17 Mai 21 Johnny Mafia, le Sens du tube
Passé en un rien de temps du sympathique groupe de potes à fer de lance du punk-garage hexagonal, Johnny Mafia a signé deux albums témoins d’une puissante ascension vers les sommets du tube, et donné près de 300 concerts qui ont, un à un, contribué à une implacable réputation scénique. Alors qu’il vient de rejoindre les rangs de plus en plus prestigieux du label Howlin Banana, le gang de Sens s’apprête à sortir Sentimental, un troisième long format qui, avec ses influences plus ouvertement pop, confirme une nouvelle fois haut la main son insolente facilité à composer des hits débordant d’énergie, affublés de mélodies à siffler sous la douche. A quelques jours de sa sortie, on s’est connecté en visio avec le clan, aussi spontané dans ses réponses que dans sa musique.
Beaucoup de groupes ont profité de cette pandémie pour prendre le temps de peaufiner leur prochain album. Vous concernant, Sentimental a apparemment été composé sur une période bien plus resserrée que d’habitude. Qu’est-ce que vous avez foutu de vos confinements alors ?
En fait, on a composé deux bons tiers de Sentimental pendant le premier confinement. Le reste l’avait été avant, puis on a enregistré durant l’été 2020. Du coup, les autres confinements n’ont servi à rien. Mais au final, on a quand même eu beaucoup plus de temps que pour les précédents albums, donc c’est cool.
En général, un groupe surprend avec un premier album, confirme avec un second, et assoit définitivement sa notoriété et son talent (ou pas) avec un troisième. Comment avez-vous abordé Sentimental pour faire en sorte de renforcer ce constat récurrent ?
Déjà, on n’avait pas pensé à ça (rires). On est d’accord avec ce constat jusqu’au deuxième album qui doit être bien fait parce que t’es attendu. Pour plein de raisons, on avait un peu la pression au moment de Princes de l’Amour parce que les gens n’avait qu’un seul repère pour le comparer. Pour celui là, on n’a pas du tout pensé à tout ça. Par contre, on s’est dit que, cette fois vraiment, les compositions étaient meilleures que celles des deux autres albums. Du coup, on était vraiment content de les enregistrer. On écoute beaucoup plus Sentimental que les autres qu’on n’a quasiment plus écouté après les avoir enregistrés. D’habitude, on fait plein de concerts aussi, mais c’est vrai que c’est quand même la première fois qu’on est satisfait à ce point.
Jim Diamond s’était chargé de la production de Princes de l’Amour. Cette fois, vous êtes revenus au cru local avec Kris Banel. Pourquoi ce choix ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler avec lui ? Une meilleure communication avec quelqu’un de plus proche et accessible ?
Il y a de ça mais, surtout, on avait déjà enregistré quelques morceaux avec lui donc on avait aucun doute que la communication allait fonctionner. On commence à bien le connaitre. Et il parle français.
Avec le recul, c’est ce qui vous a gêné pendant l’enregistrement de Princes de l’Amour ?
Quand tu arrives à l’étape du mix, tu ne peux pas être aussi précis dans tes propos et tes attentes avec un anglais qu’avec un français. On arrivait à s’exprimer mais pour les trucs qui sont déjà compliqués à dire en français, c’était compromis. On avait aussi moins de temps pour Princes de l’Amour qu’on en a eu pour celui-là. Du coup, on n’était pas présent durant le mix. Là, le fait d’avoir été aux côtés de Kris à cette étape, ça a quand même changé beaucoup de trucs. Puis on a choisi d’aller au studio Warmaudio parce qu’on y était déjà allé. Tout s’est bien ficelé : on a pu avoir 15 jours, bosser avec lui, dormir là-bas, se faire des barbecues le soir, etc… C’était nickel !
Lors de notre dernière interview il y a deux ans, vous exprimiez une volonté de vous produire vous-mêmes. Qu’est-ce qui vous a manqué pour tenter le coup sur Sentimental ?
A la base, on devait faire ça durant tout l’été à Sens, au Garage, mais le studio était fermé, et on s’est un peu retrouvé comme des cons. Du coup, on a contacté Kris en se disant que c’était cool d’avoir une oreille extérieure et que, chez lui, on allait être à l’aise pour faire ce qu’on voulait. Et puis il avait manifesté son souhait qu’on enregistre chez lui, donc ça nous a donné encore plus envie.
Le quatrième album sera donc autoproduit ?
Peut être, peut être pas… Pourquoi pas se faire la main sur un Ep, mais on a moins cette envie qu’avant.
L’autre nouveauté, c’est d’avoir rejoint Howlin Banana après avoir tenté l’expérience anglo-américaine proposée par Dirty Water Records. Question de proximité également ?
Oui, pour le coup ça a joué. Avec Dirty Water, et avant le Brexit, c’était déjà compliqué d’avoir des disques au merch. La communication était difficile aussi. Ce n’était même pas une question de barrière de la langue ou quoi… D’une manière générale, ils n’étaient pas hyper réactifs à nos messages. Maintenant, on est chez Howlin Banana. On connaissait déjà Tom avant. Tout comme avec Kris, on était quasi sûrs que ça se passerait bien. C’est un bon choix, on est content.
