Flamingods, multiculturalisme aigu

Flamingods, multiculturalisme aigu

Sur le papier, organiser une rencontre avec les Flamingods était déjà une chouette idée. L’organiser dans le cadre estival et ensoleillé du festival YEAH dans le Lubéron ne pouvait la rendre que meilleure. Le groupe, qui a sorti cette année son nouvel album Levitation, véritable ode à la fête et à la vie, nous a accompagné lors d’une ballade dans les ruelles du village de Lourmarin, dans lesquelles nous avons eu droit à une discussion autour de ses origines, de Bahreïn, d’histoires de passeports et de messages spirituels.

Parlez nous un peu de l’histoire du groupe. Je crois savoir que ça remonte à loin, non seulement dans le temps mais aussi dans l’espace, non ?

Kamal : Effectivement ! Tout d’abord, trois d’entre nous ont grandi à Bahreïn. Nous sommes des amis d’enfance, on a passé toutes nos années lycée ensemble et, à cette période là, on jouait déjà dans des groupes de rock. Ca fait donc très longtemps qu’on fait de la musique. Puis, en 2009, nous avons déménagé à Londres, et c’est là que nous avons rencontré Karthik, notre dernier membre.

C’est donc là le vrai point de départ des Flamingods ?

Oui, exactement. Quand nous avons formé le groupe, nous souhaitions capturer l’essence de ce qui faisait notre éducation, pour la confronter à des influences plus occidentales, psychédéliques et électroniques. Depuis ce jour où les Flamingods sont nés, on a toujours su ce que nous voulions faire et, en quelque sorte, c’est comme une mission pour nous désormais. On a grandi dans une culture très riche. Bahreïn est un endroit étrange où cohabitent énormément de cultures différentes, dans des petites poches, comme des îlots séparés qui se complètent très bien. La culture sud asiatique y est si forte que mon père, qui n’a connu que Bahreïn dans sa vie, parle même un peu le hindi à force de vivre entouré d’indiens notamment. Même notre plat local, le Biryani, est un plat indien que chaque communauté adapte à sa façon. Dans un sens, notre musique ressemble à Bahreïn : elle prend tout un tas d’influences de différentes cultures et en fait sa propre recette.

Je sais que, sur les albums précédents, le groupe a rencontré quelques complications qui l’ont poussé à enregistrer à distance. Votre nouveau disque, lui, est le fruit d’un travail que vous avez enfin pu mener de bout en bout, tous ensemble, sans être séparés par des milliers de kilomètres…

Notre premier album a été entièrement enregistré au Royaume Uni. Mais après ça, les choses se sont compliquées. Les autres membres du groupe sont tous britanniques, mais moi j’ai un passeport Bahreïni, et quand le Royaume-Uni a changé ses lois sur l’immigration, j’ai été expulsé du pays. On a donc écrit les deux albums suivants à distance. On s’envoyait des pistes et des bribes de chanson en ligne, on essayait de se voir toutes les 2 semaines, de faire tout ce qui était en notre pouvoir pour continuer à faire vivre le groupe et publier notre musique. Au bout de 4 ou 5 ans, j’ai obtenu un nouveau visa, j’ai pu me réinstaller au Royaume-Uni, et on a enfin pu se retrouver tous dans la même pièce pour écrire ce quatrième album. C’est clairement la grosse différence par rapport aux disques précédents.
Sam : Même si on l’a finalisé tous ensemble, Majesty – notre troisième album – avait été écrit en grande partie en ligne, par petits bouts, avec l’attente d’un retour depuis l’autre bout de la planète et le risque de mal se comprendre. Levitation est un vrai effort de groupe, où tout a été décidé en commun, notamment dans la volonté de capturer cette énergie qu’on retrouve pendant nos concerts et qui plait à notre public.

Justement, le temps semble à la célébration sur ce disque. Ça doit être un vrai soulagement et un réel plaisir d’être enfin réunis dans la création. J’imagine que c’est ce cocktail qui donne à Levitation son énergie si positive et communicative ?

Khartik : Complètement ! Quand on s’est tous retrouvés en studio, c’était un moment très important pour nous, limite comme une première fois. Il y avait une telle énergie créatrice dans l’air, tellement d’idées et un tel désir d’échanger les uns avec les autres que c’est c’était comme si notre histoire avait été construite depuis des années pour se concrétiser à cet instant là. On a traversé ces galères ensemble, et le fait de pouvoir concrétiser nos intérêts communs et individuels sur cet album nous rend très fiers. On est si contents du disque qu’on peut prendre notre retraite maintenant ! (rires)
Kamal : Je crois que ce qui rend le groupe intéressant c’est que, sur scène, on joue une musique de fête, car on adore faire danser les gens. Et dans le même temps, les compositions et les paroles sont très thérapeutiques et spirituelles. En quelque sorte, on piège un peu le public en le faisant danser, alors qu’on lui chante des textes très sombres sur l’identité culturelle, sur le fait de devoir s’élever au dessus de ce que la vie te jette en pleine figure. Il y a eu tellement de choses négatives qui ont en particulier mené à cet album qu’on voulait y mettre un maximum d’amour pour le rendre aussi positif que possible.

Vous ne vous êtes jamais sentis découragés pendant ces quatre à cinq ans de séparation forcée ?

Khartik : Non, laisser tomber n’a jamais été une option. On était prêts à faire ce qu’il fallait pour que ça marche.
Charles : Je le vois comme une épreuve qu’il fallait traverser pour pouvoir faire vivre ce groupe. On voulait vraiment que ça marche, alors on a trouvé des moyens de contourner les obstacles. Ça a été très compliqué mais on l’a fait.

Quel a été le processus créatif, en particulier sur cet album ? Comment en êtes-vous arrivés à ce son aussi direct et immédiat à partir d’une identité aussi psychédélique et expérimentale ?

On a toujours eu une idée assez précise de ce qu’on voulait faire mais, pour cet album, il est vrai que c’était encore plus évident. Tout était déjà dans nos têtes. De l’énergie globale au son de batterie, on avait déjà tous les détails, on s’est juste demandé comment obtenir techniquement ce résultat.
Kamal : On aime tous autant la musique pop catchy que les trucs bizarres et expérimentaux. Et collecter des bribes d’idées et d’influences, les condenser dans une sorte d’étrange puzzle avec un son qui nous serait absolument propre, c’est ce qu’on a toujours plus ou moins fait. C’est encore plus vrai pour Levitation. On voulait que l’album ait cette vibe d’euphorie psychédélique, on l’a construit autour de cette idée.

Photos :  Cahuate Milk

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