Don Nino n’est pas du genre à enfiler des perles. Quoique…

Don Nino n’est pas du genre à enfiler des perles. Quoique…

C’est après notre écoute attentive de l’excellent Rhapsody for the Dead Butterflies que Nicolas Laureau – l’homme qui se cache derrière le pseudonyme Don Nino depuis maintenant 18 ans, 6 albums et la première mise en veille de Prohibition – décroche son téléphone. Le parisien nous répond d’une voix enjouée, aimable et chaleureuse, qui semble avoir mûrie suite à son isolement en pleine campagne normande, là ou il s’est replié pour composer ce nouvel album, avec pour seuls compagnons la musique et deux livres de chevets.

Parmi tes multiples activités, qu’est-ce qui, à un moment donné, t’a motivé à te lancer dans cet album ?

Don Nino : C’était en été, et j’avais plus envie de travailler que de partir en vacances. Je comptais faire des recherches, sans pour autant savoir si ce processus aboutirait à un album. Puis ça s’est progressivement matérialisé, en articulant divers éléments autour de mes expérimentations et de ce que je vivais au jour le jour. Donc je dirais que le désir de faire l’album était seulement sous-jacent dans un premier temps. C’était plutôt une phase exploratoire qui ne s’est concrétisée que sur le moment. C’est ensuite que je me suis donné des contraintes et une ligne directrice pour l’écriture.

Es-tu parti complètement seul, ou avais-tu des musiciens qui passaient te filer un coup de main de temps à autres ?

Non, j’étais seul… enfin avec mon chat (rires). J’étais un peu en mode Robinson, très solitaire, dans l’idée de retrouver quelque chose que j’avais tendance à faire quand j’avais une vingtaine d’années : être enfermé seul dans la création.

Cette maison ressemble à quoi ?

C’est une maison à colombages, assez dépouillée, avec beaucoup de bois. D’ailleurs, je n’enregistrais pas toujours dans la même pièce. Ce qu’il faut peut-être mentionner aussi, c’est que l’album est né à partir de sons de boite à rythmes, et ce n’est qu’à la toute fin du processus qu’elle a été remplacée par un batteur qui a enregistré les sons quasiment à l’identique, dans le but de donner à l’album un côté plus vivant et humain.

Les musiciens sont donc arrivés dans un second temps…

Oui, absolument. C’était un choix final de sons. Un peu comme un vernis, bien que l’image de vernis soit un peu étrange. L’aspect acoustique et naturel de la batterie contraste avec les sons caverneux des guitares et basses avec beaucoup de reverb et de delays. Elle ré-humanise tout ça en quelque sorte. Les autres sons sont plus distants, un peu comme des échos dans la forêt, et la batterie redonne du rythme sans prendre trop de place. Je pense qu’on retrouve chez elle le côté précis de la boite à rythme.

Oui, ça m’a marqué effectivement…

Et donc cette maison permet de travailler sur des pièces à l’acoustique différente. Par exemple, la batterie a été enregistrée dans une pièce boisée alors que l’essentiel des guitares et des voix l’a été dans une petite chambre où le son est assez mat. Pour le chant, j’ai utilisé un micro propre et un micro très travaillé, avec des effets de guitare. Après, au moment du mixage, on a dosé les deux selon le thème et le morceau.

Et le mixage a pris beaucoup de temps ?

Je pré-mixe déjà pas mal quand je travaille. La suite a été confiée à mon frère aîné qui a ajusté mes mixs. Mais, ce qui a pris le plus de temps, ça a été de sélectionner dix morceaux parmi les quatorze enregistrés. Il y avait des instrumentaux assez longs que j’hésitais à utiliser et qui auraient complètement changé la physionomie du disque. Au contraire, j’ai opté pour un album un peu ramassé, avec dix titres ayant le même tempo, même si les couleurs changent.

