The Strokes en 10 titres et pas un de plus

The Strokes en 10 titres et pas un de plus

C’est une histoire que l’on raconte déjà depuis plus de quinze ans, et que l’on continuera de raconter ainsi pour les décennies à venir. Au début de ce 21e siècle débarquaient, sur nos ondes et sans prévenir, cinq jeunes new-yorkais dans le vent. Cinq minots à la figure un peu pâle, à l’attitude cool, au look branché et citadin, à la fois bohème, rêveur, chic et rétro. Ces cinq garçons, c’était The Strokes, et nul ne pouvait imaginer à l’époque le séisme culturel qu’ils allaient inconsciemment provoquer. Un séisme d’abord musical. A l’époque, le rock commençait à battre de l’aile, ne marquait plus les esprits, et semblait en suspens, tiraillé entre les relents du grunge américain post Kurt Cobain, et le renouveau britpop qui animait toute l’Angleterre. Ce fut aussi une déflagration commerciale. C’est à partir de là que les grandes maisons de disques – séduites à l’époque par la valeur marchande et montante du R’n’B, de la musique électronique et du hip-hop – ont accepté l’idée de rouvrir leurs portes à de jeunes groupes de rock, donnant ainsi la possibilité aux Libertines, aux White Stripes et à tant d’autres formations à guitares, de s’engouffrer dans la brèche. Suivront au fil des années de nombreux noms comme Interpol, Queens Of The Stone Age, ou encore plus tard les Arctic Monkeys, pour ne citer qu’eux. Et pour finir, ce fut bien sûr aussi une révolution vestimentaire. Ben oui, qui n’a pas été tenté à l’époque d’acheter et de porter un jean slim et une paire de Converse, hein ? La cravate et la veste de velours restant bien sûr en option.

Et bien The Strokes, c’était tout ça à la fois, et bien plus encore. Une attitude tellement cool qu’on aurait vendu pères et mères pour devenir leur pote, faire partie de leur bande. Mais c’était aussi et surtout une musique intemporelle, calibrée et efficace, devenue référence dans le genre. Outre l’attitude, les gamins en avait réellement sous le pied. Techniquement au point, la musique des Strokes c’est avant tout une réelle minutie, un vrai travail d’horloger, où chacun des éléments a une place méticuleusement calculée pour ne pas empiéter sur un autre. De la régularité constante et métronomique du batteur Fabrizio Moretti à la force tranquille du bassiste Nikolaï Fraiture, la base est tellement solide qu’elle permet aux guitares de Nick Valensi et Albert Hammond Jr d’accomplir le mariage parfait pour enlacer les classieuses mélodies vocales d’un Julian Casablancas plus que jamais déterminé avec ses comparses à marquer son époque. Des titres courts et incisifs, des soli de guitare mémorables et faciles à fredonner, des mélodies entêtantes et des paroles inspirantes, voici grosso modo la recette exacte qui se révélera payante pour le restant de leur carrière.

Résultat ? Is This It, sorti durant l’été 2001. Un premier album de rock juvénile et effronté, bourré de tubes en puissance (Someday, Last Nite), véritable instantané de fraicheur qui bousculera rapidement les différentes scènes musicales du monde entier. De la belle introduction éponyme à la puissance de The Modern Age, le groupe affiche de grandes ambitions, ‘comme si les Buzzcocks jouaient des inédits du Velvet Underground‘ dira Philippe Manœuvre. Et ils ne s’arrêteront pas en si bon chemin. Casablancas et sa bande savent qu’il faut battre le fer tant qu’il est chaud, suivra alors Room On Fire en 2003. Sans doute l’album le plus intemporel du quintet, ce deuxième opus a la chaleur d’une production qui sait sonner à la fois rétro et bougrement moderne. Ici les Strokes font parfois sonner leurs guitares comme de vieux synthétiseurs, et le disque mettra davantage la minutie de leurs compositions en lumière, comme le démontrera parfaitement le clip vidéo du single Reptilia, mettant en images les évidences de la force de frappe Strokesienne.

Mais c’est au tout début de l’année 2006 que le groupe sortira ce qui restera comme l’album le plus conséquent et riche de sa carrière. First Impressions of Earth est un disque rock par excellence, qui explose à la face du monde telle une bombe que l’on n’avait pas vu venir. Plus agressif, plus mélodique, plus aventureux, les chansons convoquent ici le meilleur du Marquee Moon de Television ainsi que les inspirations habituelles que sont Lou Reed et le Velvet Underground, ou bien encore Guided By Voices. Sous l’impulsion du producteur David Kahne, Casablancas délaisse ici les effets de distorsion qui masquaient autrefois sa voix et laisse échapper une fureur et une charge émotionnelle sans précédent.

Cependant, malgré un succès qui ne cesse de croitre, le groupe arrivera à saturation. Les premières envies d’escapades en solitaire se font ressentir, et des tensions commenceront à naitre au sein d’un collectif non seulement épuisé par les tournées incessantes, mais aussi lassé par le contrôle total de sa tête pensante, Casablancas étant le principal compositeur des Strokes. Après cinq longues années de non-dits et de faux espoirs, les new-yorkais feront néanmoins leur retour en 2011 avec Angles, grandement décrié à sa sortie, mais qui demeure malgré tout l’un des disques les plus intéressants du quintet. Le malaise est encore bien présent, les sessions studio sont difficiles et se font parfois même à distance du fait de l’absence de Casablancas pour cause de tournées solo, mais cette méthode de travail aura néanmoins permis au reste du groupe de pouvoir un tant soit peu s’épanouir et s’affranchir de l’aura et des directives de son leader. Angles n’est peut-être pas leur album le plus abouti, mais c’est celui qui va le plus piocher dans de nouvelles influences et emmener de la nouveauté dans la musique des Strokes. Le son est froid, synthétique, et quelques machines font leurs apparitions, mais la majeure partie des ingrédients qui faisaient la mécanique et le songwriting des new yorkais demeurent pour un résultat finalement passionnant et plutôt réussi.

Difficile néanmoins de forcer les choses. Les cicatrices du passé entachent une tournée qui ne semble plus se dérouler par plaisir mais plutôt par obligation. 2013 verra par la suite paraitre Comedown Machine, la cinquième œuvre des Strokes, et l’on se demande encore comment pareil album a bien pu sortir au vu des circonstances. Même s’il contient quelques beaux passages, ce disque est à l’image du groupe durant cette époque : en roue libre, sans aucune cohérence, frisant même le mauvais goût. Aucune promotion ni aucune tournée ne verront d’ailleurs le jour pour l’accompagner.

The Strokes n’est peut-être plus ce qu’il était, mais il insiste ! Durant ces sept dernières années – hormis un EP prometteur paru en 2016 (Future Present Past) – l’aspect créatif du groupe est resté en gestation, mais les projets parallèles se sont enchainés, et les cinq new-yorkais ont petit à petit repris le goût de se revoir, et de jouer ensemble lors de certains festivals, sans aucune pression ni sortie de disque en vue, mais très certainement avec de jolis chèques à la clef. Désormais, l’ultime espoir pour les fans de retrouver la formation à son top level, c’est ce sixième album qui sort aujourd’hui et qui s’intitule The New Abnormal. Verra-t-on alors Casablancas et ses acolytes renouer avec leur recette gagnante ? Ou les verra-t-on tenter quelques sorties de route certes aventureuses mais risquées ? En attendant de vous donner notre réponse, nous vous proposons d’abord de retraverser musicalement la carrière de ce groupe essentiel, et comme d’habitude, en dix titres et pas un de plus.

BEST OF


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