
09 Mai 25 Playlist – Rap et rock, chronique d’un choc culturel
À la fin des années 80, alors que les Beastie Boys jettent les bases du rap-rock avec Licensed to Ill sous la houlette du producteur Rick Rubin, l’Amérique post-Reagan s’apprête à affronter ses fractures sociales. D’un côté, le hip-hop devient la voix directe des ghettos, dénonce les bavures policières et le racisme institutionnel. De l’autre, la scène punk hardcore et metal continue de rassembler une jeunesse blanche désenchantée, confrontée à l’ennui des banlieues et aux échecs du rêve américain. Entre les deux, un terrain commun se dévoile : celui de la colère, là où le rapcore trouve sa place.
Durant les années 90, les États-Unis deviennent le creuset d’une fusion musicale aussi intense qu’instable. En Californie, Rage Against the Machine en représente la synthèse parfaite. Le premier album du groupe, sorti en 1992, établit un modèle : des riffs puissants, un groove funk metal, un flow tendu, et un discours politique très engagé. Ni purement hip-hop, ni du metal classique, sa musique relève du manifeste. Plus au sud, Downset ou Body Count, issus de la scène hardcore de Los Angeles, signent une fusion similaire, plus naturelle et moins calculée. La rue, les gangs : ici, le mélange est viscéral, moins marketing. Côté Est, à New York, le Bronx donne naissance à des projets plus hybrides : Shootyz Groove ou Biohazard intègrent le rap à leur ADN hardcore. Si l’élégance n’est pas toujours au rendez-vous, le mélange exprime une sincérité brute. Tous ces groupes partagent un point commun : ils ne s’identifient ni au rap ostentatoire, ni au metal virtuose. Le rapcore devient leur moyen d’expression, un genre façonné par les tensions d’une Amérique divisée. Dans ses meilleurs exemples, il est politique, urbain, puissant. Dans ses dérives, il devient une échappatoire caricatural pour adolescents.
Le tournant arrive dès la fin des années 90 quand l’industrie s’empare de la tendance : MTV, bien aidé par les grandes maisons de disques qui signent alors à tour de bras, arrose la planète entière dès qu’un nouvel ambassadeur du genre apparait. Limp Bizkit, Papa Roach, (Hed) P.E., Linkin Park : le son se calme, les discours s’uniformisent, et la colère se dissipe dans des refrains prémâchés. Ce n’est plus la rue qui s’exprime, mais le marché. Le rapcore perd alors son mordant, sa pertinence, sa passion. Parallèlement, certains artistes hip-hop continuent à s’inspirer de l’énergie rock. Au premier rang, Jay-Z qui, en 2003 avec 99 Problems, revient aux fondamentaux : une production simple et sans artifices, là encore signée Rick Rubin. Alors que la fin d’un cycle approche à grands pas, ce tube interplanétaire du Mc new-yorkais boucle la boucle, faisant ressurgir malgré lui la belle époque où rock et rap, alors unis dans le combat, se mariaient dans un geste artistique, loin de toute considération marketing. Mowno vous invite à vous replonger dans ce phénomène musical de la fin du siècle dernier grâce aux 30 titres playlistés ci-dessous.
Photos
Header & miniature – « Rage Against the Machine @ Christiania 1993 » by pellesten.
Homepage – « Beastie-boys » by Masao Nakagami.
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