
16 Avr 18 Playlists – L’émo à tous les temps
Historiquement coincé entre la passion du hardcore, la puissance du punk, l’intelligence du rock indé, et les mélodies de la power pop, l’émo n’a jamais eu la vie facile. Etiquette clivante à force de papillonner au gré des tendances, souvent mal aimée en raison de lourds stéréotypes et de récupérations marketing, le terme n’est jamais parvenu à convaincre les musiciens – ses précurseurs notamment – de s’en autoproclamer. Pourtant, tout n’a pas toujours été noir pour ces trois lettres qui, avant d’être considérées comme un genre à part entière, ont permis de qualifier la teneur des paroles et des sentiments exprimés par quelques musiciens créatifs et visionnaires.
Ainsi, pour mieux comprendre ses prémices, il faut remonter au milieu des année 80, à Washington DC. Là, une poignée d’artistes refroidis par une violence de plus en plus pesante au sein de la scène hardcore, infusent des mélodies, une plus grande richesse rythmique, et des textes plus personnels que politiques au genre qui les passionnait jusque là. C’est le cas de Guy Picciotto notamment qui, fan de Minor Threat, monte Rites of Spring en 1984, habité de toutes ces nouvelles intentions, rapidement suivi par le convaincu Ian MacKaye avec Embrace (photo ci dessous, en haut à gauche), puis par toute une génération de groupes poussés par ce nouvel élan créatif. C’est alors que, en mal de qualificatif, la presse lâche pour la première fois le terme ‘emocore’.
S’essoufflant progressivement, la scène de Washington DC laisse alors la place à l’éclosion d’une nouvelle horde de groupes plus ouvertement imprégnés par le mouvement pop punk. Parmi eux, Jawbreaker (photo ci-dessus, en haut au milieu) et Sunny Day Real Estate vont profiter du phénomène Nirvana, alors assez convaincant pour tourner l’adolescence américaine vers les ramifications les plus indépendantes de la scène rock. C’est là que l’émo va connaitre sa période la plus productive : de nombreux labels comme Jade Tree, Deep Elm, Vagrant, Drive Thru… se créent, emmenant leurs rejetons les plus emblématiques dans leurs sillons. Mineral, The Promise Ring (photo ci-dessus, en bas à gauche), Texas Is The Reason, Taking Back Sunday ou Thursday nourrissent alors les premiers clichés de rockeurs collégiens à lunettes, et naturellement les premières tentatives de marketing encourageant certains acteurs à se dissocier du terme.
Puis viennent les années 2000, les confirmations commerciales de Jimmy Eat World, Dashboard Confessional, The Get Up Kids (photo ci-dessus, en haut à droite) et Saves The Day qui vont peu à peu ouvrir la voie à une nouvelle génération de groupes plus orientés screamo (My Chemical Romance, Hawthorne Height…) allant doucement mais surement alimenter les clichés jusqu’à la raillerie, prendre part à diverses polémiques en se faisant accuser de pousser les adolescents à la déprime et au suicide, et ainsi orienter l’émo vers son déclin. Des années sombres et peu reluisantes qui ne se feront finalement oublier qu’à la fin des années 2000, à l’apparition de jeunes pousses comme Empire! Empire!, Into It Over It, The Hotelier (photo ci-dessus, en bas à droite)… réveillant les meilleurs souvenirs des années 90.
Contesté par ses précurseurs, assumé du bout des lèvres au milieu des années 90 alors qu’il se popularisait, puis majoritairement rejeté dix ans plus tard au moment ou les clichés prenaient le pas sur la musique, l’émo a donc toujours été présent, pour le meilleur comme pour le pire. Ce meilleur, le plus digne aussi, c’est celui auquel on consacre ici trois playlists : environ 150 titres qui font les 30 ans d’un genre ayant chaque fois son mot à dire dans l’histoire du (post) hardcore, du punk, du rock, et de la pop.
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