Aldous Harding, cette expérience mitigée…

Aldous Harding, cette expérience mitigée…

En mars, Aldous Harding était en France pour promouvoir son nouvel album Designer, donc pas si loin de son nouveau point d’attache puisqu’elle vient de s’installer à Cardiff au Pays de Galles. Présence tantôt magnétique, tantôt énigmatique, la néo-zélandaise n’aime pas beaucoup mettre de mots sur ses processus internes de création – des machinations qui s’avèrent de toute façon ineffables. Alors pourquoi tenter ? Réponse ci-dessous. Enfin, peut-être.

Comment est-ce que cet album est né ?

Aldous Harding : J’ai commencé à l’écrire alors que j’étais sur la route. J’ai écrit quatre chansons sur ma tournée de Party, puis trois chez ma mère, à Lyttelton en Nouvelle Zélande, et les deux dernières en studio à Bristol, toujours avec John Parish, ce qui semblait être une bonne idée à la base. Je me sentais prête à entrer en studio bien que je n’avais pas encore tout écrit. Je savais ce que je voulais faire, et souhaitais avancer rapidement.

Où vis-tu maintenant que tu as quitté la Nouvelle Zélande ?

A Cardiff, avec mon copain qui est du Pays de Galles. Récemment, j’ai quand même séjourné en Nouvelle Zélande assez longtemps, sans bouger. Mais les années précédentes, j’étais tout le temps sur la route. Maintenant que je suis ici, je ne pense pas retourner au pays de sitôt, ce qui n’est pas si grave.

J’ai l’impression que l’album touche à la thématique de la distance d’une façon assez tranquille. C’est notamment quelque chose que j’ai ressenti dans Zoo Eyes. D’où ma question : mais que faisais-tu donc à Dubai ?

On n’a pas arrêté de me poser cette question, et j’aurais vraiment dû m’y attendre [rire]. C’est juste une idée, une pensée, une question. Et donc là, tu poses une question sur une question. Si je demande ‘Why am I in Dubai?‘, c’est que je n’ai pas la réponse. En plus, je n’étais pas à Dubai, je n’y suis jamais allée. Ce n’est pas une chanson sur moi-même. J’ai essayé de créer une image qui rimait avec le terme ‘why’, qui est en soi une idée intéressante. Et c’est évidemment ce qui est au cœur de la composition de chansons. Je trouve que c’est néfaste quand les descriptions sont trop claires, quand on décrit les choses trop clairement. Parce que finalement, les gens s’interrogent sans cesse, puis quand ils ont la réponse, ils se rendent compte que, en réalité, ils ne voulaient pas savoir. Ils prennent, prennent, prennent, puis ils blâment l’artiste de leur en avoir donné trop.

Pour toi, cette forme d’expression s’associe à de la poésie ?

Oui, je suppose que c’est comme de la poésie. Ce n’est pas que je ne veux pas en discuter, c’est plutôt que je ne sais pas comment en parler pour rendre ce genre de discussion intéressante.

Je posais la question principalement parce qu’il m’est impossible de m’imaginer Aldous Harding à Dubai.

J’aimerais pourtant beaucoup jouer là-bas.

J’ai beaucoup aimé Damn. Ce morceau a quelque chose de résolument intemporel et universel, pourtant on a l’impression qu’il est sorti du passé. Peux-tu m’en dire plus quant à sa composition ?

Difficile d’en parler. Je pense que John pourrait en dire plus car il était témoin, mais pour moi… C’est un peu… Je peux dire quand une chanson est prête comme d’autre gens savent qu’ils ont faim, ou qu’ils ont chaud ou froid. C’est une intuition bien spécifique. Et cette chanson était la dernière que j’ai écrite dans le studio au piano. Je l’ai travaillée un soir, John était nerveux car il savait qu’il ne nous restait pas beaucoup de temps. Le lendemain, il m’a demandé si je l’avais finie et comment s’était passée ma nuit. J’ai dit ‘super‘. Je savais que je l’avais. Et on l’a enregistrée. D’une certaine façon, c’est un auto portrait. Je pense que je me suis sentie un peu intemporelle, j’avais le sentiment que cette perception de moi n’allait jamais se terminer.

Quelle est la différence entre Aldous Harding la show-woman et Aldous Harding la femme ?

Elles ne sont pas deux personnes différentes, mais des versions différentes d’une même personne. Quand je joue en live, j’ai en moi des sentiments beaucoup plus forts, mais ils sont toujours là, que ce soit en live ou dans la vie. Les artistes sont comme cela, ils sentent, ils vivent. [long silence] Je ne sais pas toujours quoi faire, mais il y a des parties de moi-même qui savent. J’en ai qui sont tendres, d’autres qui sont fortes, et je prends celles dont j’ai besoin en fonction des situations.

Qu’est-ce que ça te fait de vivre en Europe, à Cardiff ?

Pour être honnête, je suis très souvent dans ma bulle. Je ne fais pas attention à mon entourage. Jusqu’à maintenant, à Cardiff, je n’ai fait que travailler l’album. Je n’ai pas eu beaucoup de temps pour créer une relation avec le lieu. Il est très rare que je sois excessivement enthousiaste au sujet d’un lieu, à moins qu’il y ait des animaux [rires]. Je suis souvent dans ma bulle mais, dans un sens, je ne peux pas être tournée vers l’extérieur et être créative en même temps [silence]. Si j’avais plus à dire à ce sujet, j’en dirais plus. Malheureusement, je n’ai pas été beaucoup tournée vers la ville et la vie sociale ces derniers temps.

Je vois.

Jusqu’à cette question, j’ai quand même bien répondu, non ? [rires] J’espère que tout se passe bien [rires].

Non, cette interview est un désastre absolu [rires]. Tu reprends la route en mai, as-tu hâte ?

Oui et non. Comme tout ce qui est important dans la vie, c’est une expérience mitigée.

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