Les amis du label Hands In The Dark mettent la main sur sa discographie

Les amis du label Hands In The Dark mettent la main sur sa discographie

On n’en finit plus de fêter les anniversaires de nos meilleurs labels. Il faut croire que ces longs mois confinés ont ravivé l’envie de célébrer et de souffler des bougies. On n’ira pas s’en plaindre ! Un an après avoir évoqué avec Morgan et Onito le soutien de Mowno sur leur festival qui devait mettre à l’honneur dix ans de défrichage sonore, ce sont finalement leur onze ans qu’on s’apprête à fêter avec liesse et fracas.
Le festival Hands In The Dark se déroulera du jeudi 2 au dimanche 5 décembre dans divers lieux de Besançon et accueillera notamment les élucubrations musicales de Ben Shemie (SUUNS), le minimalisme expérimental de Mondkopf ou encore le son recherché de Matthias Puech. Et ce n’est que la partie émergée de l’événement iceberg !

La programmation complète est accessible en suivant ce lien et les pass disponibles en cliquant ici.

Pour vous faire patienter jusqu’à décembre, Mowno a passé le micro à quelques-unes des personnalités liées au label pour commenter une des sorties de Hands In The Dark. On décline toute responsabilité dans le cas où ça vous donnerait subitement envie de prendre votre place pour le festival !

SÉLECTION
MATTHIAS PUECH – ‘Alpestres’
par MATT WERTH (RVNG Intl.)

En prévision du dixième anniversaire du label, et à l’invitation de Morgan, j’ai récemment revisité Alpestres, l’album de Matthias Puech sorti en 2018, lors d’une promenade nocturne à vélo, entre Brooklyn et Manhattan. À un moment de mon voyage, alors que je m’échinais sur la pente du pont de Williamsburg, j’ai eu l’impression qu’un essaim d’insectes entourait mon vélo (Talausblick vom Hohlichtpass). À un autre moment, les insectes se rassemblaient et prenaient un malin plaisir à danser (Krampus), avant de remonter les rues du Lower East Side dans un tourbillon céleste (Sculpté au fond de la fontaine, un visage d’infant). Si je ne suis pas sûr à 100% de recommander de se plonger dans le monde sonore de Puech en pédalant sous les cieux éclairés par les lampadaires de New York, il est sûr que mon immersion particulière a fait apparaître les détails hallucinogènes d’Alpestres qui sont restés ancrés dans mon esprit depuis ma première écoute de l’album.

TOMAGA – ‘Intimate Immensity’
par MARTA SALOGNI (productrice)

Le bleu n’a jamais été pour moi la couleur de la tristesse. Bien que ça soit difficile de dissocier les deux dans cet album, ce qui se tient entre le bleu et la tristesse pour moi, ici, c’est la beauté. Et je ne l’entends pas dans sa définition superficielle mais dans sa forme la plus pure. Elle englobe le soin, le dévouement, l’espoir, l’amour et l’infini. Des horizons illimités s’étendent au loin et la prise de conscience que l’art est éternel, et que c’est pour ça que nous créons. Pour vivre au-delà des limites de notre propre mortalité. ‘Ars Longa, Vita Brevis‘. C’est aussi simple que ça, et aussi complexe que ça. Le plus profond secret de la vie est que la mort n’est pas la fin. C’est ce que j’ai appris. La fin de l’album s’épanouit dans le futur, vers le futur, comme Tom l’a toujours dit et comme Valentina et moi continuons à nous le dire et aux autres. En avant.

TOMAGA – ‘Memory In Vivo Exposure’
par DIMITRI MEIER (LUFF, Association du Salopard)

Tomaga est le premier groupe que j’ai programmé lorsque j’ai commencé à organiser des concerts à Lausanne. C’était le 7 octobre 2015 au Bourg, au moment de la sortie de Familiar Obstacles. C’est en quelque sorte grâce à cet album de Tom et Valentina que j’ai découvert HITD, dont je suis toutes les sorties avec énormément de plaisir depuis toutes ces années. Tomaga est devenu l’un de mes groupes favoris, et selon moi le sommet de leur discographie est Memory In Vivo Exposure, chef d’oeuvre de kraut minimaliste (la face A et le morceau Fist To Fist sont hallucinants) qui m’obsède depuis sa sortie.

