Interview – Aufgang, virage en plein vol

Interview – Aufgang, virage en plein vol

Le nouvel album d’Aufgang coïncide avec deux événements importants dans la carrière du groupe : d’abord, le départ du pianiste Francesco Tristano qui, par la force des choses, fait désormais de Aufgang un duo, puis une signature chez le prestigieux label jazz Blue Note après huit ans de loyauté chez Infiné. Ces changements en apparence majeurs n’ont cependant pas eu d’impact sur un son qui continue ici de grandir en puisant son énergie dans la dynamique live. Aymeric Westrich et Rami Khalifé nous expliquent ce virage à distance.

Vous vous attendez sans doute à ce qu’on vous parle du départ de Francesco, mais je n’en demanderai pas les raisons. On ne ressent pas spécialement son absence sur l’album, la patte Aufgang y étant plus que jamais imprimée. Comment avez-vous compensé son absence ? 

Le principe de composition n’a pas changé. Nous continuons de composer de la même manière qu’auparavant. On n’a pas cherché à compenser quoique ce soit au niveau musical, les choses se sont faites naturellement, la musique est venue toute seule !

Les gens vous étiquetaient par défaut comme un groupe classico-électronique. Vous vous retrouvez aujourd’hui sur un label à dominante jazz. C’était dur de quitter Infiné ? Choix ou contrainte ? 

Quitter Infiné a été un choix. Il nous semblait important de tourner une page et de nous tourner vers d’autres horizons. Mais c’est assez drôle, beaucoup de gens pensent que nous sommes encore chez Infiné… Avec Universal, on a eu des moyens que jamais nous n’avions eu auparavant, et la possibilité d’enregistrer dans des conditions de rêve, de mixer avec le mixeur hors-norme Michael Brauer, etc… Le revers de la médaille, c’est que nous avons perdu une certaine proximité de travail que nous avions avec notre précédent label.

Que pensez-vous gagner chez Blue Note ? Un nouveau public ?

Très certainement le prestige d’un label historique de grande renommée. Signer sur Blue Note n’a pas été un choix facile car, en toute honnêteté, nous pensons que nous n’avons rien à faire sur un label de jazz aussi prestigieux soit-il.

Changement de label, changement de line-up… Le titre ‘Turbulences’ est-il lié à ces rebondissements ?

Oui et non. Nous pensons simplement que le morceau ‘Turbulences’ de l’album est le plus personnel et, du coup, l’un des plus Aufganguesques dans son approche et sa forme. Le titre vient d’une expérience en avion assez marquante. Les turbulences étaient si fortes que l’on croyait que c’était la définitivement la Fin. En posant nos pieds sur le tarmac, on s’est dit qu’il fallait absolument décrire ce que l’on venait de vivre et en faire un morceau… Et puis ‘Turbulences’, c’est un peu ce que vit le monde en ce moment. Le monde est fragile et au bord de l’implosion, comme un avion proche du crash. On vole encore mais on est en pilotage manuel… Le pilote automatique a bien déconné et nous aussi en lui faisant aveuglément confiance. Il est temps de reprendre les commandes !

Rami, tes racines orientales ressortent davantage sur cet album. Était-ce une évidence pour toi d’affirmer cette identité arabe dans vos morceaux ? 

Oui, l’empreinte arabe est apparue comme une évidence sur cet album. C’est vrai que l’on utilisait des ambiances orientales par petites touches mais jamais de manière totalement claire. Sur cet album, c’était effectivement une volonté de partager plus amplement cette facette d’Aufgang avec les gens, cette mixité mais aussi cette complicité entre le monde occidental et le monde oriental. Cette pluralité fait notre force et consolide notre idée que l’on se fait d’Aufgang depuis le début : un groupe sans frontière, sans préjugé, et aux multiples racines et influences.

C’est vrai qu’on constate que ces ambiances se prêtent parfaitement au style Aufgang. Pensez-vous enrichir le line-up en live en y ajoutant des musiciens traditionnels ?

Bien sûr que l’envie d’accueillir d’autres musiciens sur scène à nos côtés est très forte, pas spécialement des musiciens traditionnels d’ailleurs. Pour l’instant, l’important pour nous est d’exploiter à fond la formule à deux. Puis la question de musiciens additionnels se posera naturellement dans un futur proche.

Vous chantez sur l’album, ce qui n’est pas votre cœur de métier je suppose. Pourquoi ne pas avoir fait appel à des intervenants ? 

Tout comme le besoin d’être à deux sur scène, il en a été de même pour le studio. On voulait vraiment s’essayer à d’autres choses et la voix, qui n’est d’ailleurs pas totalement nouvelle sur Aufgang – déjà présente sur ‘Kyrie’, ‘Rachael Run’, ‘Abusent Ride’ et ‘Dulceria’ – faisait partie de ces expériences qui nous excitaient. La seule différence avec l’utilisation de la voix dans nos précédents albums est d’avoir ici utilisé de vrais textes. A noter qu’il y’a une intervenante sur ‘Summer’ en la personne de Clara Luciani, car la nostalgie de ce morceau correspondait à une voix de femme.

Pour y avoir déjà assisté, je trouve que votre live est très brut et direct. J’ai le sentiment que cette énergie et ce côté sauvage s’affirment de plus en plus au fil des sorties. Quelle a été votre façon d’enregistrer ce disque ? S’agit-il de sessions live sans filet ? 

Sur notre premier album, nous avions passé énormément de temps à produire, découper, rejouer, après de courtes journées d’enregistrement. Sur ‘Istiklaliya‘, nous voulions un rendu brut et ‘live’. ‘Turbulences’ se situe entre les deux. Nous voulions vraiment différencier le live de l’album. Sauvage, épique et brut de décoffrage d’un côté, plus simplet et digeste de l’autre. Nous avons aussi cherché un son plus global qui place le piano et la batterie sur un seul univers sonore. Nous ne voulions ni faire un album de pianiste, ni un album de batteur, on a juste essayé de faire un album Aufgang 2016.

Pour la première fois, vous mettez vos visages sur la pochette… Vous avez craqué avant les Daft Punk! Y-a-t-il une signification particulière? 

Nous ne sommes pas d’accord en fait… D’un côté, il était important de mettre des visages derrière ce groupe, car il y avait un déficit d’identification des gens par rapport à Aufgang. Les gens croient qu’on est allemand et en voyant nos visages, ils ont la certitude que nous ne le sommes pas du tout ! D’un autre côté, nous avons toujours considéré Aufgang comme un projet, peu importe les personnes qui se cachent derrière. L’identification du groupe par nos visages n’est pas si importante. La confusion du nom, des origines peut être très excitante. Le choix de la photo s’est donc fait naturellement car nous n’avions plus le temps de tergiverser pour la pochette de l’album.

Comment gérez-vous vos 15 000 fans Facebook ? La présence sur les réseaux sociaux est-elle indispensable pour vous ? 

C’est très simple, on ne gère rien du tout. Ce sont nos fans qui nous gèrent, on est complètement nul sur les réseaux sociaux ! Si quelqu’un veut bien nous aider, on est preneur. Par contre, on aime bien Instagram et on essaie néanmoins d’être présent sur les réseaux pour garder le contact avec nos fans. On ne poste vraiment que ce qui nous semble être important ou spontané. Dans le passé, des boîtes ont organisé des concours pour nous, on n’était pas très à l’aise avec ça. Maintenant si on doit offrir quelque chose à nos followers, on le fait nous-mêmes.


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