Clamm, your hands say yeah

Clamm, your hands say yeah

Un riff de guitare d’un groupe australien possède autant de force qu’un punch de kangourou. Depuis une dizaine d’années maintenant, la scène musicale du plus grand territoire d’Océanie enchaine les chouettes offrandes signées par ses groupes punk et garage. CLAMM fait partie du lot. A l’occasion de son passage sur la péniche parisienne du Petit Bain, nous avons mis la main sur une bière et sur Jack Summers, son leader éminemment sympatoche, pour discuter du nouveau line-up, de son engagement politique et de la corrélation qu’il entretient entre voiture et nostalgie.

Comment se passe la tournée depuis que la bassiste Maisie a annoncé son intention de quitter le groupe ?

Jack Summers : C’est différent mais la tournée se passe très bien. Je connais Alan depuis bientôt dix ans et Miles depuis que je suis tout gamin. Nous sommes très proches, du coup on s’éclate bien tous ensemble, en prenant soin les uns des autres. On savait que ça allait bien se passer entre nous.

Du coup, Alan s’occupe de remplacer Maisie pour cette tournée, puis Stella prendra officiellement le poste de bassiste pour les prochaines aventures de CLAMM. C’est bien ça ?

Oui ! Maisie a donc décidé d’arrêter, mais Stella ne pouvait pas nous rejoindre tout de suite pour cette tournée, donc nous avons cherché d’autres solutions avant de potentiellement abandonner l’idée de revenir en Europe. Vu qu’Alan était notre tout premier bassiste, j’ai décidé de l’appeler pour lui proposer de partir avec nous. Il m’a demandé de le rappeler un peu plus tard, ce que j’ai fait, mais seulement cinq minutes après, et il a accepté de tenter le coup. On a donc fait quelques sessions ensemble, et ça a collé.

Est-ce que l’arrivée de Stella est un manifeste pour l’inclusion du saxophone dans le punk ?

C’est un peu le cas oui ! Stella a déjà joué du saxophone avec nous, donc elle fait déjà plus ou moins partie du groupe. Il se trouve qu’elle est également une incroyable bassiste. La basse est d’ailleurs son instrument favori, donc ça prend tout son sens. Je ne sais pas s’il y aura du saxophone sur le prochain album, je n’en suis pas certain, mais c’est toujours bon de savoir qu’elle est capable d’en jouer. Sur le dernier album, c’est Anna Gordon qui a joué du sax. C’est une grande fan de free jazz. On ne lui avait rien indiqué de particulier mais, une fois en studio, elle nous a scotchés.

Tu as raconté que les premières fois où tu as ressenti quelque chose grâce à la musique, c’était dans la voiture de ton grand père. J’ai les mêmes souvenirs avec mon père qui mettait du AC/DC à fond dans la voiture.  Qu’est-ce qui se passe avec les bagnoles, la nostalgie et la musique ?

Ça, c’est tout le côté magique de la musique ! Tout spécialement quand tu es encore jeune, alors que ta conscience est en train de se former, tu traverses ce genre d’expérience audio qui peut provoquer en toi des émotions très intenses. Tu te demandes ce que c’est, et du coup tu écoutes encore et encore pour revivre ce sentiment. La musique prend toute sa place dans toutes les situations d’une vie, elle vient en complément de ce que tu ressens. Elle peut accompagner un moment triste que tu peux ressentir de nouveau plus tard en la réécoutant. Pour ce qui est du punk et des musiques intenses, elle est plutôt liée à des émotions fortes, comme la colère, et incite à l’engagement, parfois même inconsciemment.

Tes chansons parlent beaucoup de résistance face au système, de pouvoir et d’oppression. Est-ce pour toi l’ADN essentiel d’un bon morceau de punk ?

Je pense, oui. Le punk a toujours barré la route du pouvoir, et même de la normalité, mais n’a pas forcément besoin de l’exprimer. C’est quelque chose de tellement ancré, de tellement évident qu’il peut se permettre d’être plus subtil, de ne pas faire que gueuler ‘je suis contre le gouvernement‘ dans un micro ! The Chats le font très bien sur Smoko par exemple. Nous, nous sommes plus directs parce que nous sommes facilement frustrés par l’état actuel des choses. C’est plutôt ça notre ADN à nous.

