17 Fév 11 Interview – Bauchklang, rois du bouche à oreille
Fin 2010, le festival Associatif La Sauce Jack accueille de bien belles têtes d’affiche au Grand Mix de Tourcoing… Jaqee, Foreign Beggars, Kinny et le quintet autrichien Bauchklang, qui ne trouve une fois de plus rien de mieux à faire que de blinder la salle. Les beatboxers y offrent une nouvelle fois une prestation mémorable, devant un public emballé par ces chansons pop, reggae, techno ou hip-hop, fabriquées uniquement avec la bouche. On les laisse reposer leurs lèvres une petite dizaine de minutes avant de les rejoindre dans leur loge pour une petite interview conviviale, en compagnie du chanteur Andy et d’Alex, la monstrueuse basse du clan.
Je sais qu’il y a eu des modifications au sein du groupe. Qui est le dernier arrivé parmi vous?
Andy: Bina, il fait les « mouthpercussions » et les beats, mais il fait partie de la bande depuis cinq ans. Avant lui, il y a Philipp (Dr Phil) qui est dans le groupe depuis huit ans. Le « bassplayer » Alex, moi Andy le chanteur, et Gerald sont là depuis 1996. On s’est rencontré à l’école ou on a monté le projet. Bauchklang est une longue histoire!
Il y a aussi eu Pollard, qui a rejoint Archive en tant que chanteur…
Oui, il est resté trois ans parmi nous.
Son départ était-il prévu, ou avez-vous du trouver quelqu’un pour le remplacer?
Avant qu’il parte, nous étions six, maintenant nous ne sommes plus que cinq. Ca marche quand même, c’est juste une nouvelle manière de travailler. C’est bien d’avoir deux chanteurs et deux mélodistes. Cinq personnes sur scène, c’était chaud au début, mais aujourd’hui ça va.
C’est plus facile à cinq?
C’est différent… Alex, t’en penses quoi?
Alex: D’une certaine manière, oui, c’est plus facile. Le plus souvent, la scène est petite, donc d’un point de vue logistique, c’est difficile à gérer. Musicalement parlant, c’est plus confortable à six car tu as plus de possibilités. Mais c’est un challenge, c’est intéressant d’être cinq et d’essayer d’obtenir le même résultat. Au début, c’était difficile, maintenant c’est cool!
Andy: Et tout le monde change. Philipp fait les mélodies mais aussi les percussions, Alex joue de la basse et s’élargit également, tout le monde évolue et essaye d’être plus flexible.
Au début, comment avez-vous défini les rôles? L’un fait la basse, l’autre le beat, l’autre la mélodie…
On a monté le projet ensemble à l’école. Par exemple, Alex avait déjà une voix naturellement grave, donc c’était évident qu’il allait être la basse!
Alex: Oui, c’est naturel. Chaque rôle est venu naturellement chez chacun, sauf pour Oopsy qui a appris le beatbox. Il n’est pas né beatboxer, contrairement à moi qui suis une basse vivante. J’ai du travailler la technique mais… Les fréquences étaient déjà là!
Parlons un peu de « Signs », le dernier album. Je le trouve nettement plus dancefloor que « Jamzero » et « Many People ». Etait-ce une volonté?
Andy: Oui, on souhaitait l’amener plus près de l’ambiance live. Les concerts sont aussi plus dancefloor, il y a plus de pression, d’énergie. Les albums étaient jusque là plus posés. En studio, c’est différent du live. « Signs » était l’occasion de nous rapprocher de l’esprit live. Le prochain EP va encore plus loin. Nous essayons de fabriquer un set de 40 minutes sans breaks, comme le ferait un DJ. C’est notre prochaine étape.
Vous dites que vous vous rapprochez des conditions du live pour enregistrer. En studio, êtes-vous du genre « one shot »?
Alex: Sur « Signs », nous avons fait un progrès majeur. Sur le premier morceau (« Create »), nous avions un lieu de répétition en Tunisie. Nous nous sommes installés, nous avons lancé l’enregistrement et la première prise fut la bonne. Tous les morceaux étaient prêts, « Create » est arrivé en dernier, et ça a été une révélation dans notre technique d’enregistrement! Et c’est la manière dont le prochain EP ou album sera enregistré, d’une façon plus « live ». Quand nous avons enregistré « Signs » entre 2007 et 2009, on s’est dit que ça serait bien de sortir un album live. On a eu l’opportunité de le faire en Inde pour « Live in Mumbaï ». Et je pense vraiment que c’est la façon ultime d’enregistrer pour Bauchklang.
Comment avez-vous rencontré ce rappeur français qui est intervenu sur scène ce soir?
Rouda? Nous l’avons rencontré à Grenoble en 2006. il jouait avant nous. On est devenu amis, nous avons fait une jam session juste après. Pendant l’enregistrement de « Signs », on parlait de featurings, et on a pensé à lui. On lui a demandé s’il aimerait poser sur l’album et il a juste dit… Oui!… Voila l’histoire! (rires)
Donc vous aimez la langue française, sa sonorité?
