Interview : Busdriver (02-2007)

Interview : Busdriver (02-2007)

Quelles étaient tes ambitions lorsque tu as attaqué l’enregistrement de ce nouvel album?

J’ai ressenti le besoin de m’imposer un certain challenge, quelque chose qui me fasse saliver. Ou peut être que je voulais seulement enregistrer un disque sur lequel les strip-teaseuses puissent danser…

Tu as fait ta réputation grâce à ta dextérité vocale pourtant ce disque est beaucoup plus varié que les précédents, musicalement mais au niveau du flow également. Pourquoi ce choix? N’as-tu pas eu peur de perdre un peu de ta personnalité musicale?

Je pense que tu devrais plutôt dire que je me suis fait injurié plutôt que de parler de réputation. En fait, je ne me suis jamais vraiment préoccupé de la manière dont ma musique pouvait être accueillie. À partir de là, pour moi, m’accorder des libertés par rapport à ce que les gens perçoivent de moi et de ma musique est plutôt facile et ne me pose aucun problème de conscience. Je n’ai donc pas besoin d’un gilet de sauvetage.

Busdriver sur scène

Boom Bip et Nobody ont joué un grand rôle pour ce « RoadKillOvercoat« . Pourquoi et comment es-tu venu vers eux? Est-ce que changer systématiquement de producteur est une manière de s’assurer une certaine diversité, un certain changement?

Album “RoadKillOvercoat”

Les producteurs sont toujours très importants, surtout dans le hip hop. Ces deux-là sont les deux producteurs les plus prestigieux de mon entourage. Ce serait alors complètement illogique de ne pas profiter du temps qu’ils ont à m’accorder et de l’excellent travail qu’ils font. J’ai finalement accepté le fait que la musique est en perpétuel changement et que le hip hop ne fait rien d’autre que stagner. Boom Bip et Nobody ont permis à ce disque de n’avoir aucune contrainte, aucune barrière. C’est bien plus que ce que je pourrais demander à n’importe quel producteur.

Tu as dit, il y a quelques années que tu avais plus de succès en Europe qu’aux Etats Unis. Est-ce toujours le cas aujourd’hui? Cela explique t-il la tournure quelque peu « pop dance » de ce nouvel album? La scène hip hop indépendante est-elle tellement un cul-de-sac?

À mon avis, le hip hop indépendant n’offrira plus grand chose d’intéressant désormais. Les conditions sont aujourd’hui différentes. Les seuls qui restent, dans ce genre, sont les plus inconditionnels qui se sont débrouillés pour se tracer une carrière plausible dans les années à venir. Il n’y a donc plus rien de nouveau hormis ce qu’eux font, aussi triste que cela puisse être. Je n’ai jamais été quelqu’un de connu, ou que ce soit. Utiliser le mot succès en ce qui me concerne voudrait dire que beaucoup de gens achètent mes disques. Ce serait fausser la vérité. Je veux dire par là que, même si j’espère que cela change cette année, cela n’a jamais été le cas.

Tu as quitté Mush et Bid Dada pour Epitaph, un label au catalogue hip hop plutôt récent. Pourquoi avoir fait ce choix? Entretiens-tu des relations avec les artistes déjà présents sur le label?

J’ai souvent côtoyé Atmosphere, surtout Slug. Dangermouse est un pote, en plus d’avoir un statut de « méga producteur ». C’est tout. En voyant plus loin que le simple changement de label, il est avantageux de trouver un formidable débouché pour sa musique. Il y a seulement une poignée de gros labels indépendants aux Etats Unis et Epitaph est l’un d’eux. Une porte s’est ouverte et j’ai décidé de la prendre. En plus de cela, c’est l’expérience la plus positive en termes de label que j’ai pu avoir.

Le slam, discipline ancienne aux Etats Unis, est en train de prendre beaucoup d’ampleur en France. Quels ont été ses effets sur le hip hop d’outre Atlantique? À quoi doit-on nous attendre puisque la France semble systématiquement suivre l’influence américaine?

Le slam est une discipline à double tranchant. Des artistes fantastiques ont émergé grâce à cela, mais la plupart des choses que j’ai pu entendre dans le genre sont en général très mauvaises. En France, cela pourrait conduire à une écriture plus sérieuse qui occupe le devant de la scène. Mais un temps seulement, cela ne durera pas.

Connais-tu quelques groupes ou artistes français? Que penses-tu d’eux?

Il est fort probable que ma plus grosse influence pour ce nouvel album provienne de mes potes de TTC. Ils sont toujours un des groupes les plus novateurs d’aujourd’hui.

Es tu frustré que ton public français, par exemple, ne comprenne pas forcément toutes tes paroles? Quels sont tes sujets de prédilection?

Non, je ne m’arrête pas à cela, il y a bien d’autres côtés attractifs dans la musique que les paroles, qu’elles soient intéressantes ou non. Moi, ce sont les houes, les putes, et le fascisme islamiste…

Busdriver

Tu as commencé le hip hop au sein de Project Blowed. Te considères-tu toujours comme un de ses membres? Comment entretiens tu cette affiliation?

Je serai toujours un « Blowedian », c’est encré dans mon style et mon air de fanfaron. Nous travaillons encore ensemble assez souvent. Le rêve s’est un peu estompé, mais il est loin d’être mort.

Quel est le concept de Project Blowed? Comment fonctionne t-il et comment y adhère t-on?

Secret, secret, secret… Project Blowed est tel un open mic et il comprend les meilleurs de cet exercice. Ceux-là sont les têtes pensantes du crew. À partir de là, des disques sont enregistrés, des collaborations se forment en son sein.

Penses tu un jour rééditer l’expérience de « The Weather » dans le futur? Que retiens-tu de cette collaboration avec Daedelus et Radioinactive?

Je l’espère fortement, oui. D’autant plus que je ressens le besoin de faire un break avec l’entité Busdriver. « The Weather » m’a appris qu’un effort de collaboration sans retenue musicale ne pouvait que révéler quelque chose d’étrange et intéressant. C’est une initiative à explorer encore un peu plus, sans pour autant que ça ne soit qu’une excuse pour faire de belles ventes. Tout est donc possible. Le plus important est que j’ai beaucoup apprécié le génie respectif de Radioinactive et Daedelus. J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour eux.

Y a t-il des producteurs avec qui tu aimerais travailler? As-tu déjà essuyer des refus?

Oui ça arrive tout le temps. J’aimerais travailler plus avec Para One, mais je n’ai pas eu de nouvelle encore. Ce qu’il fait est irréel. J’aimerais beaucoup connaître quelqu’un en Amérique du Nord qui puisse faire ce qu’il fait si facilement. Mais il n’y en a pas.

Tu es constamment en tournée. Quels sont tes pires et meilleurs souvenirs sur la route?

Les gens. Ils répondent aux deux catégories. Tout comme les démos qu’on me donne…


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