Urge, bande originale de notre époque

Urge, bande originale de notre époque

Tout droit venu de la Ville Rose, URGE ne débarque pas aujourd’hui par hasard sur les platines. Déjà parce que les membres du groupe n’en sont pas à leur coup d’essai : on y croise des musiciens de Plebeian Grandstand, Bruit≤, Rallye, M83, Orme et Kid Wise, tous bien aguerris et réunis sous la bannière d’un post punk cold wave décliné le temps des neufs titres de Here/After, leur premier album. Au fil de variations rythmiques, les guitares avancent sur une corde entre distorsion et envoûtement et, dans leurs pas, des synthés noisy ou rétro, ainsi que la voix d’Adrien Broué à mille lieux de ses hurlements habituels au sein du black metal chaotique cher à Plebeian Grandstand. C’est d’ailleurs lui, accompagné de son compère Simon Chaubard, qui a souhaité un temps s’éloigner des terres métal extreme pour laisser la mélancolie infiltrer sa musique. Une fois Hugo Dupuis (Las Aves, Good Morning TV), Clément Likes (Bruit, Kid Wise, M83) et Mathieu Félix (Orme) enrôlés, le quintet toulousain a pu donner vie à ses premiers titres, autant ‘d’avertissements, de cris primaux d’une génération confrontée à la perspective d’un avenir sombre, refusant de succomber à un destin dicté par les maladresses du passé‘. Pour nous, URGE explique le fond comme la forme de chacun de ses morceaux.

OF GEORGICS
Premier morceau de l’album, Of Georgics est également le premier que nous avons écrit avec Urge. C’est une sorte de méditation introspective qui explore la tension entre la fugacité du désir et le poids des regrets. La batterie lourde, presque cérémonielle, et la basse pesante instaurent une atmosphère oppressante, tandis que les guitares se noient dans les reverbs. Les refrains viennent rompre cette torpeur, laissant entrevoir une révolte à travers l’épais brouillard des résignations.

SURRENDERS
Surrenders est comme une blessure mal refermée. Il évoque le fossé entre l’image que nous projetons et nos luttes dissimulées derrière un masque de sérénité. Les riffs nerveux et les dissonances des modulaires créent une tension, soutenue par une voix vacillante, comme des pensées sombres remontant à la surface. Le refrain laisse entrevoir une lueur d’espoir, un peu comme une vérité révélée. C’est alors que les masques se fissurent, dévoilant des visages hantés par le regret et les désillusions.

CONVENIENCE
Ce morceau parle de nos compromissions quotidiennes et de leurs conséquences silencieuses. La basse avance comme une marche lente, appuyée par des guitares sombres et un chant en dialogue constant. Le refrain unique crée une ouverture harmonique, une rédemption fugace sous le cri des sirènes.

IN TENEBRIS
Réflexion sur la perte des croyances et l’isolement qui en résulte, In Tenebris baigne dans des résonances de guitares et des percussions fantomatiques, créants un vide oppressant. La voix, d’abord submergée, parvient progressivement à s’élever et à percer l’obscurité.

DESOLATED AUGURIES
Desolated Auguries est une ballade mélancolique sur la beauté paradoxale du chaos. Une basse sinueuse dialogue avec des textures modulaires, tandis qu’une guitare obsédante mène les couplets. Les refrains émergent soudainement, batterie lourde, guitares imposantes, sur lesquelles plane une voix surplombante, à la fois résignée et déterminée.

HOMECOMING
Dans Homecoming, l’ambition et le désenchantement s’entrelacent, inscrivant la quête d’accomplissement dans un cycle sans fin. Le chant navigue entre espoir et renoncement, soutenu par des guitares et une basse en équilibre précaire, au bord de la rupture. Le refrain libérateur vient briser peu à peu les illusions, comme une acceptation lente du réel.

CORRUPTED
Corrupted plonge dans la fragmentation de l’identité, où le désir vire à l’autodestruction. Les guitares et la basse créent une boucle abrasive, tandis que la voix se perd dans plusieurs couches de modulaire. Le refrain surgit dans le vacarme des angoisses, comme un abandon, porté par une rythmique hypnotique et des voix hantées.

STAB ANOTHER BACK
Trahison et faux-semblants imprègnent ce morceau. Le rythme lancinant avec les guitares créent un climat tendu. Les voix distantes et trafiquées s’entrelacent dans une sorte de froideur. Le final résonne comme un ultime sursaut face à une issue certaine.

HERE/AFTER
Titre éponyme et dernier morceau de l’album, Here/After interroge sur ce qui subsiste quand tout s’écroule. La survie y est une révolte, loin de tout triomphe. Les guitares, enivrantes, cherchent une vérité fragile et la voix avance sans certitude, juste avec ce qui reste. Le refrain, saturé d’intensité, accumule les couches sonores jusqu’à la déflagration finale, comme une fin qui ne résout rien.

Photos : Elliot Broué

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