JOSIAH STEINBRICK – ‘Meeting of Waters’
par JOSEPH GHOSN (directeur de la rédaction des Inrocks)

Le titre, déjà, suffirait à faire flamboyer tous les imaginaires, grâce à sa façon d’installer une géographie et un mouvement : là où les eaux se rencontrent. C’est de la poésie et de l’aventure, en peu de mots – un récit déjà tout en soi, qui évoque et invoque aussi, adulte, les fragments et réminiscences des années d’adolescence, durant lesquelles l’imaginaire s’emparait de ce qui la touchait au plus sensible. La musique est du même ordre : une suite de morceaux titrés d’après leurs instruments comme pour signifier le minimalisme absolu mais aussi une totale liberté de la pensée. Ici, pas une voix, mais des percussions et des frôlements, des répétitions et des nappes, des synthétiseurs lents et des marimbas tour à tour sourds et volubiles. Ce disque m’a frappé plus que nul autre, ces dernières années. Il a la délicatesse des premiers films de Cassavetes, entre le fil de l’improvisation et celui de l’écriture précise. Il a aussi la tangente de la méticulosité, la précision des notes maîtrisées et des émotions diaphanes. Il est en écho aux disques de labels comme Ocora dont il reproduit quelques caractéristiques, mais il est surtout le témoignage de ce qui, dans les années 2020, est possible : la fréquentation d’un album qui dure dans le temps, et repose tout à la fois sur la justesse des gestes, leur économie et leur simplicité et la mise en route des imaginaires de qui veut bien l’écouter. Et ce disque, je l’ai écouté au bord des eaux de Venice Beach, dans les dorures fanées des hôtels de Milan, en marchant le long des parcs à Paris ; il m’a accompagné amoureux et sortant de l’amour, il n’a eu de cesse d’être le compagnon discret d’une vie. Que demander de plus, de mieux, à un album (de famille)? 

MONDKOPF – ‘How Deep Is Our Love?’
par COSMIC NEMAN (batteur de Zombie Zombie)

Tout commence avec le bruit de l’eau, dernier son naturel avant de pénétrer dans les entrailles de la terre, naviguant sur un fleuve qui nous emmène vers l’au delà. C’est ainsi que débute la chevauchée synthétique du dernier jour sur terre de Mondkopf. How Deep Is Your Love? est un album pour planner ‘high in the sky’, comme sur le deuxième morceau Growing. Une étape nouvelle dans sa carrière, où Mondkopf s’adonne à un nouveau genre, un disque sans beats, sorti en 2019, avant que tout le monde se mette à faire des disques d’ambiant suite à la propagation de ce virus qui a sonné le glas de la musique de club pendant un certain temps. C’est marrant car on s’est d’ailleurs retrouvé, par hasard ce soir avec Paul (Mondkopf,) à un concert de musique ambiante : Sarah Davachi jouait sur l’orgue de Saint Eustache. En écoutant le concert, je m’ennuie un peu et je me pose la question de comment peut-on jouer cette musique après des maîtres comme La Monte Young, ou Moondog (je pense à ‘a new sound of an old instrument’). Je dis d’ailleurs à Paul à la fin du concert, que je dois écrire un texte sur son disque, ce que je fais finalement le soir même en rentrant chez moi… Je me replonge dans son album, au casque : sa musique n’est pas seulement méditative, elle raconte des histoires, un cheminement, ce n’est pas non plus simplement une musique d’ameublement, Death Is Not a Lover fait remonter la tension artérielle, jusqu’à faire palpiter notre muscle cardiaque, pour finir électrocuté. Il semblerait qu’à la fin, on aurait tout de même survécu et qu’on se retrouverait sur une plage déserte, comme après un naufrage. Dans le dernier morceau, Inner Fire, qui clôt le disque : c’est la renaissance du Phoenix, une note d’espoir, sauvé par l’amour, peut-être ? La nature a su s’en sortir encore une fois, par force d’adaptation, et de reproduction. On entend à la fin des enfants, une foule, la vie quoi. Nous sommes bien retournés sur Terre, et l’on a hâte de connaître la suite !