Bien sûr. La langue française est, je pense, plus fluide et plus belle que l’allemand. L’allemand c’est plutôt « Krrkchkro-Ach-Ach-Trrt » (rires). Le français est une bonne langue pour accompagner le beatbox!
Parlez-moi un peu des autres invités sur « Signs »…
Andy: Ursula Rucker est un peu notre favorite depuis longtemps. Nous aimons ses textes, sa façon de chanter, elle a une personnalité forte. Elle jouait à Vienne, on est donc allé la voir et tout s’est fait simplement. On lui a ensuite envoyé notre cd, elle a aimé, a enregistré un truc à Chicago et nous l’a envoyé. On a fait un truc par dessus, c’était un peu compliqué, mais on a joué live avec elle en décembre 2009 et c’est génial d’avoir une connection avec ce genre d’artistes.
C’est la première fois que vous aviez des featurings?
Oui, tout à fait. Le troisième, c’est Tez, un autre beatboxer. Il joue avec Cocorosie et il est incroyable…
Avez-vous déjà des idées pour le prochain?
Peut être une personne pour l’instant… C’est presque impossible mais nous avons fait un morceau pour lui qui n’est pas sorti. En fait, on ne sait pas s’il voudra le sortir avec nous, mais on l’a écrit pour lui, il s’agit de Saul Williams. Encore un poète avec une forte personnalité… Ouais, peut être qu’on aimerait bien faire un truc avec Björk aussi (rires).
Alex: Et aussi peut être avec (il prend l’accent français) Sinclair! (re-rires)
Je suppose que vous testez vos nouveaux morceaux en concert?
En fait, on les développe sur scène! Comme aujourd’hui, l’impro avec Rouda, c’est un morceau que l’on n’a jamais fait avant. On enregistre tous les concerts, on les réécoute souvent après, et parfois des idées apparaissent. On travaille alors dessus, et le morceau prend vie. Et… Pour Sinclair, c’était une blague (rires)
Sur scène, y a t-il seulement vos voix, ou ajoutez-vous quelques effets?
Tu peux demander à notre ingénieur du son! Bonjour ingénieur, y a t’il des effets?
L’ingé-son: Juste des effets normaux comme pour n’importe quel groupe: reverb, delay, compression, rien de spécial.
C’est donc le vrai son qui sort de vos bouches.
Alex: Oui, et tout est bien sûr égalisé, parce que la musique que l’on fait est taillée pour les sound systems.
En dehors de vos bouches, savez-vous jouer d’un instrument?
Andy: Moi, pas vraiment. J’ai appris un peu le piano et la guitare mais bon… Alex?
Alex: Je ne sais pas bien jouer d’un instrument en particulier, juste un peu de tout.
Andy: Bina est batteur professionnel, Oopsy est un bon saxophoniste et Philipp sait jouer du piano, des tablas, un peu de musique indienne.
Vous pensez que ça pourrait vous aider dans votre processus créatif?
Alex: En fait, on est notre propre support band. Nous jouons notre propre partie instrumentale, on n’a pas besoin de se payer un groupe! (rires)
C’est la quatrième fois que je vous vois en live dans les environs de Lille. Je pense que je n’ai jamais loupé un concert de Bauchklang ici. Chaque fois, c’était blindé, mais ce qui est étrange c’est que vous n’êtes pas beaucoup médiatisés par ici. A vrai dire, je n’avais même pas entendu parler de votre dernier album. Comment expliquez-vous ce succès « underground »?
Andy: On a changé de distributeur. « Jamzero » était distribué par Discograph et on avait vraiment un excellent soutien, beaucoup de promo… Le dernier album est sorti sur un label autrichien, qui n’a pas de connection avec la France. Mais bon, ça ne me pose pas de problème, nous ne voulons pas gagner de l’argent avec la musique. Non, joke (rires). On aimerait bien avoir plus de visibilité ici, parce que les échanges avec le public sont si forts depuis des années… Il faut que l’on trouve quelqu’un capable d’établir cette relation.
Alex: C’est dur à trouver de nos jours.
Andy (avec une tête de malheureux): Oui, c’est si dur… (je lui tapote l’épaule pour le consoler)
Alex: Peux tu me taper sur l’épaule aussi s’il te plaît?… Oh, merci (rires)
Selon vous, quelle est le meilleur pays où jouer, the place to be?
Andy: Honnêtement, ton pays. Depuis des années, on a toujours eu un accueil chaleureux.
Alex: Par exemple, dans certains pays, les gens sont du genre « tu ne passes pas à la radio, je ne te connais pas, je ne vais pas à tes concerts« . En France, c’est différent, le bouche à oreille se fait très bien, les gens sont généralement ouverts d’esprit. Disons que la France est notre pays préféré pour jouer, après l’Autriche!
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