Ken Mode – ‘Success’

Ken Mode – ‘Success’

Album / Season of Mist / 16.06.2015
Noise hardcore

Les canadiens de Ken Mode ne sont pas du genre à tortiller du cul. Pied au plancher, le trio joue la bave aux lèvres et, les amplis à fond, découpe les tympans en lamelles aussi fines et précises que son noise hardcore. En laissant judicieusement le soin à Steve Albini de mettre en relief ses compositions, dans un élan plus éloigné du métal mais en plein dans le triangle McLusky Jesus LizardShellac, le groupe risque bien, grimpé sur ce sixième album, de tout décapiter sur sa route.

Comme à son habitude, Ken Mode lâche des titres puissants, mais sait aussi varier les ambiances, se tordre dans des méandres mélodiques aussi malsains que bien foutus: la basse se veut grasse et lourde, les rythmiques aussi énergiques qu’au ras du tempo, sans compter une guitare devenue stridente qui alterne sans cesse riffs acides et d’autres plus soutenus. Le chant, plus expansif et ouvert qu’auparavant, très souvent à la limite de la rupture, se jette sans compter, pour toujours mieux nous aspirer dans sa hargne contrôlée.

Du coup, chaque fragment de cet album possède sa petite touche singulière: en ouverture, ‘Blessed’ donne le ton d’un noise hardcore dépouillé et prévient l’auditoire que rien ni personne ne sera épargné. ‘These Tight Jeans’, ‘I Just Like Fire’, ‘A Passive Disaster’ ou encore ‘Failing In Fun Since 1981’ enfoncent le clou de variations aussi radicales que bien senties, dans des mélodies à fleur de peau. Et même quand il met un peu d’air, le trio se retourne sans encombre: ‘The Owl…’ se veut plus ouvert dans ses intentions, jusqu’à se permettre une incursion réussie de violoncelle. Enfin, le foutraque ‘Management Control’, le frénétique ‘A Catalog Of Small Disappointments’ ou le plus fugazien ‘Dead Actor’ se révèlent aussi excellents qu’habités dans leurs assemblages.

Ken Mode possède une intelligence de frappe qui fait de ‘Success’ un album redoutable, tant dans son chaos que dans sa cohérence. Car loin de jouer un noise hardcore à la brutalité gratuite, et en s’éloignant du métal, le trio sait aujourd’hui envelopper sa musique de passages aussi alambiqués qu’ouverts aux émotions brutes et ce, aussi, grâce à l’oreille d’orfèvre et la patte de Steve Albini. C’est donc le bide ouvert que l’on plonge dans ce disque à l’effet immédiat, qui risquerait bien de figurer parmi les meilleurs de l’année dans sa catégorie.

‘Blessed’, ‘The Owl…’, ‘Management Control’, ‘Dead Actor’


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