08 Oct 19 Froth n’est plus une blague
Après une interruption de deux ans, Froth – trio noise-rock de Los Angeles – est de retour avec Duress, son album le plus abouti à ce jour. Ce groupe à la musique irréprochable et au sens de l’humour développé s’est rarement contenté du statu quo. Après trois enregistrements, un défilé lors de la collection automne 2014 de Saint Laurent (le chanteur Joo Joo y participant), et une incursion dans le shoegaze, le psychédélisme et le post-punk, la formation s’est renforcée en approfondissant toujours un peu plus son propre univers, en s’écartant de l’ombre de ses influences. A l’occasion de son concert au Point Ephémère, unique point de chute français de sa dernière tournée européenne, Froth est revenu avec nous sur ce nouvel album expérimental mais accessible. Entre autres.
Vous en êtes déjà à votre quatrième album pourtant, pour la majorité de nos lecteurs, vous êtes presque un nouveau groupe. Peux-tu nous dire brièvement qui est Froth et comment s’est formé votre groupe?
Joo Joo Ashworth : Tout est parti d’une bande de potes. Certains d’entre nous faisaient déjà partie de groupes qu’on allait voir en concert. Les gens nous demandaient souvent si on jouait nous aussi et, évidemment, on répondait oui, même si ce n’était pas le cas. On a joué le jeu à fond en inventant ce faux nom de groupe, et quelques années plus tard, quand on a vraiment commencé à jouer de la musique, on l’a gardé.
Avec Duress, vous semblez avoir un nouvelle approche dans votre processus de production, avec l’utilisation de samples et de boîtes à rythmes, ce qui contraste un peu avec vos précédents disques qui étaient plus rudimentaires…
A l’origine, il n’y a pas eu d’envie particulière de créer un album. On avait seulement des morceaux qu’on avait enregistré au cours des années précédentes. C’est en les écoutant que l’idée d’en faire un LP nous est venue. Et il n’y a pas eu non plus d’envie réelle de changement, c’est juste le son tel qu’il sortait au moment de la composition. Et puis, je joue de plus en plus d’autres instruments en dehors de la guitare.
Néanmoins, vous avez dit considérer votre troisième album Brieftly Outside comme étant le ‘premier’. Pour autant, on y retrouve peu de similarités avec Duress. Comment vois-tu la suite, le ‘troisième’ ?
Différente. On va sûrement continuer à explorer de nouvelles sphères. Tu sais, je me tape souvent beaucoup de phases, et je ne ressens pas l’envie profonde de retourner vers quelque chose que j’ai déjà expérimenté. Maintenant, on souhaite juste faire ce qu’on aime, comme ça vient.
Quid du nom Duress ? Car, en français, ça fait référence à une contrainte, quelque chose qui est imposé contre son gré…
As-tu vu le film Good Time ? Dans ce film, il y a l’acteur Buddy Duress qu’on trouve trop cool. Le nom de l’album nous est venu ainsi. On a failli appeler l’album Buddy Duress mais c’était un peu long (rires).
Le premier single, Laurel, parle de l’illusion auditive. Avez-vous choisi ce titre en lien avec le traitement particulier du son que vous apportez dans cet album ?
C’est une vision très intéressante. Notre intention était surtout de montrer comment la perception d’une musique peut évoluer au fil des années. Ce titre en l’occurrence, nous l’avons composé il y a deux ans, et à l’époque ce sujet faisait le buzz. Il fait référence au temps écoulé depuis ce moment.
Vous abordez également vos craintes, vos joies, vos souvenirs avec une pudeur assez touchante. Qu’est-ce qui est le plus important dans votre processus de production ? Les écrits ou la musique ?
Les écrits sont secondaires la plupart du temps, mais parfois l’inspiration vient toute seule, naturellement, pendant qu’on compose. Elle vient un peu comme une évidence.
Dans Department Head, mon morceau préféré, vous parlez de votre vision de l’emploi et de la condition sociale. Peux-tu nous en dire un peu plus ?
