Avee Mana, toujours plus lourd, toujours plus pop

Avee Mana, toujours plus lourd, toujours plus pop

Preuve éclatante, encore une fois, de l’impressionnante vitalité de la scène marseillaise, Avee Mana attend patiemment mais sûrement son heure. Un premier EP prometteur en 2019 (Who The Fuck Is Francky Jones), un second, brillant, en 2023 (Inner Life), auront suffi pour assurer la réputation du quatuor, combinant psychédélisme et garage avec une classe folle et qui, sur scène, est devenu au fil des ans une véritable machine de guerre, capable de se mesurer tout à la fois à la lourdeur du stoner, à la rapidité tranchante du punk, ou à la légèreté aérienne de la pop. Prêts à passer à la vitesse supérieure en sortant deux titres survoltés chez la référence Howlin’ Banana, Rémi Bernard (chant/guitare), Julien Amiel (guitare), Francky Jones (basse) et Sylvain Brémont (batterie) nous ont présenté leur histoire tout en esquissant les grandes lignes d’un futur dont on espère qu’il leur permettra d’imposer au plus large public possible la force de leur Mana.

Commençons par les présentations. Pouvez-vous nous retracer l’histoire du groupe ?

Rémi : Franck, Sylvain et moi étions dans un groupe qui s’appelait Oracle. On faisait du rock très influencé par Radiohead, très chiadé dans les compos, sans dériver vers le prog pour autant. Et quand le groupe s’est séparé, Julien, que nous avions rencontré lors de l’un de nos concerts à Marseille, s’est joint à nous.
Julien : J’aimais Oracle, et je trouvais vraiment dommage qu’avec le potentiel qu’ils avaient, ils n’aillent pas plus loin. Nous nous connaissions déjà avec Sylvain, nous jouions parfois ensemble et nous nous entendions bien musicalement. Au début, comme nous découvrions les pédales et les effets sonores qu’elles produisaient, la musique que nous jouions tous les quatre était formée de longues plages de sons, de textures évoquant des couleurs. Nous étions dans l’exploration de nos moyens techniques. Puis nous avons décidé de mettre Rémi au chant – de nous tous, c’est celui qui chantait le mieux – et après cela nous avons développé un esprit un peu plus rock.
Rémi : C’était en 2017-2018, et nous aimions tous Tame Impala, Mac DeMarco, Temples, Boogarins, Stereolab, des trucs comme ça.
Sylvain : Nous avons une exigence commune : l’harmonie. Nous amenons chacun nos influences, en expliquant pourquoi nous les aimons. Nous avons des esthétiques et des centres d’intérêt différents, mais nous trouvons des points d’accord, avec toujours le désir que notre manière de fonctionner ensemble soit la plus fluide et la plus simple possible.

D’où vient le nom Avee Mana ?

Sylvain : C’est parti d’une conversation sur Messenger au cours de laquelle Julien et Rémi ont proposé Avee, le salut, et Mana, l’énergie. Nous pensions moins à la signification qu’il y avait derrière ce nom qu’au lettrage. La combinaison des deux mots nous paraissait belle à lire et à entendre. Mais symboliquement, elle nous convenait aussi.

Qu’est-ce qui est à l’origine de votre vocation musicale ?

