Refused, une fin en grandes pompes

Refused, une fin en grandes pompes

Certes, les suédois nous ont déjà fait le coup il y a bien longtemps, quand peu de temps après avoir sorti leur incontournable The Shape Of Punk to Come, ils ont remisé les instruments au placard en pleine tournée américaine, laissant leur oeuvre, avant-gardiste pour l’époque, révéler toute sa richesse au fil des années qui suivirent. Pourtant, cette fois semble être la bonne : Refused, légende incontournable de la scène hardcore (mais pas seulement), vient officiellement d’annoncer la fin de son parcours en dévoilant une dernière tournée américaine aux côtés de Quicksand, dont le titre ne laisse plus de place au doute : Refused Are Fucking Dead… And This Time They Really Mean It. Il y a quelques mois déjà, quelque temps avant que Dennis Lyxzen soit frappé par une crise cardiaque, le quatuor avait annoncé sa toute dernière participation à un festival suédois. David Sandstrom, batteur, explique cette décision :

En juin dernier, nous étions censé faire une modeste tournée d’adieu, en commençant par la Rosendal Garden Party à Stockholm, puis en donnant quelques concerts ici et là avant d’arrêter en fin d’année. Les répétitions avaient été magnifiques, l’ambiance était excellente et, deux jours avant le festival, nous avons joué un concert secret au Kulturhuset Femman à Uppsala. Aucune photo n’a été prise et ça n’a pas été filmé, mais c’était un super show. On a traîné ensemble après, j’ai bu quelques bières, puis Dennis et moi avons échangé des histoires stupides sur les groupes que nous aimons. C’était une belle soirée. Le lendemain matin, sa femme m’a appelé et quelques heures plus tard, on me confirmait sa crise cardiaque à l’hôtel.

Nous avons donné notre premier concert en février 1992. Cette semaine-là, George H.W. Bush et Boris Eltsine tenaient une conférence de presse à Camp David pour déclarer que la fin de la Guerre Froide. C’est dire à quel point ça remonte ! C’était il y a si longtemps que je ne me souviens plus très bien qui nous étions vraiment ce samedi hivernal quand nous nous sommes entassés dans une voiture et sommes allés à Luleå pour jouer quatre chansons de Gorilla Biscuits, une chanson de Shelter, une chanson d’AC\DC et, je crois, trois compositions originales devant un public de 50 à 60 habitants ivres du Nord. Je venais d’avoir 17 ans, je n’avais jamais voyagé en dehors de Suède et en 1998, lorsque le groupe s’est séparé, nous avions donné plus de 500 concerts en Europe et aux États-Unis. Dire que le groupe a changé nos vies serait un euphémisme, et dire que nous avons appris à nous connaître au cours de ces sept années l’est tout autant. Un groupe qui tourne devient comme une famille, surtout lorsque vous êtes dans un van, avec des cartes, en faisant des pieds et des mains pour trouver un squat à Halberstadt où vous êtes censés jouer depuis une heure. Et les relations familiales peuvent être difficiles. C’est ce qui s’est passé avec nous.

C’est en partie pour cette raison que nous avons voulu retenter notre chance en 2012. Nous avions fait un bon coup dans les années 90 et la fin avait été très soudaine et chaotique. Il y avait des sentiments qui n’avaient pas été extériorisés et l’ensemble avait été une telle merde qu’il était presque inévitable que nous nous remettions en selle à un moment ou à un autre. Nous voulions recommencer, voir s’il y avait encore quelque chose et ce qu’on pouvait en faire. Il y a une chanson de Neil Young intitulée Buffalo Springfield Again où il chante : ‘J’aimerais revoir ces gars et leur donner une chance. Peut-être que nous pouvons maintenant montrer au monde ce que nous avons, mais j’aimerais juste jouer pour le plaisir que nous avons pris’.

Et c’est à peu près tout. Nous avons tenté notre chance à plusieurs reprises entre 2012 et 2024. Nous avons tous des points de vue différents sur la façon dont cela s’est passé et sur ce que sera l’héritage de notre reformation mais, personnellement, j’avais l’impression que nous n’arrivions pas à nous mettre d’accord sur ce que nous étions censés faire musicalement. Lorsque la pandémie a frappé, nous étions encore en train de débattre de ça. Kristofer a estimé qu’il avait fait ce qu’il devait faire et a quitté le groupe en août 2020. Et bien qu’il y ait eu un effet différé à ce coup de grâce, c’en fut un.

Au début de cette année, nous avons donc commencé à planifier un dernier grand hourra, pour faire de la fin du groupe une affaire amusante, généreuse et indulgente. Tout ce que nous avons ressenti après le dernier concert : c’est le meilleur son que nous ayons jamais eu, et nous nous sommes vraiment amusés à lancer de vieilles chansons que nous n’avions plus jouées depuis les années 90, y compris une reprise des Misfits. Et puis la catastrophe est arrivée. J’ai rendu visite à Dennis à l’hôpital le lendemain de son admission et, comme d’habitude, il n’était pas content de la chemise qu’on l’avait forcée à porter. Branché à toutes ces machines, mal rasé, les cheveux ébouriffés, je jure que la première chose qu’il a dite a été en montrant la blouse : ‘ce n’est pas génial. Je suppose qu’ils ne m’autoriseront pas à porter un t-shirt Negative Approach à l’hôpital’…

Mais passons aux bonnes nouvelles : Dennis va très bien. C’est l’un des hommes les plus sains que je connaisse. Il ne peut pas rester assis, il fait beaucoup d’exercice, donc sa récupération devrait être rapide. Il a reçu d’excellents soins et son médecin lui a fait passer tous les tests physiques qui indiquent tous qu’il se rétablit complètement. Inutile de dire qu’il a hâte de repartir en tournée. Il a même suggéré que nous calions des dates pour nous rôder à la fin de l’automne et cet hiver, mais nous avons finalement décidé de reporter ces concerts au printemps. Donc voilà où nous en sommes : nous allons venir aux Etats-Unis en mars/avril 2025 et nous regarderons ce que nous pourrons faire d’autre le reste de l’année. Tout ce que nous savons, c’est que nous voulons finir chez nous en Suède fin 2025. Dites-nous s’il y a des chansons que vous voulez qu’on joue ! J’espère vous voir là-bas !’

Et les cadeaux de départ ne se résument pas à cette seule tournée qui, on l’espère, passera aussi par la France l’an prochain. En effet, le 8 novembre, le groupe rééditera également The Shape of Punk to Come qui – au delà de titres rares et de démos – comprendra un tribute album intitulé The Shape of Punk to Come Obliterated sur lequel Quicksand, Touché Amoré, Idles, Snapcase, Brutus, Fucked Up, ou Cult Of Luna (en écoute ci-dessous) se mesureront aux compositions monumentales de ce grand classique de la musique contemporaine qui, à la fin du siècle dernier, voyait Refused faire évoluer son registre pour dénoncer la tendance du punk hardcore d’alors à mélanger discours revendicatif et musique de plus en plus mainstream et formatée. Chez lui, anti-conformisme, provocation, création, idéologie, savoir, attitude et innovation étaient les maitres mots de ces 12 titres ponctués d’interludes techno, d’incursions jazz, de virgules drum n’bass, de samples discrets, bousculant chacun leur tour une solide base hardcore. Certains sont à retrouver dans le best-of que Mowno vous propose également ci-dessous.

Photos live : Andrey Kalinovsky

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