La collaboration Johnny Mafia et Howlin Banana semble d’ailleurs totalement logique tant l’un comme l’autre montez en flèche, en attendant un petit déclic qui fasse passer définitivement un cap. Le voyez-vous comme ça également ? Quels ont été les arguments du label pour vous convaincre, d’autant qu’il ne devait pas être le seul à toquer à votre porte ?
Bah si déjà. C’est le principal argument (rires). Déjà, à l’époque du deuxième album, il commençait à s’intéresser à nous. Ensuite, on est resté en contact tout le temps, donc ça s’est fait très naturellement. Ça n’a pas été une décision prise sur un coup de tête. Il est passé nous voir à un concert et on a discuté. Fred, notre manager, nous avait prévenus qu’il viendrait, donc on a parlé de tout ça. C’était la seule option qu’on avait, mais on était très content. Ca s’est fait simplement, on ne s’est pas demandé ce que ça pourrait nous apporter ou pas. Le but, c’est que ça fonctionne bien. Et si ça peut faire une alchimie géniale, alors c’est cool.
Ca a bougé du côté tourneur aussi non ?
Exact. On était chez PyrProd et on est passé chez 3C. Ca va nous permettre de jouer au moins autant, de jouer plus loin. Ca va aussi permettre à tout le monde de garder le statut intermittent parce qu’on était juste à ce niveau là. Après, oui, ça va nous offrir des opportunités de jouer à l’étranger. Je pense que 3C va pouvoir bien nous aider là dessus. On tient aussi à faire des concerts différents. Ne pas faire que des salles, ou que des festivals. On veut varier les plaisirs.
Du coup, une tournée se dessine pour la reprise ?
Y a des croquis, on va dire ! (rires). Comme tout le monde, on marche sur des oeufs. On verra à l’automne, dans le meilleur des cas. Sinon ce sera début 2022. On attend. En tous les cas, ça ne change rien pour les salles que l’album sorte maintenant ou plus tard. De toute façon, ça va être le grand embouteillage ! On fait un peu plus attention pour la release party qui est prévue en octobre à Paris, à Petit Bain, et qu’on fera peut être un peu plus tard. On est en train d’en discuter. Pour le coup, ça marquerait peut être un peu plus le vrai début des concerts. D’ici là, on fera des posts de merde sur Facebook et Instagram. On postera des belles photos et ça fera le taf. Les gens, ils s’en foutent du reste de toute façon (rires).
Vos débuts étaient marqués par l’ombre de Thee Oh Sees et Ty Segall, sûrement du fait d’une production plus garage lo-fi, qu’aujourd’hui. C’est une affiliation – facile, admettons le – qui vous a gonflé à l’époque ?
Non, c’est normal. Il fallait bien que les gens trouvent des points de comparaison de toute façon, mais on s’en fout un peu. On n’était pas forcément d’accord mais bon… Lors d’un premier live report, un mec nous avait comparés à AC/DC : on était encore moins emballés (rires). Si on devait vraiment être référencé, on citerait plutôt les Pixies qu’on a toujours tous beaucoup aimé.
A chaque album, on est véritablement surpris par l’aisance que vous avez à composer des tubes. Princes de l’Amour en était blindé du début à la fin, et vous rééditez cette performance avec Sentimental. Comment se fabriquent les hymnes du côté de Sens ?
C’est la phrase qu’on aurait du mettre sur le vinyle ça, mais on n’a pas laissé la place, merde ! (rires) Ca vient en grande partie de Théo, pour la composition mais aussi pour les mélodies de chant qui sont de plus en plus abouties. D’ailleurs, c’est peut être aussi ce qui amène ce côté un peu plus pop dont on parlait. Le tube, c’est notre culture à Sens ! On a été élevé au punk tubesque. On a jamais essayé de s’imposer un style, de se donner une ligne directrice précise. Notre seul but, c’est d’avoir une chanson qui fonctionne du début à la fin, sans moment relou. On a toujours cet objectif là. On se fout des styles. On pourrait très bien faire un morceau post punk : s’il s’inscrit purement dans le style, c’est super, mais si ce n’est pas un tube, c’est de la merde ! (rires) Certains morceaux viennent en une répétition et, pour d’autres, on va se faire chier pendant des semaines… Une fois, on était à un concert avec le guitariste de Frustration. On était devant la scène en train de regarder un groupe, c’était pas mal, on aimait bien. Lui était un peu plus réservé. Il nous a dit : ‘tu chanterais ça sous la douche, toi ?’… Il y a un peu de ça chez nous, on préfère quand il y a des mélodies qui t’accrochent.
Du coup, ça nécessite chez vous de beaucoup composer en amont des albums pour sélectionner les meilleurs titres ?
Non, on avait 13 titres, on les a tous enregistrés. Si on galère pendant des semaines sur un morceau, que rien en ressort, on le laisse tomber. Au début du groupe, on ne procédait pas comme ça. On composait beaucoup plus vite, on les jouait en concert et la sélection se faisait à l’usure du live.
Est-ce que vous avez quand même eu l’occasion de tester certains de ces nouveaux morceaux en concert, ou pas du tout ?
Vite fait… On a juste fait un concert chez notre ancien batteur pour la fête de la musique. Aussi, avant d’enregistrer tous les morceaux, on les a quand même tous joués devant nos potes. Ca nous a bien plu donc on a hâte de les jouer.
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