Au delà de la grande qualité de l’album, penses-tu que ces commentaires ont contribué à faire parler de  Cloud Nothings?

Évidemment, ça a fait parler du groupe, mais les bonnes critiques ont aussi aidé à nous faire connaitre d’un plus large public… Steve Albini a produit ce disque, on est conscient du fait que cela peut attirer l’attention mais, au final, ce n’est pas ce qui fait que ‘Attack On Memory’ ait eu un succès critique.

Tu as dit en interview que tu étais assez déprimé à l’époque de ‘Attack on Memory’. Est ce que son succès a contribué à ce que tu ailles mieux aujourd’hui? Était-ce le manque de reconnaissance du travail effectué qui te hantait un peu trop?

Hmmm… Ce n’était pas le manque de reconnaissance, on a beaucoup tourné… Enfin si, c’était un manque de reconnaissance, tu as raison (rires). J’ai quitté l’université pour me lancer à 100% dans le groupe, et j’avais l’impression qu’on intéressait personne. Ma vie n’avait pas ou peu de sens, je faisais de la musique, mais apparemment tout le monde s’en foutait… À partir du moment où les gens ont commencé à vraiment s’intéresser à nous, c’est vrai que les choses se sont arrangées pour moi au niveau personnel.

Justement, au moment de prendre cette décision d’arrêter tes études, tu as écrit un long email à tes parents pour justifier ton choix. Pourquoi ne pas leur avoir parlé directement? Pensais tu qu’ils allaient mal réagir, qu’ils ne pourraient pas comprendre que tu laisses tout tomber pour la musique?

Ben, je n’étais pas à la maison, donc ça avait du sens de faire ça par mail… (rires). J’étais dans ma chambre à l’université, j’ai écris ce mail en leur expliquant pourquoi je ne voulais pas continuer… En même temps, je me dis que ça fout un peu les jetons de parler de ça à tes parents (rires). Je ne savais pas vraiment comment ils allaient prendre la nouvelle, mais ils ont juste dit: ‘Ok’. Ils ont été plutôt cools, ils savaient que je n’étais pas très heureux à l’université, donc ils m’ont laissé faire…

‘Here and Nowhere Else’ est la suite logique de ‘Attack on Memory’. Quelles sont les choses que vous avez voulu améliorer ou ne pas répéter entre ces deux albums?

Je voulais faire des chansons un peu plus complexes, ce qui n’était pas facile puisque, maintenant, nous ne sommes plus que trois dans le groupe. J’ai donc du apprendre à mieux jouer de la guitare, c’était beaucoup de travail, mais j’en suis plutôt content. Je voulais aussi que Jason, notre batteur, soit plus impliqué.

Que s’est-il passé avec l’ancien guitariste?

Malheureusement, il ne peut plus être dans le groupe à cause de problèmes légaux. Après son départ, on n’a pas vraiment eu de temps pour le remplacer. J’ai donc décidé d’assumer seul toutes les parties de guitare.

Sens-tu que c’est plus simple désormais pour toi?

Ce n’était pas le cas au départ… Au début, j’étais assez perdu, j’ai du pas mal bosser pour faire en sorte de compenser le fait qu’on avait une guitare en moins. Maintenant, ça me semble plus simple oui, et c’est surtout plus fun pour moi.

Tu portes beaucoup la responsabilité du songwriting au sein du groupe. Procèdez vous de la même façon qu’à vos débuts, ou est ce que les deux musiciens qui t’accompagnent ont désormais un vaste espace de libre expression quand il s’agit de composer?

En gros, j’arrive avec une idée composée à la guitare, avec des paroles, et les mecs rajoutent leurs parties… Ils apportent beaucoup à chaque chanson, ils ont toujours de bonnes idées et, en général, le mix entre nos trois instruments se fait plutôt naturellement. On est très content de la manière dont on fonctionne à ce niveau là.

Tu es jeune, 23 ans aujourd’hui, et constamment sur la route depuis quelques années. Est ce quelque chose de difficile quand on est encore à l’âge ou on se construit en tant qu’homme? Est ce que ca rend mature plus rapidement ou, au contraire, est ce que la musique prolonge l’adolescence d’après toi?

