Avant-première – Lùlù, une grande famille dans un joyeux bazar

Avant-première – Lùlù, une grande famille dans un joyeux bazar

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INFOS
LÙLÙ
Nouvel album disponible le 6 juin 2025
chez Howlin’Banana,
Taken by Surprise, et Dangerhouse Skylab
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CONCERTS
13.06 – LYON
14.06 – MARSEILLE
24.06 – MONTBRUN
25.06 – BILBAO (ES)
26.06 – GETARIA (ES)
27.06 – BORDEAUX
28.06 – TOULOUSE
05.09 – PARIS
06.09 – SUMMER CAMP FEST (BE)
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INTERVIEW

A cent à l’heure, Lùlù déboule avec ses tubes power pop flamboyants. Fun, généreux et incroyablement touchant, son premier album est une pure merveille qui permet de supporter et, même, de combattre, l’ambiance délétère du moment. Fondé par Luc Simone (Avions, T-Shirt), le groupe réunit des musicien.ne.s au talent déjà largement reconnu et apprécié : Simon Perrin (Edgar Suit) et Théo Serre (Pogy et les Kefars, Kael et les Remords, Flathead) aux guitares, Fanny Bouland et Sabrina Duval (Decibelles, Irnini Mons), respectivement batteuse et bassiste, à la rythmique. Sentiment d’urgence, mélodies efficaces et souvent bouleversantes, mais aussi et surtout alchimie joyeuse créée par une vraie bande de potes, voilà le tiercé gagnant de Lùlù, que nous présentent avec conviction Luc, Théo et Simon par écrans interposés.

Vous êtes toutes et tous des muscien.ne.s expérimenté.e.s, vous avez eu ou avez encore des projets parallèles à Lùlù. Qu’est-ce qui vous a donc amené à former le groupe ?

Luc : J’avais composé les morceaux de mon côté, et je les ai fait écouter à Simon et Fanny qui m’ont proposé de les jouer avec moi. Puis Sabrina nous a rejoints à la basse. Je connaissais Théo depuis qu’il avait fait jouer mes anciens groupes à Marseille, et j’avais en tête depuis un moment de faire de la musique avec lui. Il a accepté, et tout le monde s’est rencontré à la première répétition.
Théo : Nous nous étions croisés une fois avant, à un concert de Pogy (Pogy et les Kéfars, groupe référence de Marseille, dans lequel joue Théo, nda).

Donc, c’est un projet qui vient de toi, Luc ? Tu es le principal compositeur ?

Luc : Oui, c’est ça. En fait, j’avais deux autres groupes, Avions et T-shirt, avec lesquels le rythme était un peu lent et laborieux. J’avais envie de faire quelque chose de plus simple et rapide. J’ai donc fait des démos tout seul et, après les avoir fait écouter aux autres, nous avons décidé de monter un groupe. L’idée, pour moi, c’était de faire les choses différemment : ne pas faire de guitare pour me concentrer exclusivement sur le chant, et jouer avec des gens avec lesquels je n’avais jamais joué.

Qu’est-ce qui vous réunit dans ce groupe et qui fait que celui-ci a de l’importance à vos yeux ?

Simon : Je pense que les intérêts ne sont pas forcément les mêmes pour tout le monde. Je sais que, pour ma part, c’est surtout parce que je trouvais que les chansons de Luc étaient hyper fun. Elles se situent dans un créneau musical dans lequel je baignais depuis très longtemps et j’étais très enthousiaste de les jouer. Pour Fanny et Sabrina, je sais qu’au début, elles trouvaient que ce que nous faisions ensemble était très ‘niché’ et ne s’éloignait que très peu des codes. C’était surtout pour les amis et la bonne vibe qui va avec qu’elles ont rejoint le groupe. Mais maintenant, tout le monde est là pour les mêmes raisons : l’amitié et la musique, ce qui est plutôt chouette.
Luc : Je suis d’accord. Dans les influences musicales qui nous ont rassemblés, je crois que nous étions tous chauds pour faire un groupe de power-pop et de punk-rock. En ce qui me concerne, ce qui m’a vraiment motivé, c’était de découvrir via Théo toute la scène Marseillaise autour de Pogy et les Kéfars, Kaelet les Remords, Flathead. Je ne me suis jamais trop reconnu dans – ou senti appartenir à – une scène avant, mais celle-là m’a vraiment enthousiasmé et m’a donné l’envie, musicalement, d’essayer de faire quelque chose qui se situerait dans son sillage. Et pour rebondir sur ce que disait Simon, c’est vrai que j’étais d’abord parti dans l’idée de faire de la power pop classique et, finalement, le résultat s’est avéré beaucoup plus varié que ce à quoi je m’attendais.
Simon : Je trouve que la présence de Fanny et Sabrina, justement, rajoute une teinte qui s’éloigne un peu des codes du genre musical choisi. C’est une belle plus-value d’avoir des gens venant d’autres horizons et qui peuvent dire : ‘c’est cool ce que l’on fait, mais quand même un peu chiant. Et si on essayait de le faire autrement ?‘.

