
20 Sep 19 Daniel Johnston en 10 titres et pas un de plus
C’est un musicien pas comme les autres qui nous a quittés ce 11 septembre 2019, à l’âge de 58 ans. Daniel Johnston n’avait pas seulement du talent, la vie – aussi difficile qu’elle fut pour lui – aura largement teinté son oeuvre. Bien qu’atteint depuis sa jeunesse de schizophrénie et de troubles maniaco-dépressifs pouvant parfois l’amener à se mettre lui-même en danger, c’est bien son approche très personnelle de la musique et ses mélodies imparables qui lui ont permis de rejoindre les plus grands artistes de sa génération, de Sonic Youth à Yo La Tengo, en passant par Beck, Tom Waits, ou Nirvana. Considérant Daniel Johnston comme le meilleur songwriter de la Terre, Kurt Cobain fut un de ses plus fervents admirateurs, et contribua largement à sa popularité en se montrant à plusieurs reprises avec un t-shirt à son effigie.
A ses débuts, les enregistrements de Daniel Johnston se résumaient au format cassette, et à des compositions minimales ou sa voix se faisait accompagner d’une guitare ou d’un piano bruts de décoffrage, pour chanter l’amour perdu, la mort, ses difficultés à communiquer, mais aussi plus légèrement sa passion pour les Beatles et les héros de bandes dessinées. Touchante d’authenticité et d’honnêteté, parfois presque gênante de par son absence totale de filtre, sa pop lo-fi peinait pourtant à convaincre l’industrie du disque de la défendre. Jusqu’à ce que MTV consacre son émission The Cutting Edge à la scène musicale d’Austin : l’occasion pour lui de se démarquer (vidéo ci-dessous), de se faire un nom, et de vendre ses cassettes autoproduites chez les disquaires les mieux côtés du pays, sans jamais qu’on sache si l’étincelle de cette médiatisation soudaine fut véritablement sa musique ou la singularité de son personnage.
Malgré des problèmes de santé récurrents, jalonnant l’intégralité d’un parcours tourmenté, tout s’enchaine alors : au début des années 80, les labels indépendants Homestead et Shimmy Disc sortent tour à tour quelques uns de ses premiers enregistrements sur vinyles, il compose et multiplie les collaborations (Jad Fair de Half Japanese, et surtout Paul Leary de Butthole Surfers). En 1994, Daniel Johnston choisit de rejoindre le catalogue de la major Atlantic, préférée à sa concurrente Elektra qui comptait alors dans ses rangs un certain Metallica beaucoup trop sataniste à son goût. Il y sort son album Fun qui, bien que comptant parmi les plus belles chansons de sa carrière, sera un échec commercial cuisant qui mettra fin à son contrat. En 2005, c’est la sortie du film documentaire The Devil and Daniel Johnston, présenté au festival du film Sundance, qui permet au musicien, comme à sa pop portée par une naïveté émouvante, presque déconcertante, de faire le tour du monde.
L’artiste convainc ou non mais ne laisse jamais indifférent, et révèle alors aux plus curieux toute l’étendue de sa personnalité artistique. Au même titre qu’on se laisse charmer par ses dessins enfantins exposés en 2006 au Whitney Museum de New York, on se laisse attendrir par sa musique et son jeu de piano inimitable. On replonge dans sa discographie pour (re)découvrir les gueulantes de sa mère ponctuant son premier album, ou son amour obsessionnel pour la jeune Laurie qui ne quittera jamais son esprit, comme son oeuvre achevée 32 ans plus tard avec Space Ducks : un dernier témoignage discographique, également bande son de sa bande dessinée, ou des canards astronautes s’en vont faire la guerre aux démons…
Au bout d’une vie de combat durant laquelle il ne s’est jamais apitoyé sur son sort, Daniel Johnston laisse non seulement une tonne d’anecdotes et de faits divers qui contribueront à le rendre intemporel, mais par dessus tout une oeuvre unique, celle d’un artiste dont le statut culte vivra toujours. Tout comme cet enthousiasme indestructible qu’il avait pour souligner sa créativité sans limite, pour dresser seul contre tous – et comme personne – un monument qu’il aura construit chanson après chanson, cassette après cassette, entre rires et larmes, toujours avec les moyens du bord. Retour donc sur la carrière du déjà regretté Daniel Johnston, en 10 titres et pas un de plus.
No Comments