Sons – ‘Hallo’

Sons – ‘Hallo’

Album / Pias / 26.09.2025
Rock

Les couleurs d’automne s’installent, les sorties s’accumulent, et une tendance de fond se dessine : ces groupes apparus à la fin des années 2010 – de Shame à The Murder Capital – troquent définitivement leur hargne contre une sensibilité accrue, un son plus clair, des mélodies moins acérées. Est-ce l’expérience qui parle, ou la crainte qu’un rock brut et dépouillé paraisse aujourd’hui trop simpliste ? La réponse reste floue, mais une chose est certaine : la porosité entre frénésie et mélancolie n’a jamais été aussi marquée. En amont de la sortie de Hallo, leur troisième album produit par le Britannique Dave McCracken (dEUS, Depeche Mode, Ian Brown) et mixé par Claudius Mittendorfer (Johnny Marr, Panic! At The Disco, Parquet Courts, Weezer), Sons semblent eux aussi s’inscrire dans ce mouvement. Le groupe le revendique d’ailleurs : Hallo inaugure ‘une nouvelle ère dans laquelle le rock garage explosif cède la place à des chansons qui désormais brillent et étincellent‘. Mais à édulcorer leur folie, ils prennent le risque d’émousser ce qui faisait la force de leurs deux premiers disques : des compositions à l’énergie brute qui reléguaient au second plan toute interrogation sur leur singularité.

Chez Sons, l’attrait du son reposait d’emblée sur un double contact : l’alliance d’un punk nerveux et d’un garage psychédélique, qui dynamisait la diversité des riffs, alimentait leur puissance et portait une voix aux inflexions très années 2000. Leur collaboration avec Michael Badger-Taweel (King Gizzard & The Lizard Wizard) donnait sur les deux premiers disques ce grain crade aux guitares, toujours idéal pour secouer les foules. Avec Hallo, la donne change : non seulement ces textures disparaissent presque entièrement, mais c’est toute la méthode de composition qui évolue. Là où Sons partait autrefois d’un riff ou d’une idée instrumentale, l’écriture se construit désormais autour des textes, devenus la colonne vertébrale des morceaux. Pas d’étalage métaphorique pour autant, plutôt des phrases directes, un refrain court, une idée ou un gimmick de chant pour amorcer un titre.

Les Belges déclinent cette approche de plusieurs manières. Par la répétition, d’abord (Hello, Do My Thing, I’m Tired), où un ton caustique sert à pointer nos quotidiens hyperconnectés et notre boulimie informationnelle dans des refrains matraqués. Ici, l’instrumentation incorpore des textures électroniques sporadiques, saupoudrant des cordes aux motifs épurés. Parfois, elles montent en intensité (Hello), rappelant la vitalité des débuts comme des poches de résistance. La simplicité des paroles frôle cependant le sirupeux sur certains titres, avec un accent pop rock qui ne fait pas sauter au plafond (Do my Thing, Magic Mirror). Mais ailleurs, Sons s’en sort mieux : All Gold gagne en intérêt par sa construction en strates et ses notes de guitare brèves et aiguës ; I’m Tired tient par le dynamisme de sa basse. Plus réussis encore, les morceaux qui brisent la linéarité en tablant sur la douceur vocale et des guitares aérées atteignent une intensité émotionnelle inédite (Somehow). Ailleurs, le groupe fait preuve d’une gravité plus grinçante, convoque une voix prophétique et une tension dramatique qui rappellent les penchants introspectifs de Slift (Once And For All). Des réminiscences des Strokes apparaissent aussi, notamment via la basse (Big Mouth) qui apporte un souffle de fraîcheur en fin d’album. Enfin, Death Chair amorce la fin du disque sur un post-punk plus brut, à la manière des Blinders, avant une conclusion lourde et lancinante (The Dreamer), comme une horloge implacable sur laquelle viennent rebondir des paroles scandées.

Hallo marque une fêlure dans la discographie des Belges : ils font table rase des deux premiers projets pour proposer une formule plus actuelle. L’ambition convainc quand mélodie et écriture s’alignent, mais se révèle plus fragile quand la légèreté occulte la frénésie qui faisait leur force. La démarche reste salutaire : Sons ouvre une nouvelle ère, quitte à perdre une partie de son public originel, mais avec assez de relief pour intriguer une audience plus large. Que le voyage continue.

VIDEO
ECOUTE INTEGRALE


Tags:
,
Pas de commentaire

Poster un commentaire