Qu’ont-elles apporté de particulier à la rythmique, justement, qui permettait au groupe de sortir des sentiers trop balisés ?

Simon : Elles ont apporté une énorme stabilité technique qui fait que tout est beaucoup plus simple une fois que l’on n’a plus à se poser de question à ce sujet. Sabrina, pourtant, n’est pas bassiste de base, elle était guitariste dans Decibelles, et elle l’est toujours dans Irnini Mons et, maintenant, dans Satellite Jockey. Mais Fanny et Sab, ça fait plus de… 15-20 ans qu’elles jouent de la musique ensemble donc, musicalement, c’est presque comme si elles ne formaient qu’une seule et même personne parlant la même langue. Du coup, lorsque l’on travaille avec elles, ça va très vite, ce qui permet de passer tout de suite à la partie où on s’amuse sans avoir à trop s’embêter sur la partie ‘mise en place’.
Luc : Fanny a effectivement un jeu très stable, sans fioritures particulières, ce qui a permis de pousser très loin le groupe dans sa quête d’efficacité.

L’ensemble est effectivement solidement structuré mais, en même temps, il y a une énergie qui monte petit à petit sur chaque morceau donnant l’impression que vous cherchez à amener celui-ci sur une ligne de crête où de la fragilité peut apparaître, où vous assumerez de pouvoir aussi vous casser la gueule, ce qui ajoute de l’émotion. Vous sentez cela quand vous jouez ?

Théo : Je pense que ce sont les conditions de l’enregistrement qui ont imposé ça. Lorsque Luc nous a proposé le groupe, les morceaux étaient prêts pour la plupart et nous avons eu peu de temps pour répéter. Ce qui fait que nous nous sommes permis, non pas de faire des erreurs, mais de ne pas trop revenir sur ce que nous avions à proposer. Je sais que c’est une façon de jouer qui m’a un peu perturbé. C’est Simon qui a enregistré l’album et rapidement, il m’a dit que deux/trois prises suffisaient, et que si ça fonctionnait, ça fonctionnait, qu’il ne fallait pas trop se poser de questions. Peut-être que la sensation que tu décris vient de là.
Luc : C’est vrai que, vu les emplois du temps de chacun, il fallait aller très vite sur tout ce que l’on faisait. En répétition, l’idée était de faire deux, trois morceaux à chaque fois. Les deux derniers que nous avons enregistrés, Pugni in Tasca et et Sur la Corde, nous avons commencé à les répéter seulement deux jours avant. Donc il y avait l’idée que tout ce que l’on faisait ensemble devait être rapide et fun, et non pas relever d’un ouvrage laborieux. Je pense aussi que la sensation de fragilité dont tu parles est liée à cela. Quand je compose, je suis pourtant quelqu’un de très structuré, j’essaye de tout prévoir à l’avance, et je trouve ça cool que le produit final ne soit pas juste un assemblage technique de parties, et que tu t’y retrouves en termes d’émotion.
Simon : On l’a enregistré live, cet album. Donc, je pense aussi que l’impression d’urgence vient de là, surtout pour un titre comme sur Sur la Corde qui était, au moment où on l’a enregistré, le plus frais que l’on avait. Plus on avançait dans le morceau, plus on se tendait parce que chacun se disait : ‘Putain, on est arrivé jusque-là sans se gourer, il faut aller jusqu’au bout comme ça !‘. Donc, ça doit ajouter un peu à la dramaturgie du résultat.

