
04 Avr 25 Basic Partner et les urgences du monde moderne
Depuis son premier Ep sorti en 2023, Basic Partner, tel un chien dans un jeu de quilles, chamboule progressivement la hiérarchie du rock indépendant hexagonal en jouant des coudes au sein d’une scène post punk noise pourtant bien représentée. Désormais bien calé entre ses voisins de Mad Foxes, les parisiens de Chest et les bordelais de W!zard, le quatuor joue d’atmosphères lynchiennes, d’influences pop cabossées empruntées à Shame et d’incursions électroniques, tout au long de New Decade, un premier album reflet d’un monde moderne qui ne sait plus choisir entre espoir et désillusion. Jusqu’à l’écoute de ses neufs titres – tous expliqués par le groupe ci-dessous – qui font clairement pencher la balance du côté d’un optimisme certain.
NEW DECADE
New Decade est un peu notre coup de cœur à tous les quatre. On a rapidement pris la décision de le sortir en premier single. Il y avait la volonté d’une tension continue dans ce morceau, relâchée par un refrain violent, clinique et court. C’est un peu comme la pulsation cardiaque d’un type sous perfusion. Les paroles font référence aux cycles répétitifs du fascisme qui mènent aux conflits armés, aux génocides… Et qu’à chaque fois, il faut continuer de lutter, ne pas se démotiver, car on n’a jamais le temps de s’attendrir. Il était logique de commencer l’album, tout comme la session KEXP, avec ce morceau, qui ouvre le bal dans une atmosphère à la David Lynch.
THEM
C’est notre petit hymne, composé à la base avec des ‘la la la’ sur les refrains. On l’a joué pour la première fois en Angleterre, en l’incrustant dans notre set afin de tester de nouveaux morceaux. Cette période était tellement forte qu’il a logiquement pris la place d’une ode vibrante aux potes et à toutes ces personnes autour de nous qui sont une force pour avancer. Le pont instrumental du morceau accentue cet effet, et le visualizer qui s’en est suivi a logiquement repris de nombreux moments de vie avec ces personnes-là.
MOTHER HAS NO TIME
Après l’avoir enregistré en maquette, on n’était pas vraiment convaincus par ce titre. On l’a beaucoup pimpé avant de recomposer toutes les lignes de voix pendant l’enregistrement, ce qui en a fait la belle surprise de l’album. C’est un hommage à la charge mentale des mères, une reconnaissance de tout ce qu’elles portent sans jamais se plaindre. C’est le morceau le plus proche de nos influences cold wave (notamment des groupes comme Baston). C’est aussi celui sur lequel on a le plus de séquences en live, ce qui le colore de manière singulière.
UNFINISHED
Dans la même idée que Mother Has No Time, c’était le titre le plus compliqué à construire et à imaginer sur l’album. On a pas mal retravaillé des parties pour en arriver à une version très courte de 2’30. Il est simple et efficace, et Christophe a bien customisé les voix pour en faire une version un peu surprenante. C’est un titre percutant et pessimiste dans ses paroles : faut-il renoncer à sa quête pour retrouver de l’espoir et éviter les frustrations ?
SHE CARES FOR ME
Il porte ce nom en hommage à My Baby Just Cares for Me de Nina Simone et est très inspiré des sonorités du premier album de Shame. C’est un peu comme un p’tit nuage qui s’extorpille (on en vient à inventer des mots), et le morceau le plus volatile de l’album. She Cares for Me s’adresse à toutes ces relations qui ne se finissent pas dans le regard de deux personnes. Cette idée que l’amour ne disparaît jamais et que les sentiments humains sont très complexes.
BUY & SELL
Pendant un moment, c’était le morceau qui nous divisait à quatre, entre frustration et adoration. C’est devenu le symbole du compromis dans Basic Partner. Mathieu a rajouté des sonorités très électroniques à la Chalk, et les refrains sont assez fédérateurs et plus classic rock. Aujourd’hui, c’est un morceau charnière dans le set, qui raconte l’histoire d’un type qui passe ses journées à acheter et revendre des objets pour se faire du bénéfice.
AS YOU WANT
Première composition de l’album, ça fait déjà un bout de temps qu’on le joue en live, et il se rapproche donc logiquement de l’esthétique du premier EP Insomnia’s Road. Assez psyché et avec des refrains en double voix bien catchy, on a pas mal galéré pour trouver son nom avant de se référer au refrain originel : ‘Ooh, as you want‘, devenu ‘Do what you want‘.
TRAPPED BOY
C’est le bébé d’Anton, ce morceau. De loin le plus pop, et qui fait un bien fou dans le set. Il raconte cette sensation d’être enfermé dans son milieu, bloqué dans ses actions à cause du confort et de la routine qui rongent les gens, ainsi que cette énergie étrange qui pousse les gens à se comparer, à se regarder. Il y a une petite pointe de fausseté dans les double voix qui nous plaisait bien, rapprochant les refrains du shoegaze. Pas mal de petits éléments percussifs font galoper les couplets, et les deux accords en contretemps rendent sautillant ce morceau à la base plutôt planant.
WASTING TIME
Le lien étroit avec le temps est régulièrement abordé dans nos morceaux, et celui-ci n’y échappe pas. La plupart des personnes autour de nous, et à raison, sont démoralisées par ce qu’il se passe dans le monde : perte de sens, réformes conservatrices, génocide à Gaza, fenêtre d’Overton qui s’élargit de plus en plus, éco-anxiété… Ce qui pousse les gens à la résignation. Ce morceau oscille entre fatalité et espoir, dans une ambiance noise et psyché. C’est le seul morceau où il y a un solo free de saxophone, et il est parfait pour terminer l’album. On sent l’influence de Slift avec ce pont et les riffs de guitare.
Photos : Marine Bouteiller
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