ROBEDOOR – ‘New Age Sewage’
par LOUIS REITH (artiste plasticien)

J’ai acheté New Age Sewage à peu près au moment où ma femme et moi avons déménagé d’Amsterdam à Zetten, une petite ville dans la campagne néerlandaise. Je ne me souviens pas avoir reçu le disque par courrier, il a dû atterrir directement dans un carton de déménagement. Ce dont je me souviens parfaitement, c’est la première fois que je l’ai vraiment écouté. C’était une soirée froide d’octobre 2018. Ma femme n’était pas là donc j’avais la maison pour moi tout seul. Le sol du salon était rempli de disques et de cassettes, un verre de Duvel à côté de moi et un joint dans le cendrier. J’étais en train d’écouter la nouvelle et sinistre compilation de GN [Geographic North, ndlr], Don’t Look Now, quand j’ai mis New Age Sewage sur la platine et l’ai mixé. Lorsque Mage Image (j’ai clairement commencé par la face B) a enflé, j’ai monté le volume jusqu’à ce que les fenêtres se mettent à trembler. C’est ce genre de disque… le genre qu’on écoute trop fort, avec les lumières tamisées, les yeux fermés et les bras levés.

PIOTR KUREK – ‘Polygome’
par PETE SWANSON (Freedom to Spend)

Polygome a été mon introduction au travail de Piotr, et le fait que ça soit sorti sur HITD, que mon pote Josiah Steinbrick l’ait signé, était suffisant pour que j’y jette une oreille. L’album a cette sorte de logique/non-logique où il semble très écrit et cristallin, mais qui se déploie comme une énorme coulée de bave. Des tournants étranges et des choix de composition vont et viennent, et le tout tourne constamment autour de nouveaux thèmes qui sont ensuite abandonnés au profit d’autres. Les morceaux sont fun et excitants, loin des tentatives prévisibles de minimalisme ou d’atmosphère. J’ai été heureux de découvrir d’autres de ses albums sur Mondoj et Dunno, deux des plus grands labels underground d’Europe de l’Est, mais Polygome est d’une certaine manière l’aboutissement de son travail et il est tout naturel que HITD soit la maison mère de cette magistrale masse sonore.

BEN SHEMIE – ‘A Skeleton’
par PASCAL REGIS (tourneur, Julie Tippex)

Je me souviens d’un programmateur qui a refait au dernier moment le déroulé de son festival parce qu’il fallait que Ben Shemie vienne jouer A Skeleton. On a été de la même façon nombreux à être totalement pris par surprise par cet album. Mais on avait à peine eu le temps d’assimiler ce disque que Ben était déjà sur les deux prochains, et puis une émission de radio, et un spectacle de danse, et un cinémix avec Cosmic Neman, et une collaboration avec un quatuor à cordes, et une autre avec Chloé… Bref, Ben est cool mais j’ai un peu du mal à le suivre !

MATTHIAS PUECH – ‘Alpestres’
par THÉO JARRIER et BERNARD DUCAYRON (disquaires chez Le Souffle Continu, Paris)

Un vent chaud et un vent froid se percutent pour créer une danse étrange, le Parisien Matthias Puech butine des sons le long des vallées qui forment la chaîne des Alpes, jusqu’aux hauteurs inaccessibles. Chercheur en mathématiques le jour, il se transforme en chasseur de son la nuit. Il sillonne alors les forêts et multiplie les enregistrements de terrains. Une fois chez lui, dans son antre, il remodèle, réorganise, malaxe ses sources sonores pour y extraire son jus et créer son propre langage à partir d’un éventail de paysages électroniques hybrides, qu’il réalise à l’aide de différents dispositifs, dont des synthétiseurs modulaires, qu’il conçoit lui-même. D’oscillations en nappes organiques, il nous transporte ici dans une excursion enivrante, intime et pleine de mystère. Au travers de ces fourmillements électroniques, fragiles ou violents, parfois chaotiques, on y perçoit des vents gémissants, des éclats de roches qui se détachent de la montagne, de petits blocs de glace qui craquèlent selon l’exposition du soleil. Cette nature se transforme sous nos oreilles, se transfigure et chemine en une ode effervescente surnaturelle et incontrôlable. Coup de cœur absolu de la boutique dans le top 10 – 2018.

JOHNNY HAWAII – ‘Southern Lights’
par ADRIEN DURAND (journaliste)

C’est un album un peu ovni dans l’histoire de Hands In The Dark, un truc super pop, psyché et ensoleillé que j’écoute très régulièrement. Il y a un côté un peu Madeleine de Proust pour moi, ça me renvoie à cette chouette époque 2009-2014 avec tous ces groupes qui faisaient de la musique bricolée, expé post Beach Boys (Sun Araw, Prince Rama, Panda Bear…). Peut-être que ça donnera envie au label de ressortir un disque de pop tropicale !

PLAYLIST


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