On sent tout de suite le fun, mais aussi quelque chose d’essentiel, comme si vous étiez conduits par une éthique, laquelle se retrouve aussi dans les paroles. Parce que vous parlez beaucoup de fidélité, des liens d’amitié, de l’entraide, du dévouement. Il y a même dans Sonic Lyon, cette déclaration : ‘A la vie, à la mort, j’te laisse pas tomber‘ et, dans le contexte du morceau, on y croit complètement. Est-ce que vous voyez les choses de cette manière-là ?

Simon : Petite parenthèse pour dire que ça ne suffira pas pour sauver le Sonic, malheureusement.
Luc : J’espère que notre chanson pourra au moins contribuer à l’aider. On vient tous de l’underground, notre éducation musicale est liée au punk, lequel a souvent un rapport à l’éthique : tu te demandes où tu peux jouer, avec qui, etc. Et en ce qui nous concerne, nous nous reposons sur nos propres compétences pour faire le plus de choses nous-mêmes. Simon est technicien-son, je suis graphiste, Théo sait comment faire du booking, etc. Savoir faire quelque chose, ça sert à soi et aux autres. Nous ne sommes pas des ayatollah dans cette approche de l’éthique, mais je suis d’accord pour dire qu’il y a une forme de dévotion à travers la musique, qui concerne le lieu où tu vis et, de là, les personnes avec lesquelles tu vis. C’est ce qui m’a touché dans la musique de Théo, ce rapport de fidélité et d’amour à Marseille et aux groupes qu’il a fréquentés, mais qui n’est pas toujours très simple. Il s’agit d’une relation fusionnelle ou de tension avec la ville, et j’avais aussi le désir d’aborder cela dans ma musique. Le thème était d’abord inconscient, mais je me suis rendu compte assez rapidement en écrivant des chansons en français que je parlais tout le temps de cela.

Peux-tu décrire un peu plus ce rapport à la ville, à Lyon en ce qui te concerne ? Et même, plus largement, expliquer ton rapport aux lieux puisque dans l’album tu fais référence à beaucoup d’endroits et il semble que cela ait à voir avec le fait de fixer son identité. Dans Terres Basses, tu montres bien ton désir de fuir la campagne, tandis que dans d’autres chansons le rapport à la ville est plutôt un rapport d’épanouissement, en tout cas de recherche d’épanouissement.

Luc : Terres Basses parle de ma jeunesse, et de mon choix d’aller vers la ville. Et effectivement, je suis d’accord pour dire qu’il y a là un rapport à l’identité, au désir de se retrouver soi-même dans certains lieux. Je voyage beaucoup et à chaque fois que je rentre à Lyon, j’aime savoir qu’il y a des endroits qui ne bougent pas. Sonic Lyon parle de cela, de cette espèce de point d’ancrage qu’est le Sonic, pour moi. La ville, c’est surtout le changement incessant, mais il y a quand même des permanences, et celles-ci prennent aux tripes.

Quelle place le groupe a-t-il dans vos vies actuellement ? Quel temps lui consacrez-vous et quelle signification a-t-il pour vous ?

Simon : Pour ma part, je n’ai pas vraiment d’autres projets actifs musicalement parlant, mais j’avoue avoir une vie assez bordélique en ce moment, ce qui ne rend pas forcément les choses très fluides. Quant à Fanny et Sabrina, leur absence actuellement montre qu’elles sont quand même hyper busy et pas tout le temps disponibles. Théo, lui, est à Marseille. Tout cela explique que les emplois du temps sont hyper complexes à gérer. Luc s’investit beaucoup pour faire vivre la musique là où nous nous contentons plus de l’exécuter, ce qui, personnellement, me va très bien. J’adore les chansons que Luc amène, et c’est pareil avec ses visuels, que je trouve trop cool. Donc le groupe, pour moi, c’est un peu un win-win, et même si tout n’est pas parfait et qu’il y a toujours des ajustements à faire, je trouve que la vibe est quand même hyper cool et l’ambiance bienveillante. On arrive vite, ensemble, à des consensus et on sent bien le plaisir que chacun.e a à jouer. Je n’ai pas toujours eu des expériences très heureuses en participant à des groupes mais, là, avoir cette sensation de soutien collectif dès que quelqu’un fait quelque chose, pouvoir compter sur l’enthousiasme des autres, ça me rend trop heureux et, franchement, ça vaut le coup de sacrifier certaines choses pour ça. Mais ce n’est pas toujours simple. Fanny et Sabrina ont déjà été remplacées, Luc a déjà joué de la guitare à ma place, il n’y a que Théo, l’indestructible, qui est toujours là. Lùlù, c’est une espèce de grande famille recomposée qui essaie de trouver son mode de fonctionnement dans un joyeux bazar.
Théo : Effectivement, c’est Luc qui porte le groupe, mais il nous demande de prendre notre place, et c’est agréable de savoir que l’on n’est pas juste des exécutants.

