Gratuit – ‘Là’

Gratuit – ‘Là’

Album / Kythibong – Egotwister / 03.03.2015
Sortie d’asile

Si la justification de la musique comme exutoire thérapeutique apparaît souvent comme un poncif éreintant dès lors qu’elle est servie par un interlocuteur lisse comme le marbre, la discographie de Gratuit la légitimise avec grâce. Depuis ‘Rien’ (2010), l’artiste poursuit son chemin de croix musical avec une indifférence totale pour les codes de la bienséance. À l’époque, le musicien présentait un disque frontal, cheap et physique, qui conviait convulsions et instincts primaires, encouragés par des slogans cyniques et amers. Deux ans plus tard vint ‘Délivrance’, petit bijou digne de ces chefs d’oeuvres qui foutent une carrière en l’air après avoir émoussé leurs géniteurs. L’écriture avait évolué, les émotions aussi. Les saillies frivoles des débuts laissaient place à la salle d’attente avant l’enfer, le purgatoire d’un bouffon clairvoyant et damné, avec ses cavalcades lyriques d’une profondeur à pleurer.

Cette fois, Antoine Bellanger (Gratuit à la ville) fait son retour avec ‘Là’, sans doute l’album le plus à même de définir ses multiples visages. Synthèse actualisée de ses précédents efforts, l’oeuvre se rapproche à ce titre plus d’un travail de collages, là où ‘Rien’ faisait l’effet d’un puzzle bordélique, et ‘Délivrance’ d’un tableau de maître.

Dans un premier temps plus lumineux que ses prédécesseurs, ‘Là’ n’a pour autant rien d’une oeuvre béate. Les thématiques chères à l’auteur sont toujours d’actualité, de la relation à autrui au déséquilibre névrotique en passant par les lentes introspections mélancoliques, tout y est. De ‘Rien’, Gratuit conserve sa dérision frontale, décapante et fort souvent, juste. De ‘Délivrance’ subsiste un soin estimable pour la dimension mélodique, sublimée par une voix sans doute plus mûre que par le passé.

En résulte un album immense. Les mots sont pesés. S’il semblait difficile d’égaler la facture du dernier album, ‘Là’ passe un nouveau cap, sans doute aidé par les divers travaux de son géniteur au sein de Mein Sohn William ou aux côtés de Le Feu. Plus que jamais, Gratuit émeut avec l’élégance de ceux qui ignorent l’incarner.

‘Les Autres’, ‘Je m’Élance Lent’, ‘Reviens’, ‘Au-Delà’


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