Julien : Mon père avait une grande collection de disques. Nous habitions à la campagne, dans les gorges du Verdon, et écoutions de la musique très fort tout l’été. Il m’a très rapidement mis le pied à l’étrier en me faisant écouter les Beatles, les Who, Led Zeppelin. Le seul souvenir que j’ai de mes 4 ans, c’est la première écoute de Led Zeppelin IV, dans la voiture. Je ne me suis pas trop posé de question concernant la pratique de la musique, j’ai foncé tête baissée, quoiqu’il advienne. J’ai commencé la batterie très jeune, mais comme j’étais le seul musicien là où je vivais, je me suis mis à la guitare. Puis, tardivement, vers 20 ans, j’ai pris des cours de musique, intégré une école de jazz et commencé à créer un petit réseau, à jouer dans des groupes.
Francky : J’ai commencé à jouer de la guitare à 15 ans, avec un pote qui m’a montré quelques trucs. Et ensuite je me suis mis à la basse pour monter un groupe au lycée.
Sylvain : J’ai grandi en écoutant du rap et du rock, à 50/50, grâce à mes parents. A 10 ans, je jouais aux petites voitures avec la compile de Taxi en fond et, en même temps, j’avais une compilation qui s’appelait No Bullshit et qui recensait tout le métal des années 90 : POD, Deftones, Blink 182… Ça a façonné ma culture. J’ai commencé les cours de batterie à 10 ans mais, arrivé à la fac, je ne pouvais plus en jouer alors j’ai utilisé les platines inutilisées de mon frère. Là, j’ai commencé à produire du son, plutôt hip hop, mais aussi trip hop. Puis, en rejoignant Oracle dont on parlait au départ, je me suis remis au rock, avec bonheur. Julien, je l’ai rencontré en parallèle parce qu’on partageait des goûts pour le trip hop, le rock et le rap. Et nous avons fini par jouer tous les quatre. A côté d’Avee Mana, j’ai mon propre projet, plutôt rap, NxQuantize (qui va sortir son quatrième album cette année, nda).
Rémi : Le déclencheur, pour moi aussi, c’est la musique que mes parents m’ont fait écouter. L’album bleu des Beatles m’a profondément marqué, je l’ai écouté en boucle et j’en connaissais toutes les paroles par coeur. Je suis fou de Strawberry Fields Forever. Je me souviens aussi de mon père achetant un Best Of de The Doors et passant Light My Fire à la maison. Là, tout de suite, je demande à ce que nous remettions l’intro. Au bout de dix écoutes, mon daron me dit que la chanson dure 7 minutes et que nous allons peut-être écouter autre chose que ses premières secondes ! Plus tard, il y a Nirvana, dont j’achète In Utero sur un marché à Cisteron. Je ne connaissais pas Nevermind, et je prends une énorme claque. Je commence la guitare à 10 ans, grâce à Nirvana, et je fais de la radio en bénévole au collège, sur Fréquence Mistrale à Cisteron. Un peu plus tard, je fais une école de cinéma, en me spécialisant dans la composition. C’est là que j’apprends l’harmonie et l’arrangement.

Inner Life, votre second EP, définit bien votre son, combinant puissance et légèreté. Il y a une origine à cette dualité ?

Rémi : J’ai été bien traumatisé par Ty Segall, qui peut avoir un son très lourd et massif, un vrai côté mur du son, avec en même temps une voix très légère et mélodique, qui se place au-dessus des autres instruments. Après, il peut hurler et aller vers des trucs complètement barrés, mais il y a quand même cet entre deux chez lui, que l’on essaye de cultiver également. Dans le nom Avee Mana, d’ailleurs, il y a cette dimension aérienne, un peu nébuleuse, contrebalancée par notre goût pour des musiques rentre-dedans. Avec Julien, on est des gros fans de Led Zep, par exemple.
Julien : C’est ce qu’essaye d’exprimer la pochette, avec ce funambule en équilibre, qui oscille d’un côté et de l’autre.

Vous seriez d’accord pour dire qu’il y a quelques accents stoner dans votre musique ?

Rémi : Un petit peu. C’est une scène à laquelle nous avons parfois été associés. Nous avons ainsi pu jouer avec Mars Red Sky aux Camargue Sessions, un festival plutôt orienté stoner, mais également avec Warm Sand qui nous avait invités sur l’un de leurs concerts à Nice. Donc, il y a des petites affinités avec cette scène-là, mais pas non plus au point d’y appartenir. De la même manière, nous ne sommes pas complètement dans le psyché non plus. Nous écoutons des choses très variées, qui peuvent être hyper lourdes ou complètement pop, très sucrées et mielleuses, et nous essayons de synthétiser toutes ces influences au mieux. Savoir que nous pouvions aller dans plein de directions différentes nous a finalement rassuré et détendu, ce qui fait que sur Inner Life, il y a des morceaux assez légers et courts comme If You Want Me, et d’autres comme Bending Sky, beaucoup plus longs et prenant leur temps pour se développer.
Julien : Bending Sky date du premier EP, et nous l’avons progressivement développé dans une direction plus rock. Au début, nous étions très nébuleux, nous y allions sur les effets. Nous aimons toujours ça, mais nous essayons à présent d’être plus direct. C’est après avoir été frappés par l’énergie des Psychotic Monks en concert que nous nous sommes peut-être mis inconsciemment sur un chemin qui n’était pas forcément le nôtre, mais que nous explorons maintenant.
Rémi : La démarche des Monks est hyper inspirante mais assez expérimentale. Idles a été une autre grande influence nous incitant à être plus incisifs. Nous sommes aussi tournés vers la pop. Aujourd’hui, nos nouveaux morceaux ont toujours un son un peu massif, mais nous essayons également de les rendre les plus mélodieux possible.