Luc : Pour rejoindre ce que disait Simon, je n’ai pas eu, moi non plus, que des expériences de groupe satisfaisantes. Et ici, malgré les emplois du temps bordéliques de chacun.e, malgré les priorités qui ne sont pas toujours les mêmes au même moment, tout le monde pousse dans la même direction. Pour répondre plus précisément à la question de ce que j’investis dans le groupe, je dirais que je m’occupe de la composition, des visuels, et plus largement, de la gestion de la vie du groupe. Avec Théo, on se partage le booking. Et au-delà de ça, pour ce qui est de l’investissement émotionnel, il y a le désir de faire des choses avec mes potes, de partager de belles choses avec des gens que j’aime. Ce n’est pas une affaire d’ego. L’album est autobiographique, je chante en Français et tout le monde peut comprendre directement ce que je dis, mais pourtant, paradoxalement, j’ai cette impression de moins m’exposer. Le plaisir que j’en retire vient beaucoup plus des personnes avec lesquelles je joue que de ma démarche en tant qu’auteur.

C’est difficile, justement, de centrer les paroles sur sa propre vie sans susciter chez les autres l’impression d’être exclu ? Comment, dans l’écriture, fait-on pour parler aux autres tout en parlant de soi ?

Luc : C’est une question que je me pose souvent. J’ai toujours à l’esprit cette idée d’équilibrer l’universel et le particulier. Souvent, je suis tenté d’inclure des références très précises, mais je me retiens parce que je sais que seules 35 personnes à Lyon comprendront de quoi il s’agit. J’ai donc cette envie d’autobiographie dans les textes et en même temps celle de trouver un moyen pour faire en sorte que d’autres s’y reconnaissent. Bizarrement, cela n’a pas été très difficile avec Lùlù parce que j’ai mis en avant le rapport à la ville tout en ayant recours à la deuxième personne beaucoup plus souvent que dans tous mes autres groupes. Cela a rendu les choses très fluides et simples dès le début. Mais je dirais aussi que l’écriture de Théo a été un modèle pour moi et explique ma volonté de passer au français. Quand on le connaît – ou quand on ne le connaît pas d’ailleurs – on remarque dans ses chansons un propos très personnel, et en même temps des tournures de phrases très simples dans lesquelles n’importe qui peut se retrouver.

Pour en rester à l’écriture, dans quelle mesure Lùlù est-il ton alter-ego, Luc ?

Luc : Dans la mesure où je grossis certains traits, mais beaucoup moins qu’à une époque et dans d’autres groupes. Et comme il y a aussi la volonté de coller à des thèmes classiques de la power pop, comme la chanson sur le téléphone avec le titre Lùlù, cela rend la démarche moins personnelle. Il s’agit alors de respecter les clichés d’un genre tout en essayant de les mettre à l’épreuve. C’est la même chose avec Pugni in Tasca qui est une chanson de dur à cuire, ce qui ne me ressemble pas. Mais en même temps, dans ces deux titres, il y a aussi des éléments qui renvoient à la personne que je suis. Donc, oui, il y a une part de vrai dans cette idée d’alter ego, ce qui ne m’empêche pas d’essayer d’être le plus honnête et sincère possible.

Il y a trois titres en italien sur l’album, et deux d’entre eux traitent de thèmes plus intimes que ceux chantés en Français. Choisis-tu la langue dans laquelle tu chantes en fonction de ce que tu cherches à exprimer ?

