Volin, subtil et sans complexe

Volin, subtil et sans complexe

Qui aurait pu prédire que cela évoluerait si vite et si bien ? Avec la mise en avant d’artistes aventureux comme Flavien Berger, Bertrand Belin ou Odezenne, la scène francophone a dévoilé ces dernières années un nouveau visage irradiant de beauté, de subtilité et de magie. Et si cette scène s’est à ce point décomplexée, c’est aussi à mettre sur le compte de jeunes groupes frondeurs qui se trouvent aux quatre coins du territoire. Les montpelliérains de Volin font indéniablement partie de cette révolution depuis longtemps, et s’apprêtent d’ailleurs à dévoiler leur second album intitulé Cimes : un disque vertigineux de part sa virtuosité, son sens aigu de la pop aventureuse, où se mêlent l’intime et la poésie, la douceur et la légèreté. C’est dans un chalet des Pyrénées que le groupe s’est enfermé, comme pour mieux prendre de la hauteur, remettre en question et épurer sa musique, et entamer ainsi inconsciemment un chemin vers l’intemporalité. Entretien.

Que s’est-il passé depuis la sortie de votre premier album en 2017 ?

Colin (chant/guitare) : On a fait quelques dates, dont des premières parties dans de belles salles comme la Cigale à Paris ou encore le Bikini à Toulouse. Après, on aurait voulu en faire beaucoup plus, mais c’est toujours difficile quand tu n’as pas de tourneur pour t’épauler. Au final, on s’est surtout remis très rapidement à la composition de nouvelles idées, en organisant pas mal de sessions dans les Pyrénées notamment, car la famille de Maxime possède un chalet là bas. C’est là qu’est né et a été enregistré notre nouvel album Cimes.
Maxime (batterie) : Changement notable aussi, c’est qu’Upton Park, qui était simplement éditeur sur notre précédent disque, est devenu notre label à part entière. On a vraiment construit quelque chose avec eux. Ils ont écouté les première démos de Cimes et ont de suite souhaité nous accompagner dans le projet, c’était cool.
Romain (basse/claviers) : Et puis la dernière chose, et pas la moindre, c’est que nous sommes désormais quatre et non plus trois dans le groupe, grâce à l’arrivée de Gilles qui est devenu notre deuxième guitariste.

En quoi l’enregistrement de ce nouvel album a t-il été différent du précédent ?

Colin : Je dirais que, pour ce disque, j’ai beaucoup plus travaillé seul en amont, et que je me suis plus concentré sur le texte. Par conséquent, j’ai peut-être aussi mis un peu plus la main sur les arrangements. Après, plus globalement, je crois qu’on a cherché tous ensemble à faire quelque chose de plus épuré, de plus minimaliste, pour que justement la musique se mette vraiment au service de la voix et du texte.
Maxime : Gilles est d’ailleurs arrivé en plein milieu de ce processus là. Des morceaux avaient déjà été enregistrés sans lui, mais il a su se faire une place dessus, et il nous a surtout aidé à débloquer d’autres compositions.
Colin : C’est sûr que son arrivée a été un plus. La formule trio fonctionne très bien en live, mais sur disque, ça montre rapidement ses limites. Sa présence a apporté un réalisme entre les versions qu’on jouait en répétition, et celles qu’on retrouve finalement sur l’album. Et dans les phases de création, il y avait une certaine forme d’immédiateté aussi qui était très agréable.

Volcan, votre premier album, avait une ambiance plutôt sombre. Cimes semble plus léger, plus apaisé, comme une forme d’éclaircie. Je me trompe ?

Non c’est vrai, c’était une réelle volonté artistique d’emmener un peu de lumière dans tout ça.
Romain : On a jamais réellement mis de mots là dessus, mais avec du recul, c’est vrai que Volcan pouvait paraître un peu dur, voire parfois austère. C’est de là qu’est probablement née l’envie de faire quelque chose de plus aéré et de plus concis, c’est sûr.