Wired et Idiot Punk, vos deux premiers titres pour Howlin’Banana, contrastent avec ce que vous avez déjà enregistré. On sent plus de tension et d’agressivité sèche, ce qui leur donne un aspect post-punk…

Rémi : On ne sait plus trop quoi mettre sous l’étiquette post-punk, mais c’est vrai que si le morceau s’appelle Wired, c’est peut-être parce que j’ai pas mal écouté Wire à ce moment-là, ainsi qu’Idles qui a d’ailleurs fait une reprise de Gang of Four (Damaged Goods, sur The Problem Of Leisure, le disque hommage au groupe en 2021, nda). Mais ces influences transparaissent plutôt dans le côté direct et énergique du morceau que dans le son ou le chant. On reste davantage, du point de vue du style, dans le garage psyché. Il y a des groupes de post-punk qu’on aime bien, comme Fontaines DC, mais ce n’est pas forcément notre tasse de thé.

Il y a un alliage bien trouvé entre la précision du son et l’accroissement continu de l’énergie. C’était difficile à trouver comme équilibre ?

Rémi : Ce sont des morceaux que nous avons pensé en live. Idiot Punk termine nos concerts depuis des années. C’est un morceau qui date de nos débuts, mais qui a pas mal évolué dans sa structure pour être efficace en concert. Ça attaque très fort, mais il y a ensuite des redescentes. La version enregistrée va droit au but, mais quand on joue le morceau sur scène, il est plus étiré et dure 6-7 minutes environ, avec un côté Kraut.
Julien : Quand nous avons crée le morceau, nous étions très influencés par King Gizzard, et nous voulions quelque chose d’épais et de dynamique. Et nous avons pensé le morceau comme cela, assez long, avec différentes phases. Nous sommes en majeur pour commencer, puis en mineur, et après c’est l’autoroute.

Quel est le thème de la chanson ?

Rémi : Idiot Punk ne vise pas du tout le mouvement punk, mais reprend le mot dans sa signification première de déchet. Dans le morceau, il renvoie à quelqu’un qui est passif, absolument pas politisé, qui attend que les choses se déroulent sans prendre la moindre responsabilité, ce qui ne l’empêche pas de se plaindre en disant que c’était mieux avant. Il y a beaucoup de second degré dans le texte.

Ces deux chansons, Wired et Idiot Punk, paraissent assez engagées. Wired l’est explicitement en présentant une critique du travail et de la société de consommation. Les paroles sont aussi construites de façon segmentée, hachée, ce qui donne du rythme en mettant bien en lumière le caractère frénétique et incohérent de la succession des satisfactions liées à la consommation.

Rémi : On est dans la continuité de Cherry (single sorti en 2023, nda), qui parlait déjà de frustration, de la recherche sans cesse contrariée du plaisir. Ce sont des idées similaires à celles que La Flemme développe dans son album, La Fête. Quand Jules (Massa, le guitariste-chanteur de La Flemme, nda) dit ‘j’ai perdu le sens de la fête‘, nous nous retrouvons dans ce constat, déjà parce que nous faisons la fête ensemble, mais aussi parce que, plus généralement, sortir sans trop de raison de sortir, boire des coups sans raison de les boire, cela nous arrive. Il y a là de la passivité, un comportement que l’on adopte de façon automatique, qui entraîne de la frustration. Je ne sais pas si j’avais conscience que le caractère segmenté des paroles coïncidait bien avec le thème, je me souviens juste qu’au début nous avions une mélodie vachement plus post-punk, une pâle copie parlée/chantée d’Idles qui ne marchait pas bien. Mais après, nous sommes partis sur quelque chose d’un peu plus mélodique.
Sylvain : Sur Inner Life, il y avait déjà ces thématiques, qui correspondaient à l’époque post-Covid de sa réalisation. Et elles se sont généralisées. La différence, que nous présentons plus explicitement dans le clip qui accompagne le morceau, c’est que tout ce négatif que les paroles expriment est contrebalancé par le fait de jouer du rock ensemble, entre amis. C’est ce qui permet de se libérer des contraintes du travail ou des tensions psychiques que l’on éprouve au quotidien.

Comment, justement, décririez-vous la place que la musique a dans vos vie ? Vous parlez de son aspect thérapeutique, mais n’y a-t-il pas autre chose, comme la possibilité de s’accomplir ?