Luc : Je pense qu’il y a une partie de ça, oui, clairement. L’idée de départ, c’était de ne pas recourir à l’anglais et d’opter pour le français. Mais comme ma mère est italienne et que je suis binational, je me suis dit que ce pourrait être également intéressant de chanter en italien. Et il se trouve, effectivement, que je me suis servi de cette langue pour faire des chansons parfois plus intimes et plus fragiles que celles composées en français. Pendant longtemps, ça n’a pas été important pour moi d’être binational, même si je suis toujours resté en contact avec ma famille italienne – plus qu’avec ma famille française d’ailleurs. Mais ces dernières années, ça a revêtu une signification particulière, je me suis rendu compte que mon identité est liée à un autre pays dans lequel je n’ai jamais vécu, mais auquel je suis attaché par l’imagination et le souvenir. Les trajets en voiture vers l’Italie ont aussi été très importants dans mon éducation musicale, parce que l’on s’y battait pour savoir qui mettrait la musique. Je confrontais alors mes goûts à ceux de mes parents, et tout finissait par se mélanger au bout d’un moment. Ça avait donc du sens d’intégrer des morceaux en italien dans un album ayant une valeur autobiographique. Mais j’ai aussi réfléchi en termes de musicalité : je trouvais que ça apportait clairement d’autres sonorités, d’autres émotions ou d’autres vibes, on va dire, à certains morceaux.

Le titre Ma Si, Ma Io semble révéler un désir d’imaginaire et peut-être même un désir d’absolu. Il y a ces passages où tu dis ‘Voglio sentire cosa dicono le nuvole‘ (‘je veux entendre ce que me disent les nuages‘) ou ‘Ma ormai ho occhi solo per le stelle‘ (‘Mais maintenant je n’ai d’yeux que pour les étoiles‘). Et cette aspiration à quelque chose de plus satisfaisant que le réel, on la retrouve aussi dans En Rêve. Tu te retrouves dans cette interprétation ?

Luc : Oui, complètement. Je dirais que c’est une tendance de mon écriture. J’aime bien marier des éléments très prosaïques avec d’autres qui le sont nettement moins et qui renvoient, oui, à un absolu, à quelque chose d’universel. J’ai un peu cette tendance dans ma vie, comme dans mon écriture effectivement, à m’orienter vers des idéaux.

Tu dirais que ça a à voir avec la spiritualité ? Un élan pour participer à quelque chose de plus grand que soi ?

Luc : Oui, dans ce sens-là complètement. C’est quelque chose qui s’est toujours retrouvé d’une manière ou d’une autre dans toutes mes chansons, partir de quelque chose de concret pour aboutir à quelque chose de plus vaste. Je me rappelle d’une chanson d’Avions parlant de la Suède et, en même temps, à partir de la Suède, envisageant un ailleurs, quelque chose de plus grand que soi.

Pour revenir à quelque chose de plus concret, où et comment avez-vous enregistré l’album ?

Simon : Nous l’avons enregistré dans le local de répétition, dans l’idée de faire ça d’une manière efficace avec un petit budget. Je suis technicien-son, mais plutôt de live. Le studio, ce n’est pas du tout mon corps de métier, mais vu qu’on a enregistré l’album en direct, ça s’est rapproché énormément de ce que je savais faire, à savoir des live-sessions. Nous étions tous dans la même pièce avec les amplis et, même si nous avons refait les voix après, Luc était avec nous pour faire les voix témoins sur les prises live. Tout s’est fait en très peu de temps, sauf les choeurs qui ont été étalés sur quelques semaines parce que c’était dur de réunir tout le monde. En tout cas, de ma maigre expérience, je crois que si je suis aussi content du résultat – qui n’est évidemment pas parfait – c’est que chacun.e est très bon.ne musicien.ne à la base. Cela nous a permis d’aller assez vite. J’ai remarqué que les techniciens-son, dont je fais partie, ont tendance à se dire : ‘waouh, quel mur du son, c’est incroyable le travail que je fais en tant que technicien !‘, alors que tout dépend de la maîtrise que les musiciens et les musiciennes ont de leurs instruments et de leur son. Il y a quand même plein d’erreurs qui ont été laissées sur le disque, mais juste parce que j’avoue être très content d’avoir un disque représentatif du niveau du groupe. Je me souviens qu’avec mon premier projet, lorsque j’étais ado, nous avions payé un mec super fort pour nous faire un CD qui sonnait hyper bien, alors qu’en tant que groupe nous étions nuls. Nous n’avions pas le dixième du talent que le disque faisait croire que l’on avait. Avec Lùlù, l’idée était de faire un disque qui représente bien le groupe avec ses forces et ses faiblesses. Il y a des choses fébriles, des erreurs, des mini-couacs, mais j’adore me rendre compte qu’on s’en fout, en fait. La contrainte principale, c’était le budget, mais je suis trop content de me dire qu’en ayant fait le disque entre nous, dans le local de répètes, avec ce que nous avions sous la main, avec le temps limité dont nous disposions, nous sommes arrivés à un résultat qui sonne bien et qui nous rappelle tous les bons moments que nous avons partagé en le faisant.

