22 Avr 22 Dewaere nargue l’Angleterre jusque par dessus sa Manche
Formé en 2017, Dewaere n’a pas tardé à se faire un nom. Un an à peine, le temps de sortir un premier album qui n’a pas manquer de laisser des traces indélébiles et faire de ce groupe de Saint Brieuc un des plus éminents représentants de la scène noise-rock française. Il faut dire que le quatuor ne manque pas d’atouts, et peut notamment s’appuyer sur le chant habité de Maxwell Farrington incarnant pour beaucoup la singularité du collectif briochin. Fort de sa maitrise, il n’y avait donc aucune raison pour que Dewaere dévie de sa trajectoire. Au mieux, il allait l’affiner. Ce qu’il a fait brillamment en se jetant dans la composition de ce What Is Pop Music Anyway?, à la force mélodique délibérément décuplée. Plus canalisé, moins sauvage, plus théâtral, plus libre (dans ses arrangements surtout), et définitivement plus tubesque encore, Dewaere signe onze titres bâtis sur la notion de contraste, et autant de hits à faire pâlir cette Angleterre qui lui fait face.
MY SHANGRI-LAAA
Ce titre est un peu celui qui fait la liaison entre Slot Logic et ce What Is Pop Music Anyway?. C’est pour cette raison que nous l’avons choisi pour ouvrir cet album. On a cette partie de batterie assez extrême jouée par Franck, très frontale, brute qui laisse ensuite la place à un lead de guitare qui condense un peu tout ce qu’on a voulu dire sur ce second disque. C’est une mélodie étrange, un peu en mode dérapage incontrôlé, slidée, bendée, mais c’est une vraie mélodie pop malgré tout. C’est un peu ça cet album, la pop music version Dewaere, délavée au vinaigre. Le refrain qui arrive ensuite ramène le morceau vers une évidence harmonique ultra pop et c’est aussi ça ce What Is Pop Music Anyway?. Au final, c’est un peu comme une déclaration d’intention quand on y réfléchit.
CLINK AND CLUSTER
Selon Maxwell, ce track ‘évoque la violence dans les sports compétitifs et explore un monde sans oiseaux’. Il a une écriture automatique, assez basée sur les associations d’idées ou plus précisément les associations de sensations, d’ambiances, de sentiments. Cela aboutit à des textes très étranges, efficaces et malgré tout un peu extra-terrestres comme celui-ci. Côté musique, lors de la composition, on avait envie d’un titre calibré pour rouler des bras à la façon d’un espèce de pogo bizarre un peu agressif et chorégraphié, mais très dansant. On a essayé de pousser le titre assez loin vers ce côté danse avec l’ajout de percussions synthétiques de TR-808 et le fait de garder l’esprit rock un peu kraut de la rythmique et le noise des guitares pour conserver l’ambiance ‘baston de danse’.
VOILÀ NOW YOU’RE OLD
Alors que la beauté de la nature est totalement absente du titre précédent, ici on ouvre le titre avec des sifflements d’oiseaux pour poser une sorte d’ambiance un peu désuète, lumineuse, comme lorsqu’on arrive dans un pays lointain au petit matin à la descente de l’avion dans la lumière d’un soleil pâle. On est un peu sonnés, et on se réveille au fur et à mesure d’un morceau très évolutif. Le texte évoque la vanité face à la mort, comme une montée vers la lumière qui se brise quand le déluge des guitares entre en collision avec les superbes arrangements de cordes écrits par Christophe Vaillant (Le SuperHomard). Lorsque s’achève le titre, la plénitude du début a laissé la place au chaos bruitiste.
THE PRETTY ONE
Typique de ce qu’on voulait pour ce disque, ce morceau est un voyage constitué d’allers-retours entre deux mondes : un pays pop aux couleurs vives et à la douceur mélodique incarnée par la mélodie de Maxwell, et un pays très sombre plongé dans une tempête d’acide et d’acier noyé sous une pluie de guitares noise. On a adoré jouer sur ce contraste pendant la composition, entre ce brûlant à l’extrême et les harmonies très pop du refrain façon Beatles digérés par le rock des 90’s.
MAKE IT IN THE MORNING (SHAKE IT IN THE NIGHT!)
Le texte de ce morceau extrapole la vie de Horatio Hornblower, le héros de la saga littéraire maritime du même nom. Ici, on imagine qu’il a quitté son navire L’Infatigable pour devenir vendeur d’huîtres au marché (Maxwell et Marc, le bassiste, adorent les huîtres…). On aime bien le côté hyper nerveux de la partie de batterie du couplet façon Strokes sous amphèts, et la voix de Maxwell évoque à la perfection le destin tourmenté de ce héros des mers à la vie chaotique. Ici encore, la mélodie pop est malmenée par un océan de guitares saturées, et menacée de sombrer à chaque instant.