Tu abordes aussi la question de la santé mentale. Que penses-tu du punk, et même plus spécialement du hardcore qui défend l’importance de ne pas refouler ses émotions, surtout auprès des hommes ?

C’est essentiel ! La société est aujourd’hui si difficile à vivre ! On doit fournir un tel travail pour obtenir un minimum de qualité de vie que la joie n’a plus trop sa place dans notre quotidien. Le punk et le hardcore fédèrent une communauté de gens qui partagent cette expérience, ces difficultés, qui ne trouvent peut être pas leur place dans la société, dans ce système, mais qui apprécient de faire partie de quelque chose, de ne pas être seuls, et d’avoir cette perspective de pouvoir éventuellement faire les choses autrement. Pour moi, cette musique est un bon moyen d’entrer en contact avec les autres, et de s’engager pour ses idées.

Tu écris apparemment les paroles en fonction de ce que la musique te procure. Pas étonnant que tu sois toujours énervé !?

Oui, c’est vrai ! Ça diffère en fonction des chansons, mais c’est comme ça que je fonctionne la plupart du temps. Je prends constamment des notes sur mon portable ou dans mon journal, et elles trouvent leur place dans des morceaux. Parfois, je n’utilise qu’une ligne à partir de laquelle j’écris la suite des paroles. Le reste est une affaire de jam avec le groupe, de ce que je ressens, de ce que je suis susceptible d’ajouter qui soit en rapport avec mes émotions.

Les australiens sont souvent décrits comme des gens gentils et relax, pourtant la musique qui vient de chez vous est majoritairement agressive. Peux-tu nous expliquer pourquoi ?

Je n’ai pas vraiment de réponse à cette question. On peut expliquer ça de beaucoup de façons. L’Australie est très éloignée du reste du monde et de l’Europe, et tout y est lent, un peu fermé et conservateur. Ce n’est pas facile pour nous d’aller du jour au lendemain en Europe pour profiter de votre richesse historique et culturelle. Nous, nous n’avons pas ce passé puisqu’on a en quelques sortes effacé toute l’histoire des aborigènes. Cette manière dont les australiens les ont traités, et continue de le faire, provoque d’ailleurs beaucoup de culpabilité en Australie. On devrait tous être d’accord à ce sujet, mais ce n’est toujours pas le cas, certaines personnes s’y refusent encore. Mais au delà de ça, nous avons un pays magnifique, avec de très beaux paysages. Il y a beaucoup de choses à y faire.

Tu es aussi peintre, tu as d’ailleurs fait la pochette du premier album. Penses-tu que cet art te permet une plus grande liberté de création que le fait d’écrire une chanson ?

Oui, je pense. Je suis allé dans une école d’art, ce qui a indirectement influencé ma façon d’aborder le songwriting. Quand je peins, je suis tout seul dans ma bulle, je suis très libre, je peux faire absolument ce que je veux, alors qu’avec la musique, les choses sont différentes : tu es dans l’obligation de collaborer. Aussi, en général, une chanson doit toujours avoir un début, une fin, un couplet et un refrain. En comparaison, l’art est beaucoup plus vaste, mais j’apprécie ces deux disciplines pour ce qu’elles sont.

CLAMM est apparemment un groupe dont les membres adorent faire des playlists. Tu peux m’en dire plus sur cette passion ?

C’est surtout Miles, notre batteur, qui adore ça ! C’est un mec très structuré. Il a même une playlist spécifique pour quand il prend son bain. Moi aussi, j’adore prendre des bains sauf que je ne sais absolument pas ce que je vais écouter à ce moment-là (rire). Miles, lui, sait parfaitement ce qu’il veut écouter à tel ou tel moment. Personnellement, j’en ai une pour la méditation, elle doit faire douze heures mais je l’écoute dans le désordre. Mais c’est un exercice cool, c’est bien d’être capable de trier la musique en fonction de différentes ambiances.

Pour terminer, à quoi peut-on s’attendre de la part de CLAMM dans un avenir proche ?

Nous avons pas mal de nouveaux titres qui sont au stade de démos. Je les ai composés avec Miles et nous sommes en train de les présenter à la fois à Alan et à Stella. Nous allons revenir en Europe en mai pour une tournée, et elle sera avec nous cette fois-ci. Nous allons notamment jouer au Levitation. Je suis super excité, nous avons entendu beaucoup de belles choses au sujet de ce festival français !

Photos : Non2Non

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