Rémi : C’est une sacrée question. Le fait d’être intermittent implique que la musique est officiellement mon métier, et cela m’ancre complètement dans le quotidien parce que, quand j’en fais, c’est comme si le temps se dissolvait. C’est donc quelque chose de central dans ma vie, mais je n’ai pourtant pas envie de me définir uniquement par elle, d’y mettre trop d’affect, pour pouvoir vivre autrement si tout s’arrête un jour. La musique me fait vraiment du bien, mais parfois il y a aussi ce côté mécanique de faire des chansons qui donne l’impression d’être au bureau. C’est cette ambivalence du rapport qui me permet, je crois, de garder de la distance et de ne pas y mettre toute mon âme.
Sylvain : Je suis très sensible au fait que, par la musique, tu peux avoir ta propre tribune pour dire ce que tu as envie de dire. Tu ne le ferais peut-être pas autrement, dans ta vie sociale, mais là tu prends ce droit. Sur ce point, je trouve que la musique enchante vraiment le réel. Après, je suis intermittent comme Rémi, ce qui fait que je dois faire de la musique tous les jours, et cela m’amène à devenir corporate. Quand on rentre dans ce milieu, on est très vite poussé à fréquenter les bons endroits, à faire de la préparation de carrière, à compter ses streams, et tout cela peut avoir un effet tue-l’amour. Je suis en train de m’éloigner quelque peu de cet aspect, pour revenir à des bases un peu plus indépendantes, susceptibles de me permettre de préserver le plaisir de jouer.
Franck : Pour moi, c’est clairement un exutoire. J’évacue toute la journée de bureau dans le travail créatif. J’ai besoin de cette dualité dans ma semaine.
Julien : Quelle est la place de la musique dans ma vie ? C’est la grande question que je me pose en ce moment. Depuis peu, comme Franck, j’ai un travail à côté, et cela occupe une bonne partie de mon temps. Ça prend mon énergie et, moralement, c’est assez pesant. Mais j’ai toujours fait de la musique, et tout ce que je sais, c’est que c’est un véritable besoin pour moi.

Pour revenir à Wired et Idiot Punk, le chant y est différent. Il y a plus d’affirmation dans la voix, moins d’effets. C’était une volonté de votre part d’être plus incisif ?

Rémi : Nous avons essayé de rendre le chant un peu plus sombre, mais ça ne concordait pas bien avec nos voix, celle de Julien et la mienne. Il y avait quand même cette volonté de faire quelque chose de plus tranchant, de ne pas trop noyer ce que l’on faisait dans la reverb. Nous voulions aussi que les paroles soient plus centrales, ce qui supposait d’être plus affirmé dans la manière de les dire. Mais nous n’avons pas renoncé aux effets, on ne veut simplement pas les utiliser sur chaque morceau. Nous avons de nouveaux titres qui restent assez planants et vaporeux et d’autres plus secs, comme Wired.

Pensez-vous que la composition et l’enregistrement de ces deux nouveaux morceaux a changé quelque chose entre vous, dans votre manière de créer de la musique et de jouer ensemble ?

Rémi : Oui, complètement. Je pense que nous serions maintenant capables de reprendre des vieux morceaux jamais sortis pour les jouer avec l’intention et l’expérience que nous avons aujourd’hui, de manière un peu plus frontale. Nous hésitons moins, nous prenons notre place, sans pour autant avoir l’ego hypertrophié. Notre processus créatif à changé avec le temps, il est devenu incessant : nous n’attendons plus forcément d’être tous les quatre en résidence dans la même pièce, nous travaillons des choses chacun de notre côté, que nous nous partageons de façon continue. Après, la magie de la répète fonctionne toujours : l’un d’entre nous peut envoyer un truc, et deux heures après le morceau est plié.
Julien : Wired et Idiot Punk ont été regroupés ensemble pour faire un EP puissant. Mais il y a un panel stylistique assez large dans toutes les chansons que nous avons enregistrées récemment. En fait, nous n’avons pas vraiment pris un virage esthétique.

Quel est votre rapport au texte ? Comment celui-ci s’insère-t-il dans votre processus créatif ?

