
18 Mai 21 La Jungle, toujours sur le fil du rasoir
On dit de deux musiciens qu’ils forment un duo plutôt qu’un groupe. Mais, dans le cas de La Jungle, ce serait trop vite oublier la capacité qu’ont Roxie et Jim de sonner comme quatre, au moins, dès lors qu’ils mettent leur machine en branle et que s’enchainent leurs accords, leurs riffs frénétiques, leurs rythmiques à couper le souffle, et leurs breaks à vider les pintes. Chez ces belges, math rock, noise, krautrock, transe et rock s’acoquinent subtilement depuis maintenant quatre albums, et font de chaque rendez vous live un souvenir impérissable.
Privé de son lieu de prédilection – la scène – depuis de trop longs mois maintenant, La Jungle a profité de cette pause forcée pour s’enfermer dans un véritable studio (une première depuis son premier disque éponyme) avec l’ami Hugo-Alexandre Pernot (ex Studios Davout) afin de s’atteler à Fall Off The Apex : son nouvel opus et certainement son meilleur tant toutes ses qualités s’étalent au fil de ces huit titres – cinq morceaux et trois interludes – aux humeurs changeantes, mais toujours sauvagement dansants malgré le constat récurrent du duo quant à la société à oeillères dans laquelle on vit. Car derrière sa bonne humeur et sa musique on ne peut plus fédératrice, La Jungle se plait à fustiger ce besoin qu’ont aujourd’hui les Hommes de vouloir toujours plus, quitte à écraser leur voisin. Fall Off The Apex cristallise ce point culminant que le monde aurait peut être franchi sans même s’en rendre compte. Le groupe s’explique, titre par titre.
ALUMINUM RIVER
Roxie : Souvent, ça ne marche pas et on fout tout à la poubelle. Mais parfois, ça marche quand même plutôt bien. Cette intro est de loin l’un des morceaux qu’on a composé le plus rapidement, au studio même, enregistré dans la foulée, et dont on est vraiment content. On l’a plié en 15 minutes. Si tu nous avais demandé de pondre une intro d’album une semaine avant le studio, on ne serait probablement pas arrivé à quelque chose de satisfaisant. C’est un des titres de l’album qui suscite peut-être le plus d’imaginaire aussi. Les sonorités sont assez inhabituelles par rapport à nos disques précédents.
Jim : Oui, c’est chouette de pouvoir créer un nouveau morceau très spontanément. C’est libérateur, parce que ça fait des semaines que tu bosses uniquement les morceaux pour le studio. Du coup, ça sort très vite !
LE JOUR DU COBRA
Roxie : Le Jour du Cobra, c’est surtout un clip bien malade et un réalisateur follement motivé et animé par ce qu’on fait. Merci Fred !
Jim : Et en ce qui concerne la composition, je crois bien que c’est une des premières chansons composées pour cet opus. Elle était bien plus longue tout juste sortie de l’œuf. On a bien tranché dedans à la machette à force de la répéter.
DU SANG DU SINGE
Roxie : Du Sang du Singe compile pas mal ce qu’on fait avec le groupe depuis le début. C’est un morceau taillé pour le live et structuré en trois parties : rouleau compresseur, pont techno et à nouveau rouleau compresseur. Ça va être assez jouissif en concert, j’ai hâte !
Jim : On va encore bien se mettre sur le fil du rasoir en live avec le pont. On va bien rire, surtout Roxie, si on le joue trop rapidement. Ce qui est toujours le cas en concert.
HYPERITUAL
Roxie : Un vrai titre trance et techno. À l’inverse du précédent morceau, c’est justement le genre de composition qu’on ne jouait pas durant nos premières années de tournée. On était plus sur le rock. Depuis, c’est devenu un peu plus fou, surtout avec des clôtures de concert sur Hyperitual. Mathieu monte parfois sur l’ampli. Puis il s’envole.
Jim : En live, ce morceau, on peut le contenir, le faire varier et l’étirer aussi longtemps que le public le permet. J’ai l’impression qu’on le joue toujours différemment.
MARIMBA
Roxie : C’est le premier morceau qu’on a vraiment composé en se disant qu’il ne serait pas joué en live. Il est plus lent, plus défoncé aussi. Avec une rythmique et une basse aux sonorités clichées, entre l’arabisant et le reggae. C’est tellement pas notre truc que la batterie était complètement à côté quand on a reçu les premières versions . Notre Hugo, qui a enregistré l’album, a bossé à mort dessus pour que ça joue ensemble.
Jim : Oui, on l’a plus bossé en studio pour faire naître des sonorités différentes. C’est la petite pause sur le disque.
FEU DE L’HOMME
Roxie : C’est le morceau sur lequel j’ai eu le plus de retours positifs pour l’instant. C’est assez touchant dans la mesure où c’est une des compositions les plus abouties à la batterie avec La Jungle. Il m’a fallu beaucoup de tournées avec ce groupe pour arriver à tenir un rythme comme ça sur un morceau entier. C’est ma piste préférée de l’album. La moins accessible aussi.
Jim : Et sur laquelle Simone – d’Hyperculte, Massicot, Tout Bleu,… et dieu sait combien d’autres projets – a gentiment accepté de poser sa voix. J’aime ça, ce genre de rencontres qui aboutissent à des projets communs. Comme ce split avec eux sorti en Juin dernier.
INTERLOUD
Jim : Deux notes. Pif paf poum hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!
Roxie : Sale ambiance bien ténébreuse et tribale. Notre ami Hugo y est pour beaucoup. Il a d’ailleurs apporté plein d’autres belles couleurs à cet album. On essaye d’accorder tout autant de soin aux interludes dont sont parsemés nos disques qu’aux morceaux plus classiques. Ce sont des moments importants, des respirations. Des envies aussi de se pencher sur des titres plus éphémères et moins composés.
THE END THE SCORE
Roxie : Pour la clôture, on voulait plancher sur un morceau au long cours. ‘Il fera un truc comme 15 minutes. Pour une fois, on va prendre le temps et dérouler les choses lentement. Pousser la répétition à son paroxysme’. C’est un peu ce qu’on s’est dit. On voudrait vraiment le jouer en live aussi, quand le contexte s’y prêtera. C’est clairement le morceau à écouter au volant ou en courant. Cette fin d’album me plait aussi beaucoup parce qu’elle est clairement dramatique. The End The Score sonne bien moins comme une fête que comme une interminable chute.
Jim : On a voulu la faire en trois volets. Trois chapitres d’un même bouquin. Pour arriver à une déformation totale des boucles sur la dernière section. Ça a été composé comme une Jam. D’une traite. Je me souviens avoir dû la réécouter pour bien me remémorer le traficotage des boucles avant la dernière partie. Heureusement, j’avais enregistré la répétition sur mon téléphone.
Photos : Romuald Strzelczyk, Fred Labeye
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