C’est en lien avec mon ami Joey qui travaille pour une entreprise qui s’appelle QSE et qui fabrique des enceintes et des casques. Il gagne beaucoup d’argent mais travaille beaucoup en contrepartie, ce qui est complètement à l’opposé de ma vision de la vie. Je pense que les personnes qui font ce genre de boulot rêvent de faire partie d’un groupe et, à l’inverse, les musiciens rêvent d’avoir ce niveau de vie. Mais je préfère être un artiste car j’adore les grasses mat (rires).
Que signifie Xvanos ? Y a t-il une histoire derrière ce nom ?
Jeremy Katz : Déjà, il faut savoir qu’on adore beaucoup se charrier entre nous. Un jour, j’ai vu cette pancarte où était écrit ‘XV Anos’, mais les lettres étaient rapprochées et j’ai demandé à ma femme : ‘Que signifie ‘Xvanos’ ? Et elle m’a traité d’idiot car, en fait, cela voulait dire 15 ans en espagnol (rires)’. On trouve souvent les titres de nos morceaux grâce à des anecdotes de ce type.
Aussi, dans Syndrome, vous abordez le syndrome d’Alice au Pays des Merveilles. Est-ce que quelque chose que vous avez vécu ?
Joo Joo Ashworth : Ouais, Cameron aussi. C’était assez étrange. Il y a quelques années, nous étions chez lui avec deux potes qui parlaient de la paralysie du sommeil. Je leur disais que je n’en avais jamais eu. Par contre, j’avais vécu une chose si difficile à décrire que j’essayais tant bien que mal de l’expliquer. Tu sais, ce phénomène lorsque tu vois une balle qui est énorme et petite à la fois… D’un coup, Cameron s’est exclamé ‘Mec! Je sais exactement de quoi vous parlez!‘. Il a fait des recherches et trouvé sur Reddit des personnes qui avaient vécu la même chose. Je n’ai plus ces visions depuis longtemps, mais c’est un peu un état étrange où la perception de la taille est déréglée. C’est une sorte de rêve angoissant.
Une sorte de rêve éveillé ?
Pas vraiment. Mais hier, j’ai vécu une expérience assez bizarre. J’étais assis sur mon lit, ma main posée sur ma cuisse… Mes doigts avaient l’air d’énormes saucisses quand j’essayais de les bouger (rires). Tu vois de quoi je parle Cameron ?
Cameron Allen : Oui, les choses paraissent à la fois énormes et minuscules en même temps.
Je crois qu’on pourrait passer toute la nuit à parler de tout ça. C’est quoi vos plans ce soir ?
Joo Joo Ashworth : Je ne sais pas encore. On a plein de potes à Paris, on improvisera après le concert.
Vous avez beaucoup de projets annexes à Los Angeles : Automatic, Sasami, Wild Nothing, mais dans 77, c’est la première fois qu’une de vos chansons n’est pas chantée par toi. Comment est née cette collaboration avec Izzy Glaudini (Automatic) ? Est-ce parce que tu produis également ce groupe ?
J’apprend beaucoup de mes amis qui font de la musique à LA, et cela crée un belle énergie créative. Nous sommes une grosse bande de potes, on se voit tout le temps, on fait tous de la musique, ma copine joue également dans Automatic et surtout, Izzy est une très bonne chanteuse. La version instrumentale était vraiment très bien mais elle voulait chanter dessus. Ça sonnait un peu comme Mount Kimbie, un groupe qui m’inspire beaucoup. Comme ce gars… (Thomas le guitariste de Marble Arch entre dans la salle).
Samedi, vous faites la première partie de Oh Sees à Londres. Est-ce un groupe qui vous inspire ? Sinon lesquels ?
Marble Arch est notre groupe parisien préféré (rires), et Tomas Dolas (claviériste de Oh sees) a produit notre dernier album. Et puis, j’écoute beaucoup de musique électronique, je m’en inspire beaucoup aussi.
C’est un teaser pour la suite ?
Probablement, j’utilise beaucoup de samples donc c’est sûrement ça.
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