Ed Warner ne choisira pas entre Entombed et NOFX

Ed Warner ne choisira pas entre Entombed et NOFX

Alors que son dernier album Meanwhile​.​.​. Extinction fume encore, le meilleur groupe de Crüst Crossover de Tours est revenu pour Mowno sur sa genèse, l’histoire de la scène locale du grand-ouest et son amour pour Entombed et NOFX.

De votre tout premier E.P., au split avec Mental Distress jusqu’à votre dernier album Meanwhile… Extinction, on sent tout un creuset d’influences hyper larges, ainsi qu’une approche assez crossover dans votre façon de donner dans le fastcore…

Brice (batterie) : c’est parce qu’Ed Warner est un groupe transgénérationnel (rires) ! Yohann, Simon, Matt comme moi sommes entrés dans le punk par des portes d’entrée finalement très différentes. Moi par exemple, j’ai découvert le punk via Green Day, Blink-182 et toute la culture des clips sur le net, dans les années 2000-2005.
Yohan (chant) : Moi, le premier groupe de punk nord-américain que j’ai écouté c’était NOFX, avec leur premier E.P. de 1985. Ça a été mon vrai point d’entrée dans cette culture. Avant, j’étais dans le death métal suédois des 90’s, d’Entombed à Grave pour faire simple. On m’a ensuite fait découvrir Extreme Noise Terror, ça a été une énorme claque qui m’a amenée à la scène crust anglaise avec Doom, Antisect, AntiChrist… Tous les Anti- quoi !

Crass aussi j’imagine ?

Crass évidemment ! Discharge ou Diclosed également, le groupe de d-beat japonais… Toutes ces références sont arrivées de façon naturelle, dans la continuité.
Matt (basse) : Ce qu’il faut bien se dire, c’est que le punk est arrivé en France sur un truc assez esthétique finalement. Les gens ont fait du punk ici, parce que musicalement c’était cool.
Simon (guitare) : C’est clair ! La scène hexagonale n’est pas un produit du système, comme ce fut le cas en Angleterre, avec tous les groupes qui sont vraiment nés de la casse sociale thatchérienne par exemple. On ne dit pas qu’il n’y a aucun fondements militants et d’engagement dans l’avènement du punk en France, mais cette musique a été aussi largement importée. Moi par exemple, j’ai découvert le punk avec toute la culture skate. La board culture donc, et les groupes que tu pouvais alors entendre dans les vidéos Powell Peralta des années 90’s. Un label comme Fat Wreck était également assez visible ici, et la sortie en 1992 du White Trash Two Heebs and a Bean de NOFX a marqué un vrai précédent pour moi. NOFX et le groupe Allemand Spermbirds aussi, qui a posé des jalons hyper importants dans mon approche de la musique. Plus tard, j’ai découvert toute la scène 1980, les gros groupes californiens, ceux de D.C., du Midwest, toute la scène de New York aussi. La dimension politique et engagée, le DIY notamment, sont arrivés après.
Matt : Pour moi, c’est arrivé au lycée par le ska, le rocksteady, la nothern soul, le skinhead reggae, la oi! et les groupes Antifa avec lesquels je partageais – et je partage toujours d’ailleurs – mes convictions. Rancid est arrivé peu de temps après dans ma vie, puis 7Seconds et toute la vague YouthCrew…
Yohan : Mais c’est vrai que, de façon générale dans les nineties, le punk arrivait par NOFX, Lagwagon ou No Use For a Name. Beaucoup de hardcore mélodique finalement. Epitaph, Fat Wreck, Hellcat et Burning Heart Records étaient des labels bien distribués et très visibles auprès des gamins que nous étions dans les nineties. Il faut dire qu’à l’époque, sans web, chacun diggait dans des fanzines, des copies de cassettes ou le bouche-à-oreille…
Matt : Moi j’allais aux concerts de Yohan, notre chanteur. Il organisait alors beaucoup d’événements avec son association Music For Shit People et a inspiré plein de gens ici.
Simon : Tout le monde, en fait ! Par exemple, c’est à l’occasion d’un concert organisé par Yohan que j’ai pu découvrir Remains of the Day dans un tout petit bar de notre ville d’origine, Tours.

