Good Morning TV, banalité désenchantée

Good Morning TV, banalité désenchantée

En juillet dernier, alors que le printemps persistait et que l’été tardait à poindre le bout de son nez, la reprise des concerts – certes timorée – constituait la seule lueur d’espoir estival pour les parisiens. Et pour les aficionados, de quoi raviver les souvenirs exaltants des fameuses jamborees de jadis. Un soir de concert au Supersonic (Paris), on s’est donc réjouit tout particulièrement du retour sur scène de Good Morning TV dont le premier EP éponyme avait déjà su faire parler de lui en France et Outre-Atlantique en 2016. Derrière ce nom énigmatique se cache Bérénice Deloire qui – épaulée par Barth Bouveret (basse), Thibault Picot (guitare) et Hugo Dupuis (Batterie) – défend un premier album somptueux où l’introspection mélancolique de ses membres sert une critique sociale désabusée. Small Talk modèle une vie intérieure faite de rêveries nourries par le goût prononcé pour les arts, le cinéma et la musique. Mais de qui ?

Est-ce que vous souvenez de votre rencontre et est ce que vous pouvez nous la raconter?

Bérénice : Tu as quelques heures devant toi ? (rires). Il y a eu plusieurs rencontres à différents moments et à différents endroits. J’ai rencontré Thibault à l’ école de musique à Saint-Etienne d’où nous sommes originaires, tout ce qu’il y a de plus original. Barth a travaillé avec Thibault sur son autre projet, Brace! Brace!, et c’est lors d’un enregistrement qu’on s’est rencontré. Je lui ai fait écouter mes morceaux et on a bossé ensemble sur le premier EP. Concernant Hugo, bien qu’il connaissait Bart depuis un moment, il nous a rejoint plus tard suite à la recommandation de notre ancien batteur.

Comment le nom du groupe a-t-il été trouvé ?

Il vient d’un morceau de Blur dans lequel cette expression ressort. Elle nous parle pour le côté un peu léthargique que l’on a en regardant la télé.
Thibaut : Il y a ce côté mélancolique et man-machine, un mix entre la dimension humaine qu’il y a dans notre musique par les aspérités, le jeu et tous nos arrangements numériques. Du coup, cette rencontre entre ces deux trucs qui sont à priori dichotomiques donne notre son, et ça allait bien avec le nom du groupe.

Vous êtes une bande de potes aussi. Comment est-ce que vous vous occupez en dehors de la musique ?

Bérénice : On écoute beaucoup de musique, plus de musique, d’autres musiques (rires).
Hugo : On joue à Mario Kart Super Smash Bros (rires).
Thibaut : Moi je suis directeur artistique image. Ca nourrit ce qu’on fait également.

On ressent une palette d’influences assez large à l’écoute de votre musique en même temps qu’une empreinte assez particulière. D’où proviennent vos influences ?

Bérénice : Le groupe qui nous a vraiment le plus influencés, c’est Broadcast pour son côté expérimental. On a aussi été pas mal influencés par l’esthétisme de Gregg Araki, ce truc un peu hors du temps bien que très marqué 90s.
Barth : De manière générale, on aime bien les ambiances un peu contemplatives, les choses visuellement un peu fortes. C’est un peu ce qui ressort sur la pochette, des choses pas forcément directes visuellement mais qui dégagent une ambiance. Yann Stofer (le photographe de la pochette) en tant que musicien a su capter notre sensibilité : des choses banales captées de manière intrigante avec une touche très pop. C’est un peu pareil avec notre musique.
Bérénice : Cette notion de banalité est la clef pour nous et se retrouve tout au long de cet album. Pendant la production, on préfère par exemple mettre en valeur nos petites imperfections plutôt que de les masquer. Ca donne une dimension sincère et une sensibilité à notre musique qui nous tient à cœur.

Du coup on va parler de l’album. Presque cinq ans d’attente, on peut dire que vous prenez votre temps !

