Charles Howl s’ennuie de lui-même mais ne se lasse pas

Charles Howl s’ennuie de lui-même mais ne se lasse pas

Charles Howl, c’est Daniel Nellis, mais sous son nom de scène rien qu’à lui. Car non content d’officier au sein des coolos Proper Ornaments (dont Foxhole, le dernier album, nous avait tapé dans l’oeil l’hiver dernier), il poursuit depuis 2015 une jolie carrière solo. Après un premier tour sur des terres pop psychédéliques avec Sir Vices, c’est My Idol Family qui prend le relais et affiche sans complexe ses courbes orchestrales. Une première fois aux arrangements travaillés beaucoup d’élégance. Ou l’histoire de la chrysalide avant qu’elle devienne papillon. Conversation autour de la différence, de la création et des idoles.

Charles Howl, qui êtes-vous ?

Je suis musicien et réalisateur, et je vis à Londres. Mais je quitterai bientôt l’Europe…

Vous venez de sortir un très beau deuxième album solo, My Idol Family, que vous avez enregistré à Amsterdam. Un peu loin de chez vous donc ! Avez-vous le sentiment que, quelque part, vous aviez besoin de partir pour vous concentrer davantage ou trouver l’inspiration ?

Oui, beaucoup. Londres, c’est chez moi et malheureusement être chez soi signifie aussi devoir se concentrer sur plein d’autres choses plutôt que sur la musique. Pour cet album, j’avais besoin de m’évader pour pouvoir écrire et jouer, pour ne faire que ça pendant un mois. D’ailleurs, maintenant, j’essaie à chaque fois de partir quelque part une semaine ou deux pour me consacrer à l’écriture.

Pensez-vous que ce besoin de s’échapper est indissociable de la création, pour qu’un artiste puisse se (re)découvrir voire s’essayer à d’autres manières de travailler ?

Je pense qu’on devrait toujours essayer d’améliorer les choses, de créer à divers endroits et d’être entouré de personnes différentes. On ne devrait jamais s’enliser dans un environnement trop confortable et trop facile, au risque de se répéter, encore et toujours. Cela étant, cela marche pour certaines personnes. Mais moi, je m’ennuie très vite, surtout de moi-même.

My Idol Family est très lyrique, on entend énormément de cordes. C’est la première fois que vous composez et orchestrez ce type d’instruments ? Est-ce que cette expérience vous a plu ?

Sur cet album, c’est effectivement la première fois que je travaille autant les arrangements, et les instruments d’orchestre. Et j’espère que c’est un signe : ça voudrait dire encore plus de choses à venir ! Cette expérience m’a beaucoup plu, j’ai vraiment aimé travailler de cette façon, d’autant plus que tout était suivi de près et arrangé par Richard Jones, le violoniste de Ligeti Quartet. Donc ça s’est très bien déroulé.

Considérez-vous un album comme une entité, un tout, avec un son et un univers qui lui seraient propres, ou envisagez-vous de forger une identité musicale sur un plus long terme et où chaque disque correspondrait à une facette de cette identité ?

Disons que je ne prévois pas vraiment le son de chaque disque, je n’ai jamais réussi à travailler comme ça… Je pense qu’un album s’assemble naturellement et devient lui-même à partir du moment où il est mis à disposition du public. Mais j’ai toujours aimé les morceaux qui s’y différencient, ceux qui paraissent décalés par rapport aux autres. C’est sur ce genre de titres que vous pouvez saisir l’écriture ou l’expérimentation de l’artiste. Quand tout un album sonne pareil, tout ce que j’entends finalement, c’est le label qui est derrière. Il faudrait être capable de prendre des risques. D’ailleurs c’est plus risqué de faire passer une chanson douce et délicate qui vous met à nu juste après un morceau bruyant et fort.

Les idoles, la famille… Ce sont deux sujets centraux à cet album. Pensez-vous que les idoles finissent, d’une certaine manière, par faire partie de la famille, à moins que ce ne soit la famille qui devienne idolâtrée ? 

Oui, je pense que beaucoup de personnes idolâtrent les membres de leur famille, ou pensent qu’ils doivent le faire. Dans My Idol Family, je ne suis pas en train de dire que les gens devraient être idolâtrés, au contraire.

Reed, Lennon, Albarn sont cités dans cet album. Font-ils partie de vos idoles ? Sur ce disque, vous paraissez plus proche des mélodies fines et dentelées de la pop anglaise baroque des années 1960…

En fait, j’ai toujours essayé de ne pas trop idolâtrer les gens, car ça peut vous ralentir en vous emmenant à un endroit où vous êtes (trop) bien dans votre peau. Bien sûr, il m’est arrivé moi-même de le faire. J’espère juste en être conscient quand c’est le cas. Sur les titres de My Idol Family, justement, je fais davantage un commentaire là-dessus, sur le fait d’idolâtrer ses héros sans en être conscient, donc sans prendre de recul.

Pour cet album, vous avez retrouvé Bobby Syme avec qui vous jouez déjà au sein des Proper Ornaments, vous à la basse et lui à la batterie. Famille ou idole ?

Bobby, c’est la FAMILLE.

De même, comment vous êtes-vous retrouvé à travailler avec Victoria Hamblett, qu’on entend sur la plupart des morceaux de cet album ?

Victoria est très douée. À la fois chanteuse, musicienne et professeur, elle a joué pour quelques-uns de mes amis proches. Là, elle a accepté de prêter sa voix sur My Idol Family.

On le disait plus haut, vous êtes aussi le bassiste des Proper Ornaments. Comment faites-vous pour gérer deux projets musicaux à la fois ?

Il ne m’a pas semblé avoir rencontré beaucoup de difficultés jusqu’à maintenant. Au contraire, c’est chouette de travailler sur des projets différents, ça permet de ne pas se lasser. En plus, voir comment d’autres personnes travaillent et écrivent des chansons, ça aide toujours à faire progresser son propre projet.

Qui sont vos idoles aujourd’hui, ou vos plus grosses influences (musicales ou non) ?

Nous avons un super groupe de potes à Londres, beaucoup sont musiciens et cela amène à une sorte de compétition, très saine je pense, où l’on cherche toujours à s’inspirer les uns les autres. C’est beaucoup plus sain que de regarder constamment en arrière et de s’inspirer des artistes des dernières décennies. Mais pour citer quelques noms, je dirais Wesley Gonzalez, Younghusband, Meilyr Jones ou encore Blueprint Blue.

Du coup, pour parler de Dinner Party, pouvez-vous me décrire quelle serait la meilleure scène de dîner selon vous ? J’espère que vous ne pensez pas aux dîners de famille qui finissent en drame, comme le Festen de Thomas Vinterberg…

Oui, c’est un film très difficile à regarder (rires) ! Disons que j’aime comment les Français dînent : une grande table dressée dehors, durant l’été, beaucoup de plats, beaucoup de vin et beaucoup d’amis.

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