Qu’écoutiez-vous à l’époque de l’enregistrement de l’album ? Et de façon plus générale, quelles sont les influences qui ont façonné le son de Lùlù ?

Luc : J’ai déjà pas mal ciré les pompes de Théo, mais je vais en remettre une couche. J’ai beaucoup écouté Kael et les Remords et Pogy et les Képhars, deux de ses groupes qui m’ont influencé pour l’écriture, que ce soit celle des paroles ou celle de la musique. J’ai aussi écouté Sheer Mag, que j’adore et que je trouve unique dans son genre. De la soul également. Pendant la période de composition de l’album, la Motown m’a servi de référence pour viser l’essentiel d’une mélodie afin d’obtenir une efficacité maximale. Il y a une approche dans cette manière de faire de la soul qui est à la fois commerciale et spirituelle, ce que je trouve vraiment fascinant et assez bouleversant. Pas mal de hardcore aussi, des groupes comme Hoax, Chubby and the Gang, qui m’ont donné le désir de faire quelque chose d’assez transversal, touchant à plusieurs styles musicaux. Enfin, le rock scandinave, pour le côté mélancolique, que l’on retrouve chez Ebba Grön, KSMB, ou Masshysteri.
Simon : Je ne pourrais pas dire ce que j’ai écouté au moment de l’enregistrement, je vais juste faire une déclaration d’amour au rock scandinave de différentes époques, Masshysteri, Terrible Feelings ou Svartkat. A la base, je suis un ultra fan du high energy des années 2000, avec The Hellacopters, Gluecifer, ou Turbonegro, tous ces groupes avec des solos de guitare et des sons un peu gras. Les années 2010 se sont quand même globalement déroulées sans solo de guitare, et c’était très bien aussi, mais jouer dans Lùlù a quand même été, pour moi, l’occasion d’en refaire.
Théo : Je n’ai pas souvenir d’avoir écouté un groupe en particulier au moment de faire l’album, mais je me suis penché à nouveau sur Sheer Mag quand j’ai su qu’il me faudrait faire des riffs à la guitare pour Lùlù. Même si c’est un instrument que je pratique depuis un moment, je dois dire que je n’ai jamais eu l’occasion de le pratiquer comme je le fais dans le groupe. Ce qui m’a aidé pour adapter mon jeu, c’est moins l’écoute d’un groupe que les remarques de David Hoffman, l’un des trois guitaristes de Flathead, dans lequel je joue également. David est une sorte de monstre du rock, et je lui demandais des conseils en répétitions. Je lui ai même volé quelques plans.

Sur la Corde parle de cette difficulté d’être dans un groupe de rock. Qu’est-ce qui fait que l’on tient, envers et contre tout/tous?

Luc : Ce n’est pas une chanson sur Lùlù, Dieu merci ! Je pense que ce qui est primordial, c’est l’attachement aux personnes avec qui on joue, et l’effort pour entretenir la qualité de ce lien. Former un groupe après en avoir eu d’autres par le passé, ça a l’avantage de permettre une meilleure connaissance de soi-même et des gens avec lesquels on va jouer, ce qui garantit également un meilleur respect des dynamiques de chacun. Ce rapport aux autres, ainsi que prioriser le plaisir de faire de la musique, au-delà d’une quelconque forme de reconnaissance se traduisant soit par le fait de tourner souvent, soit d’avoir beaucoup d’articles, soit de se faire de l’argent – ce qui n’est possible que dans 0,04% des cas -, voilà les deux clés fondamentales de la survie d’un groupe. Ne surtout pas faire les choses par obligation. Cela n’empêche pas les questionnements. On se faisait d’ailleurs la réflexion, lors de la dernière tournée, que c’était quand même absurde de faire autant de route pour installer son matos dans un coin de bar où l’électricité repose sur une seule multiprise, jouer ensuite 35 minutes et repartir. Ça n’a vraiment aucun sens de faire tout ça, quand tu penses de manière rationnelle. Il faut bien qu’il y ait un sentiment de faire quelque chose de plus grand que soi, ou de le faire avec des gens que l’on aime, pour se donner la foi et ne plus penser en termes de logique ou d’économie.

Photos : Léa Boeglin, Non2Non


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