SATELLITE
C’est un morceau pour lequel nous avons composé de nombreuses versions ! Il est fait d’une harmonie d’accords et d’une mélodie de voix très très très pop, comme les hits qu’on adore. Le problème avec ce genre de chansons, c’est que si on se cantonne à le jouer en mode rock (ou pire punk), ça devient très vite très nul et le morceau est perdu à tout jamais. On a donc choisi de faire un pas de côté et de se laisser guider par l’évidence. On a jeté toutes les prises studio, sauf la ligne de guitare noise de Julien qui, une fois ralentie, sonne bien lo-fi… Autour, en post-production, on a réécrit tous les arrangements sans se demander si c’était assez noise pour nous, ou ce qu’on était supposés faire en tant que ‘groupe de rock’. C’est le morceau qui a décidé ça pour nous. Sur ce titre, on est un groupe de pop. C’est tout.
BRICKS
Le cri du départ est tiré d’un enregistrement des toutes premières répétitions de composition de ce deuxième disque. C’est le seul titre sur lequel Maxwell a intégré quelques bribes de texte en français ! C’est un titre assez simple mené de bout en bout par une tension assez binaire entre des couplets à la limite d’un Franz Ferdinand qui aurait signé chez Amphetamine Reptile, et des refrains à la rythmique totalement grunge. Maxwell alterne un chant presque parlé, et explose quand il évoque le destin imaginaire d’un Jon Snow (Game Of Thrones) élu maire d’une ville fictive au milieu d’un conseil municipal en furie…
TAIWAN, IRELAND & JAPAN
C’est un titre que nous jouons depuis longtemps et qu’on adore interpréter en live. On y retrouve toute l’énergie de Slot Logic, et une sorte d’héroïsme un peu dingo sur les harmonies du refrain. Il est hyper brut, hyper simple et direct. Le break instrumental est une sorte de toboggan multicolore géant qui nous fait prendre de la vitesse pour arriver sur le dernier refrain en mode turbo! On y évoque le destin d’un couple vivant en Espagne qui écume les vide-greniers à la recherche d’objets rares et précieux…
REPLAY
Le temps. La naissance. La mort. Replay, c’est un condensé de tout ça et on y parle de nos vies choquées par le temps qui passe, alternant phases de bonheur et descentes infernales. Il y a ce petit gimmick black metal de guitare sur les couplets qui évoque la part sombre de nos destins, et les explosions des refrains surgissent comme autant de moments de joie. Maxwell y parle aussi de notre ville, Saint-Brieuc, qui est aussi à cette image : un peu à côté et pourtant attachante, parfois sombre et dure mais toujours pleine d’espoir.
BURNING DESIRE
Comme pour Taïwan, Ireland and Japan, c’est un titre qu’on joue sur scène depuis un moment. On adore son aspect bien timbré, limite bas du front comme le portier d’un pub fréquenté que par des mecs qui bossent dans le business de la sécurité. Ça sue, c’est pas très malin, mais ça fait tellement plaisir de les voir se taper dessus en fin de soirée. Y’a un côté ring de boxe en barbelés dans ce morceau qui explose en concert à chaque fois qu’on entame le refrain !
EVERYBODY WANTS ONE NOW
C’est vrai ça, tout le monde veut sa part du gâteau. Ici Maxwell a imaginé ‘l’enfant de Kurt Vonnegut et Joseph Heller essayant d’expliquer les différences entre une Ferrari et une érection’. Avoir l’une ou l’autre, et si possible l’une ET l’autre ! C’est un bon résumé des soi-disant buts que nous sommes supposés atteindre au cours de nos vies. Ici, on fait encore un pas de côté et on prend le sujet à l’envers en proposant un titre plutôt pop pour Dewaere mais toujours nerveux. On a poussé toute la seconde partie du morceau dans ses retranchements en jouant à fond la carte optimiste avec, en toile de fond, la sensation du Love Is All de Roger Glover sur la boucle finale, avant que le titre ne disparaisse dans l’océan, sur fond de Juno-60 à la Brian Eno joué par Maxwell et Julien en toute fin d’enregistrement. C’était la dernière prise réalisée, elle clôt l’album en mode ambient. What Is Pop Music Anyway? (Qu’est-ce que la musique pop après-tout ?)
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