Rage Against The Machine, la révolution n’aura pas lieu

Rage Against The Machine, la révolution n’aura pas lieu

1er Novembre 2019. Instagram frissonne. Rage The Against The Machine inaugure son compte officiel sur la plateforme. Le post ? Une photo des manifestations au Chili et l’annonce de sa reformation. En ligne de mire : une série de cinq dates américaines pour le printemps 2020. Et un gros buzz pour les vétérans de la fusion qui ne s’étaient plus produits sur scène depuis 2011. Quelques mois plus tôt, le guitariste Tom Morello nuançait pourtant l’intérêt d’un tel retour auprès de ses fans chouineurs. ‘Même s’il n’y a jamais eu de meilleur moment pour la musique de Rage Against The Machine […]  Vous gâchez votre vie si vous attendez que des groupes débarquent pour vous sauver. Si vous avez quelque chose à dire, prenez une guitare, une table de mixage, Ableton ou n’importe quoi d’autres et dites-le‘, avait-il clamé haut et fort sur Alternative Press. La tournée de reformation s’est depuis étendue jusqu’à la France, où le groupe se produira à Rock en Seine le 1er septembre prochain.

On ne va pas s’interroger une énième fois sur le bien-fondé des anciennes gloires du rock à se reformer les unes après les autres pour capitaliser sur leur notoriété et la nostalgie de leurs fans. Que Rage Against The Machine ait décidé de revenir histoire de faire tourner la planche à billet – soyons clairs – je m’en tape. Et que l’héritage musical du groupe soit largement surévalué, c’est une autre histoire. Bullet In The Head et Know Your Enemy étaient cools. OK. Et après ?

Non. Ce qui est plus irritant en revanche, c’est la posture morale dans laquelle se drape le groupe pour justifier son retour. Surfer sur le mécontentement politique aux Etats-Unis ou en Amérique latine tout ça pour cachetonner à Coachella – où le pass pour un week-end coûte au minimum 430 $ – c’est quand même moche. Alors oui, RATM a déjà joué au festival pour sa première année en 1999 et une seconde fois 2007, comme a tenu bon de le rappeler Morello. Mais c’est encore pire comme justification. Pour rappel, Coachella a été créé en 1999 par AEG Live, l’un des plus gros promoteurs de concerts au monde. Une entreprise détenue par le seul homme d’affaires américain Philip Anschutz, 41e plus grosse fortune des Etats-Unis, connu pour ses accointances avec les milieux anti-LGBT et climato-sceptiques. Bref, un tableau qui cadre mal avec les convictions de Morello et sa bande, comme l’anticapitalisme, le soutien au mouvement zapatiste, le rejet du bipartisme aux Etats-Unis, etc.

Alors avant que des fans du groupe ne sortent leur t-shirt du Che pour m’étrangler avec, je précise que tout cela n’enlève rien au courage bien réel dont à pu faire preuve Rage Against The Machine par le passé. Comme lorsqu’après les attentats du 11 septembre, au moment où l’Amérique faisait bloc derrière Georges Bush Jr, il fustigeait publiquement la politique étrangère des Etats-Unis au Moyen-Orient. Une déclaration qui lui avait d’ailleurs valu d’être dans la ligne de mire de la CIA. Ni sa diffusion des idées d’intellectuels tels que Noam Chomsky ou Naomi Klein, ni les nombreuses actions et autres happenings virant parfois au grand n’importe quoi assez savoureux.

En fait, Zach de la Rocha, Morello & Co sont comme vous et moi : bourrés de contradictions. Ils vendent des mugs et des figurines Lego à leur effigie tout en tenant sur scène leurs discours prorévolutionnaires. Ils ont signé chez Epic Records – filiale de Sony – pour produire et distribuer leurs disques tout en fustigeant les grandes compagnies. Ce qui n’est pas si éloigné de nos petites dissociations cognitives, comme lorsque nous angoissons pour le réchauffement climatique tout en prenant l’avion chaque année ou presque, ou que d’autres clament leur rejet de la mondialisation par un post ‘dissident’ sur Facebook.

A ce titre, Morello défendait déjà la présence de son groupe sur une major dans les années 90, arguant que l’objectif était de promouvoir ses idées politiques auprès d’une large audience. Ce qui est un argument tout à fait recevable. Encore une fois, tant mieux si cela a permis à certains de s’intéresser à Chomsky et consorts. Mais par pitié, n’allez pas considérer Rage Against The Machine comme le pinacle de la culture contestataire ou brandir vaillamment le poing lors de leur prochain concert au parc de Saint-Cloud, entre le stand Transavia et celui de Levis. S’il y a bien une chose que les Américains nous ont appris, c’est de fuir ce genre de symboles écrasants. Pour paraphraser Morello : ‘Vous gâchez votre vie si vous attendez qu’un groupe vienne incarner vos idées‘. Surtout si vous êtes une personne en âge de voter.

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