(rires) C’est un peu des deux en fait… Ca rend plus mature car j’ai du me prendre en main très tôt plutôt que d’être à l’université à faire le con. Mais, en même temps, être musicien est un boulot étrange, on te propose des bières tous les soirs, ce n’est pas forcément mieux… (rires). C’est comme faire durer l’adolescence plus longtemps, mais avec pas mal de responsabilités, et des à-côtés un peu chiants parfois…

Depuis quelques temps, on entend parler d’une collaboration avec Wavves qui se traduirait par un album. Peux tu nous en dire plus, et nous dire aussi ce qu’on peut en attendre?

On a enregistré huit chansons mais, à vrai dire, je ne sais pas ce qu’on va en faire pour le moment… On va certainement les publier sur internet en téléchargement gratuit à un moment ou un autre. Un jour, Nathan m’a envoyé un texto pour me demander si ça me disait de faire un disque avec lui. Ca tombait bien, je n’avais rien de mieux à faire à ce moment là, donc ça c’est fait tout simplement, pour échapper à l’ennui pour ma part.

Votre musique est de plus en plus noise au fur et à mesure que votre discographie s’épaissit. Est ce une direction que  vous voulez creuser encore plus à l’avenir, ou ressens tu déjà de nouvelles envies à force de jouer ces morceaux? Étant donné que tu t’étais rapidement ennuyé du format pop des deux premiers albums, peut-il se passer la même chose avec cette nouvelle orientation musicale?

J’aime le son plus noise, mais je n’ai franchement pas l’impression qu’on joue de la musique qui s’en rapproche. Ca me semble plutôt toujours plutôt poppy pour ma part. Donc, oui, j’aimerais creuser encore plus dans ce sens là et faire un disque complètement noise…

Crois-tu que tu réintègreras à vos setlists des chansons de vos deux premiers albums, plus pop…?

Probablement pas… Quand on joue ces chansons en répétition, j’ai la sensation qu’elles ont déjà vraiment déjà pas mal vieilli. J’avais 18 ans quand j’ai composé la plupart d’entre elles, désormais elles ne me correspondent plus.

Ça doit quand même être étrange de faire presque comme si ces deux premiers disques n’existaient pas ou plus…

Je n’ai pas envie de jouer des trucs qui ne sonnent plus naturels pour moi… Peut être que dans deux ans, il se passera la même chose avec les morceaux de ‘Attack On Memory’ et ‘Here and Nowhere  Else’… Aujourd’hui, quand je ré-écoute nos deux premiers disques, je n’ai même pas l’impression qu’ils contiennent de bonnes chansons. Je savais à peine écrire à l’époque, c’était mes premières compositions. Elles m’ont très certainement permis d’arriver là où j’en suis maintenant, mais je n’ai plus envie de les jouer…

Tu dis pouvoir te lasser rapidement également des deux derniers albums… As-tu une idée déjà du nouveau virage musical que vous pourriez prendre?

J’imagine que c’est quelque chose qui se fera de manière naturelle… Je n’y pense pas pour l’instant car, pour le moment, je n’ai rien écris en vue d’un prochain album. On s’amuse encore énormément avec les morceaux des deux derniers disques. Chaque chose en son temps, on verra bien où tout cela nous mène.

Ce changement musical est-il donc plus dû à un apprentissage au niveau du songwriting qu’à la peur de l’ennui?

Oui, je pense que tu as raison. En fait, je viens de la musique noise et de la musique plus heavy. Mais, à l’époque de nos deux premiers disques, je ne savais pas comment faire pour retranscrire ces idées noise que je pouvais avoir en moi. Je ne la comprenais pas complètement, ça m’a donc pris du temps. Ca s’est fait petit à petit, en composant d’abord des chansons très courtes et plutôt basiques que j’ai pu ensuite améliorer et étoffer, jusqu’à obtenir des morceaux qui me plaisaient et me correspondaient entièrement.

Tu viens de Cleveland… Tu as sans doutes un avis sur le come back de Lebron James aux Cavaliers? Où es-tu plus fan de l’époque Mark Price, Larry Nance, Brad Daugherty?

(rires) Je ne sais absolument pas de quoi tu me parles à vrai dire… (rires). C’est la première fois que j’entends les trois derniers noms que tu viens de me citer. Le come back de Lebron, pareil, je n’ai pas vraiment d’avis là-dessus, j’imagine que c’est cool… Cleveland est aussi connue pour avoir le plus grand lustre extérieur au monde, on est plus cool que jamais!


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