Blondshell, la fête est terminée

Blondshell, la fête est terminée

Après un premier album éponyme très réussi, sorti en 2023, Blondshell est de retour avec If You Asked For a Picture, toujours chez Partisan Records. Les sonorités grunge de cette fan de Lady Gaga et des Rolling Stones – qui a grandi à New York avant de partir à l’autre bout du pays, à Los Angeles – permettent, sur ce nouvel opus, de traiter de sujets comme l’objectification des femmes, l’addiction et la sobriété, ou encore les relations intra-familiales particulièrement compliquées… Rencontre. 

Avant Blondshell, tu faisais de la musique sous le nom de Baum. Qu’est-ce qui t’a poussé à changer ?

Ca fait très longtemps que je fais de la musique mais, avant Blondshell, je n’avais pas encore trouvé qui je voulais être en tant que musicienne. Pendant le Covid, alors que j’étais confinée comme tout le monde, j’ai eu beaucoup de temps pour penser, pour réfléchir à la façon dont je voulais que ma musique sonne, aux albums que je voulais faire. Ça m’a permis de réaliser plein de choses. C’est là que j’ai ressenti le besoin d’un nouveau nom, de renaître.

C’est peut-être un peu trop personnel mais, dans What’s Fair, tu parles de ta mère et de la relation que tu entretiens avec elle, notamment du fait qu’elle voulait que tu sois ‘célèbre’. Est-ce que c’est quelque chose qui a orienté ta vision artistique ?

Pas vraiment. Mes chansons parlent de moi mais sont aussi très conceptuelles. Celle-ci parle surtout de la misogynie, de ce qu’on attend des femmes, de ce qu’elles sont censées être, de ces choses qui les rendent séduisantes, des comportements qu’elles doivent avoir dans certaines circonstances… D’une certaine façon, les filles héritent des attentes de leur mère, et ça ne cesse de se répéter de génération en génération. La chanson parle surtout de ça.

Dans tes paroles, tu mentionnes aussi les troubles alimentaires, parfois aggravés par la célébrité. L’autre jour, j’ai vu un vieil article d’un tabloïd sur Britney Spears, dans lequel ils comptaient les calories qu’elle mangeait !

Oui, je l’ai vu aussi, c’est hallucinant ! Ils notaient toute la junk food qu’elle mangeait et indiquaient les calories à côté… J’ai l’impression que toutes les formes de répression sont toujours aussi fortes aujourd’hui, qu’il s’agisse du racisme, du sexisme, de l’homophobie… Plutôt que disparaître, elles n’ont de cesse de s’adapter. Du coup, rien n’évolue. Les gens changent simplement leur façon d’en parler mais continuent de commenter le corps des femmes, ça leur permet de garder le pouvoir ! Aujourd’hui, impossible d’imaginer un article qui compte les calories de ce que mange Dua Lipa. Le tabloïd ne s’en relèverait peut-être pas ! Mais on trouve d’autres moyens de sexualiser et objectifier les musiciennes. Aux Etats-Unis, avec Trump, on recule vraiment.

Dans ton premier album, tu as aussi beaucoup parlé d’addiction et de sobriété. Est-ce que tu penses que cela a influencé ta créativité, ta façon d’écrire ?

Je ne sais pas si ça m’a particulièrement influencée mais disons que, quand tu fais tout le temps la fête, tu ne peux pas vraiment faire autre chose. Forcément, si tu as la gueule de bois, tu ne peux pas composer. Enfin peut-être que ça marche chez les autres, mais pas pour moi ! Quand je faisais la fête, je passais mon temps à dormir plutôt qu’à réfléchir aux choses que je voulais. Il y a donc eu beaucoup de moments où je me suis dit qu’il fallait que j’arrête et que je me concentre plutôt sur ma musique… Donc, dans un sens, la sobriété m’a influencée.

Dans Two Times, tu parles des attentes en termes de romance. Est-ce que tu penses que nos idéaux romantiques sont aujourd’hui dépassés ?

Je pense qu’il y a beaucoup de façons d’envisager les relations amoureuses, beaucoup d’alternatives au traditionnel rencontre/fiançailles/mariage/enfant qui ne sont pas forcément dépassées. Tout cela dépend évidemment de ce que tu attends : si tu es une personne traditionnelle et que tu veux suivre l’exemple de tes parents, vas-y ! Mais il y a beaucoup d’autres façons de fonder une famille, de construire une relation amoureuse…

Sais-tu quel est ton idéal ?

Pas encore, j’essaie encore de le trouver ! D’une certaine façon, c’est de ça dont l’album parle.

Dans ce morceau, tu dis aussi que tu écris moins bien lorsque tu es amoureuse. Penses-tu que les artistes doivent être tristes pour écrire de bonnes chansons ?

Non, c’est juste que quand je suis heureuse et que je m’amuse, je ne ressens pas forcément le besoin d’écrire. J’ai vu cette vidéo de Fiona Apple où elle dit ‘Je suis paresseuse‘. C’est ça en fait : j’ai besoin de motivation pour écrire une chanson, parce que ça ne se fait pas tout seul ! Mais je n’ai pas non plus besoin de me replonger dans des moments difficiles pour y parvenir…

Te sens-tu capable d’écrire un jour des chansons joyeuses ?

Je l’espère, même si c’est beaucoup plus compliqué… J’ai toujours apprécié cette sorte de binarité, ces chansons qui semblent joyeuses mais qui sont très tristes en réalité. Ce juste milieu, c’est ce que j’ai essayé de trouver sur cet album.

Il y a aussi beaucoup de colère dans tes chansons. Est-ce que c’est ta façon de la gérer ?

Oui, écrire m’aide à gérer les émotions dont je parle dans mes chansons. Rien que le fait d’extérioriser m’aide énormément, y compris sur scène où toutes sortes de connexions se forment avec le public. J’adore jouer live ! Les concerts m’aident à exprimer des choses que je ne peux pas exprimer seulement en écrivant.

Pour revenir à cet album, If You Asked For a Picture, comment s’est passé l’enregistrement ?

Je l’ai enregistré en janvier 2024 à Los Angeles, dans un studio qui s’appelle Sunset Sound, avec Yves Rothman avec qui j’avais déjà travaillé pour mon premier album. Ensuite, on l’a mixé et édité jusqu’en octobre 2024 environ.

Quelles étaient tes influences pour cet album ?

J’écoute tout le temps The Replacements, donc ils en font forcément partie. Après, pour ce qui est des chœurs, je dirais The Ronettes, Fleetwood Mac, Tom Petty… J’ai grandi en écoutant tous ces artistes, même si j’ai écouté de plus en plus de rock en grandissant. J’ai toujours été une très grande fan des Rolling Stones par exemple. En ce moment, je reviens souvent à Arthur Russell, John Cale et Teenage Fanclub !

Ta musique n’aurait pas détonné au sein de la scène grunge des années 90…
C’est vrai qu’il y a un peu une vibe à la Kurt Cobain ! J’ai également beaucoup écouté Nirvana et Pearl Jam.

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