Yohan : Il faut dire aussi que Tours et ses alentours ont vu naître avant nous d’illustres prédécesseurs comme les Portobello Bones ou, peut-être encore plus proches de nous, les Burning Heads qui ont rentré deux albums chez Epitaph à l’époque. Ces musiciens ont toujours été des lumières d’intégrité pour nous. En même temps, devenir organisateur de concert n’a jamais été un rêve en soi. Mais quand tu nais en province, loin des grands centres urbains, tu te rends vite compte que si tu veux voir un jour un groupe comme Intensity en concert, ça va être à toi de les faire venir. Et, en dehors des sacrifices que cela peut demander de monter des soirées pour 30, parfois 10 ou 5 péquins, tu rencontres toujours un esprit, une solidarité en retour. Ce soutien de la scène et d’un public – même naissant – te fait grandir.
Matt : Grandir à tout point de vue. Politiquement aussi. Faire parti d’un groupe comme Ed Warner tient finalement sur les mêmes dynamiques – d’échange et de rencontres – que l’organisation de concerts qui, pour certain d’entre nous, est quasi-hebdomadaire, aujourd’hui encore.
Simon : Quand tu fais huit heures de route pour jouer vingt minutes devant cinquante personnes, si la dimension humaine et affective ne te porte pas, ça ne sert à rien de continuer. Le crust, en temps que forme de punk radicalisé, porte dans son ADN un ensemble de valeurs, qui font souvent défaut au métal par exemple. Être un simple faire-valoir, un pitre, un support-band dont tout le monde se fout, juste pour pouvoir jouer en première partie d’une grosse tête de gondole du métal, ce n’est pas notre vision de la musique. Ce genre de situation nous est déjà arrivée, individuellement à travers d’autre groupes dans lesquels on joue. Mais être fouillé à l’entrée de la salle de concert, jouer entre des mecs de la sécurité – des flics autrement dit – c’est complètement rédhibitoire à nos yeux.
Matt : Ed Warner, au contraire, nous a permis de dessiner un cadre créatif mais aussi un cadre de pensées, qui nous permet d’exprimer nos convictions. Convictions sur le DIY, le non-profit, le véganisme, l’antiracisme.
Simon : Un ensemble de valeurs qui soudent les gens entre eux, même s’ils ne sont que trente au concert.
Brice : Tours reflète assez bien cet esprit crossover. Notre ville est partagée entre pas mal de paradoxes, entre son côté bourgeois d’un côté et de l’autre, son côté très étudiant, assez jeune. La présence ici également d’une radio libre comme Béton! a dynamisé en profondeur tout le réseau alternatif local, durant de longues années. On se trouve à un carrefour des routes, et pas mal de groupes s’y produisent à l’occasion entre autres de day off. On a chacun vu ou fait jouer des groupes comme Thrash Talk, The Real Mac Kenzies ou Oi! Polloi dans de tout petits lieux à l’occasion de concerts infernaux, dont pas mal de groupes se souviennent encore aujourd’hui. Ce genre d’expériences stimule la scène et assure la relève du public, toujours présent aux concerts. Il faut dire aussi que pas mal de groupes locaux actuels ont bien taillé la brèche, de Nine Eleven à Verbal Razors.

Pour revenir à votre dernier album en date, Meanwhile​.​.​. Extinction, vous cherchiez une couleur de production particulière ?

Simon : Honnêtement, on est parti un peu à l’aveuglette, sans avoir d’idées préétablies quant à la teinte sonore qu’on allait avoir au final. Globalement, on ne souhaitait pas un album trop produit. Meanwhile​.​.​. Extinction est notre quatrième projet enregistré. On a eu des expériences assez variées depuis nos débuts, des sons très très live, d’autres choses plus eighties, mais disons que sur cet album nous souhaitions – globalement – quelque chose d’assez brut. On a décidé de tout enregistrer en live, épaulés par Fabien Lefloch chez Chipolata Framboise studio. Fabien est lui-même musicien, il a plusieurs groupes, et savait où nous voulions aller.
Brice : On était hyper contents de nos compos, on avait beaucoup travaillé le mastering pour avoir de beaux enchaînements entre les morceaux. Le dernier track, Extinction, est pensé comme le prolongement de notre premier morceau, ce qui fait que tu peux écouter l’album comme une espèce de boucle. Pour moi, qui ne vient pas initialement du Crust, ces quatre ans passés aux côtés d’Ed Warner m’ont ouvert à des groupes comme From Ashes Rise, Tragedy, ou plus récemment Ursut dont le son était une référence pour moi avant de rentrer en studio.
Matt : D’autant qu’on connaissait bien les tracks de l’album, pour les avoir joués pas mal de temps en live auparavant. Du coup, on est arrivé en studio avec une bonne maîtrise de notre sujet. C’était agréable.
Yohan : J’ai toujours été fasciné par le son suédois du death metal. Le travail d’un Tomas Skogsberg sur Entombed m’a toujours passionné. Un son technique, très impressionnant. On a évoqué ce genre d’influences avec notre ingénieur du son d’avant d’enregistrer les pistes.

En même temps, vous alternez ce genre de prises, très Chevauchée des Valkyries, avec des parts très eighties, beaucoup plus dépouillées…

Simon : Peut-être qu’on n’avait pas forcément envie de faire sonner l’album avec les codes habituels. On n’a pas hésité à sortir de la zone de confort pour arriver à une production garage et moderne à la fois. On regrette peut-être un peu le fait d’avoir le son de la basse et de la guitare légèrement en retrait par rapport au chant et à la batterie. Mais bon, il s’agit ici d’une petite erreur de mixage, rien de très grave. Ce qui est assez étrange d’ailleurs parce que, en live, le phénomène est inverse, et les guitares beaucoup plus présentes.

Le Artwork de l’album, très réussi d’ailleurs, est signé Jeff de Lost Paper. C’est bien cela ?

Oui ! Jeff est un des guitaristes de Nine Eleven, un groupe dont nous sommes proches. Il est également graphiste, et il a bien digéré les textes de Yohan, interprétés ici avec une esthétique anarcho-punk un peu jaunâtre et vintage. Son jeu de collage nous a beaucoup plu ! On va travailler à nouveau avec lui sur le prochain album d’ailleurs !

Un nouvel album ? Prévu pour ?

Ed Warner : on ne sait pas encore, on est actuellement en phase de composition, mais vous serez les premiers au courants !

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