Rémi : J’ai toujours beaucoup lu, et j’adore ça. Mais le rapport au texte n’est pas forcément complexe. Sylvain a ramené une composition récemment et les paroles tiennent en trois mots. Il avait des doutes à ce sujet, mais je lui ai dit qu’on ne toucherait à rien, tout simplement parce que ce sont les bons mots. C’est ce qui caractérise le Haïku : peu de mots, mais chacun a son impact. Et ça rejoint notre goût pour le design épuré. Je me souviens d’une exposition à Arles dont le thème était le nuage, et il y avait une œuvre de Marina Abramović qui consistait en une écorce de cacahuète maintenue à quelques centimètres du mur et dont l’ombre projetée formait un nuage (il s’agit de Cloud with its shadow, nda). C’était hyper simple mais très beau. Pour les paroles, c’est ça aussi, trouver le bon mot qui traduit la bonne émotion. Mais nous partons d’abord des sons, de la mélodie, et ce n’est que dans un second temps que je me demande quelle histoire je peux raconter à partir de cela. Les sujets que j’aborde sont les relations humaines, la gestion des émotions, où se situer dans le monde. En tant que groupe de psyché, on a parfois parlé de choses un peu étranges – Bending Sky par exemple, c’est le ciel qui se tord – mais plus on avance plus je veux parler de choses plus personnelles. Plus particulièrement, j’aborde le fait que, en tant que mecs, nous avons été habitués à cacher nos émotions et on se retrouve à 25/30 ans à devoir verbaliser des choses, à découvrir que c’est dur de dire à quelqu’un qu’on l’aime ou qu’on veut le quitter. Inner Life parlait de cela, de la vie intérieure et de la gestion des émotions, et nos nouveaux morceaux creusent encore plus ces thématiques.

Avez-vous des influences extra-musicales, visuelles par exemple ?

Rémi : Twin Peaks, dont je suis en train de revoir les saisons. Je suis très fan de Lynch et de son esthétique. Dans ses séries ou films, tu peux rire, pleurer, être mal à l’aise et avoir peur, tu peux ne pas comprendre ce qui t’arrive… Bref, c’est la vie. Et si un album peut faire la même chose, nous balader et nous surprendre, ce n’est que mieux. J’aime aussi ce qui peut m’amener à me dire que je peux le faire à mon tour. La technicité virtuose ne m’intéresse pas. C’est Anton Newcombe qui disait cela aussi. Brian Jonestown Massacre, ça a été une grosse influence, je l’ai découvert à 14 ans, lorsque mon père m’a amené voir Dig au cinéma. Anton te donne le désir de faire la musique même si tu n’as que peu de moyens.

Dans quelle mesure votre musique subit-elle l’influence de Marseille ?

Julien : À l’origine, quand nous avons commencé à répéter ensemble, du côté d’Aix, il n’y avait que Rémi qui y habitait. Sinon, nous étions tous un peu éparpillés. Mais quand nous sommes arrivés à Marseille, la ville nous a imprégnés et nous avons intégré son mode de fonctionnement. Elle constitue à présent notre nature.
Rémi : Marseille, c’est une ville très spéciale, elle n’a rien d’Haussmannien. Elle est toute cassée, il y a des trottoirs défoncés, des poubelles partout, du bordel. La gestion de l’espace public y est vraiment particulière. On peut ne pas supporter, et parfois on a juste envie de se barrer, mais ça a aussi un charme. Je ne sais pas si cette espèce de dissonance cognitive est autant présente dans d’autres villes. Quand je m’y suis installé, j’ai mis du temps à m’acclimater. Ce n’était pas facile. Mais rien de ce que nous faisons n’aurait été possible, j’insiste là-dessus, sans les contacts, les liens que nous avons crées au fil du temps dans la ville. Il y a une grande solidarité qui existe entre les groupes à Marseille, nous sommes hyper soudés entre nous, et on fait tourner le plus possible nos contacts.
Julien : Nous enregistrons nos morceaux dans le studio de Martin Baudu à Aubagne, le Cool Train. C’est un endroit où passent beaucoup de groupes, et comme il s’agit d’une coloc, on y dort et et on a le temps d’échanger entre nous. A Marseille, on se connaît toutes et tous, on partage les mêmes lieux, et ces connexions entre les groupes expliquent que dès qu’il y en a un qui a une opportunité de sortir du lot, tout le monde lui dit : ‘vas-y, fonce !
Sylvain : On partage notre local de répétition avec Technopolice, par exemple.

Vous envisagez la sortie d’un album ?

Rémi : Oui, nous avons composé pas mal de choses, et nous avons déjà enregistré une douzaine de morceaux qui sont en cours de mixage. Pour ce qui est de l’artistique, on reste sur les mélanges déjà pratiqués – lourdeur rock et légèreté pop – mais en accentuant les éléments : quand c’est lourd, c’est encore plus lourd, quand c’est pop, c’est encore plus pop. Il y a également des morceaux plus acoustiques, folk, avec des voix peut-être moins réverbérées, et une importance plus grande accordée aux paroles. Ça sera clairement autre chose qu’Inner Life, et nous voulons prendre le temps pour faire en sorte que ce premier album soit vraiment marquant.

Photos : Lou Andrieux, Marc Perrot, Adrien Bossa


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