D’ailleurs, en parlant de couleurs… Initialement, je voulais décrire l’album comme polychromatique, puis je me suis finalement tourné vers le qualificatif de monochrome qui me semble plus approprié, bien que ça soit varié…

Justement, la personne qui est venue m’interviewer pour la bio a rapproché cet album de Seventeen Seconds de The Cure qui est un disque que j’adore. Le point commun que j’y vois, c’est ce côté distancé des guitares, des voix, des instruments, et une rythmique métronomique. Il y a des clins d’œil à d’autres approches. Le premier morceau présente par exemple des rythmiques un peu afro-beat.

Tiens, restons dans les styles… Un large spectre émerge de l’album. On y retrouve des éléments qui m’ont fait pensé à Aquaserge, ou dans un autre genre à J Fernandez qui bidouille des atmosphères psychés depuis sa chambre de Chicago.

Les deux me flattent mais, cette fois, j’ai plutôt pensé en termes d’orchestrations que de style musical. La basse joue un rôle important. L’album ressemble finalement à celui d’un groupe, ce qui n’est pas une volonté initiale mais quelque chose qui s’est affirmé au gré de l’enregistrement. J’ai empilé des strates en les soutenant par un rythme, une basse, puis des harmonies, des accords, des arrangements.

Côté influences, que lisais-tu à ce moment-là ?

Deux bouquins m’occupaient, mais je me baladais aussi beaucoup dans cette grande forêt, histoire de me ressourcer et de prendre du recul. J’ai appris le Yi Jing, un art divinatoire chinois traditionnel, et j’ai lu les écrits d’Henry David Thoreau.

Et c’était voulu ? Tu avais emporté ces bouquins avec toi ?

Oui, même si je ne veux pas du tout poser un constat amer sur la période actuelle.

Ça rejoint une autre question que je voulais te poser. Beaucoup d’artistes proposent leur questionnement concernant l’Anthropocène, qui peut d’ailleurs prendre différentes appellations. Cette réflexion prend diverses formes, mais chez toi elle semble à la fois positive et négative…

Plusieurs personnes m’ont dit qu’une inquiétude émanait de cet album, et je suis assez d’accord. En revanche, si tu prends Rhapsody, il y a davantage un message d’espoir, pas un ‘on va tous y rester‘ mais plutôt un ‘je suis à la cambrousse, et c’est quand même top‘. Je pense que j’essaie de souligner cette ambiguïté.

Ça transparaît bien également au travers de In The Canopy… Sinon, tout à fait autre chose : les dix morceaux sont individuellement très réussis, mais comment se font les choix quand il s’agit de les intégrer au sein d’un album aussi cohérent ?

C’est comme un collier de perles. Tu en as de couleurs, et tu fais en sorte que les formes se complètent. Maintenant, je considère que tout est perfectible. J’aurais pu changer l’ordre et ça aurait donné tout autre chose. La fin est apocalyptique pour montrer que l’humanité déconne, mais il y a des nuances au fil de l’album.

Quelle forme va prendre l’album en live ?

Je suis en solo, avec un clavier, une guitare électrique, une boite, je chante dans des effets, et s’il n’y a pas de sax, je fais un long solo destroy qui le remplace. Ça demande pas mal d’énergie, c’est un peu performatif, mais c’est vraiment cool et je suis heureux de le faire. Je joue essentiellement l’album, et je cherche à jouer dans des lieux intimes. La tournée commence le 12 avril à Bruxelles, se termine le 16 mai à Nantes. Et ça pourrait recommencer en septembre.

EN CONCERT

01.05.2019 – FAUX LA MONTAGNE – Constance Social Club
02.05.2019 – BORDEAUX – Le Wunderbar
03.05.2019 – BIARRITZ – Pioche Project
04.05.2019 – BARCUS / BARKOXE – Ecole de la Chapelle
05.05.2019 – LE MANS – House show

16.05.2019 – NANTES – Festival Wine Nat White Heat
17.05.2019 – BREST – Mac Orlan
23.05.2019 – NANCY – Rhizome
24.05.2019 – STRASBOURG – Café de la Biennale

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