Après, je trouve que Cimes cache plutôt bien son jeu, car depuis tout à l’heure on parle de légèreté, mais à la première écoute, je ne le trouve pas si immédiat que ça. Il y a quand même une certaine complexité dans ce disque.

Colin : Je vois ce que tu veux dire… En ce sens, c’est vrai que Volcan était peut-être un album plus franc et immédiat.
Maxime : Le problème, qui n’en est pas véritablement un, est que nous avons toujours eu beaucoup d’influences au sein du groupe, et Volcan est un peu comme un voyage à travers toutes ces influences. Il compile tout ce qu’on aime, mais semble dépareillé à posteriori. Je crois qu’inconsciemment, nous avons essayé de niveler tout ça sur Cimes, et de faire en sorte que ce nouvel album soit plus homogène, même s’il comporte certaines complexités.
Colin : Tout ça le rend peut-être plus mûr au final, c’est possible.

Le premier album s’appelait Volcan, le deuxième s’intitule Cimes. Il y a un délire autour de la nature et de la Terre de manière plus générale, ou c’est une simple coïncidence ?

Romain : C’est vrai qu’on est vachement dans le minéral là (rires)
Colin : Non, plus sérieusement, il n’y a aucun rapport entre les deux, ça n’a pas été fait exprès. Volcan était le titre d’un des morceaux du disque, c’était un peu la pièce centrale de l’album. Quant à Cimes, le nom représente surtout cette idée de hauteur, de quelque chose d’aérien, et l’avoir composé dans un chalet des Pyrénées n’y est sans doute pas étranger.

Depuis vos débuts, vous portez fièrement la langue française dans vos compositions, et on sent que ton écriture, Colin, s’est encore affinée. Qu’est-ce que le français apporte aux mélodies et à vos morceaux d’après vous ?

Personnellement, j’ai beaucoup simplifié mes textes pour cet album, et j’ai surtout eu envie de chanter dans des tonalités plus graves, de faire en sorte que les mots soient plus importants que la mélodie en fait, que le tout soit moins lyrique.
Romain : Nous, de notre côté, on a accompagné cette démarche. Le but était vraiment de laisser le plus de place aux mots et à la voix, et comme Colin avait cette envie de chanter dans des tonalités plus graves, ça a forcément changé nos intentions et notre manière de jouer. On a tenté plein d’autres possibilités du coup. Ca a été une super expérience de devoir se mettre au diapason et de chercher comment poser le truc sans prendre le dessus.

J’ai énormément pensé aux derniers albums de Bertrand Belin en écoutant Cimes. Quel regard portez-vous sur la scène française aujourd’hui ? Il y a quelque chose qui s’est débloqué dans le paysage musical et parmi les artistes francophones ces dernières années, vous ne trouvez pas ?

Colin : Il a toujours existé une scène de la chanson française, c’est une tradition dans ce pays. Mais c’est vrai qu’il y a quelque chose qui s’est décomplexé depuis quelques années, on le voit grâce à de nombreux artistes comme Bertrand Belin que tu citais et dont on est fans, mais aussi avec Flavien Berger, ou des groupes comme Feu! Chatterton, Odezenne, Grand Blanc ou encore Fauve à une période.
Maxime : Et puis ces derniers temps, on a participé à des scènes et des festivals où on a vu naitre des flopées de jeunes groupes qui nous confortaient dans l’idée que tout ça était en train d’évoluer.
Romain : A l’époque, quand on nous posait ce genre de question, on citait des noms évidents comme Bashung ou encore Gainsbourg, qui restent des références intemporelles. Aujourd’hui, c’est vrai qu’on peut en citer beaucoup plus, et notamment des noms plus actuels.
Colin : Pour moi, la plus grosse révolution de ces dernières années a eu lieu dans le rap. Quand tu écoutes comme il se fait aujourd’hui, il est devenu beaucoup plus mélodique. Les artistes rap ont aussi aidé à décomplexer tout ça de manière hallucinante, et il faut s’en inspirer je crois.

Photos : Tanguy Soulairol

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