Barth : On ne va pas se mentir, sur les 2 dernières années c’était beaucoup du à la pandémie. Avant, après avoir sorti l’EP, on a fait pas mal de concerts. On en a profité car on avait de superbes dates. Après le temps de composer, de produire, de faire les arrangements a été assez long. Le temps également de trouver nos marques en tant que groupe car c’était la première fois qu’on enregistrait tous les 4 ensemble. Le premier EP, c’était vraiment que Bérénice. Du coup, ce n’était pas tant le temps de faire l’album que de trouver nos affinités musicales.

La pandémie a-t-elle eu une influence sur cet album ?

Bérénice : C’est vrai que lorsqu’on écoute les paroles et ce qui se dégage de l’album, on pourrait croire qu’il a été composé pendant le confinement. Je pense qu’on est tous à des degrés différents un peu introvertis, assez calmes. C’est un album assez introspectif qui nous ressemble, ce qui prête à confusion avec la situation actuelle. Nous étions déjà un peu confinés intérieurement avant le confinement. En tout cas, l’album était fini avant. C’est un album prémonitoire (rires).

Vous étiez dans le sud pour l’enregistrement de l’album. Pourquoi un tel choix et en quoi a-t-il influencé cet album ?

Barth : On a composé l’album à Paris et on l’a enregistré dans le Sud. Ma famille a une maison là-bas donc ce n’était pas cher. On voulait également manger du canard. Est-ce que tu sens l’influence du canard dans cet album ? (rires)
Thibaut : Cela a permis de marquer un moment dédié à cet enregistrement. On était tous les quatre pendant dix jours à ne faire que ça. Dix jours intenses mais cools pendant lesquels on a pu expérimenter des choses, faire la structure de l’album. Il y a beaucoup de tables de réenregistrement, de post-production, mais les ambiances et des idées de production y sont nées comme la double batterie sur Emptiness Overload, le solo de guitare du thème reversé joué à l’endroit sur Tourism Business P.II, ou encore le sampling de guitare façon mellotron sur le refrain de Make Me Feel…

Vous abordez des thèmes comme l’amour, le spleen et il se dégage une certaine atmosphère dans vos textes.  Est-ce que cet album est un portrait de vous quatre, ou plutôt celui d’un jeune parisien de 2021 ?

Bérénice: (sourire) Il y a un truc assez générationnel dans la musique qu’on fait. Je pense qu’on est une génération assez désenchantée. N’est ce pas Hugo ?
Hugo : Comme Mylène !!! (rires)
Thibaut : On voulait que ce disque soit un peu un cliché de l’époque, très année 2020 dans la production notamment. On ne voulait pas faire un album vintage et, dans les thématiques, on essaie un peu de décrire l’époque dans laquelle on vit. C’est plus un sentiment diffus que des choses très précises, mais c’est ce qui ressort du disque.

Ce soir vous allez le défendre pour la première fois. Comment est-ce que vous vous sentez avant ce retour sur scène ?

Barth : On est un peu stressé mais c’est du bon stress.
Bérénice : On est contents de remonter sur scène, on avait un peu perdu espoir.
Hugo : On a passé beaucoup de temps à composer et enregistrer cet album. C’était excitant de le travailler pour le live. Du coup, on est impatient de présenter ce qu’on a préparé.
Thibaut : On a essayé de transmettre toutes les atmosphères du disque en les adaptant pour le live. Ce qui représente pas mal de boulot car il faut trouver la bonne balance entre ce qui est du sample pour donner des atmosphères et la partie jouée. On ne voulait pas être le genre de groupe qui appuie sur un bouton pour déclencher le live de A à Z. On voulait vraiment faire du live. Du coup, il fallait trouver le bon curseur, c’est ce qui a pris beaucoup de temps.

Quelle est la suite ? Va t-on devoir encore attendre cinq ans ?

Barth : Probablement pas, je n’espère pas. Je pense qu’on a un peu tous envie de s’y remettre assez vite. A voir combien de temps la saison des concerts va durer.
Bérénice : On a déjà commencé à composer des choses. Il faut qu’on se mette la tête dans le guidon tous les quatre. Le prochain album sera forcément différent de ce premier où on a surtout exploré plusieurs facettes du groupe. Avec une direction claire dès le départ, là où on n’avait pas d’idée précise de ce qu’on allait faire avant le premier disque.

Photos : Antoine Magnien

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