Father John Misty – ‘I Love You, Honeybear’

Father John Misty – ‘I Love You, Honeybear’

Album / Sub Pop / 09.02.2015
Pop folk

J’ai été jaloux à en perdre la tête, puis j’ai découvert un nouveau degré de liberté dont je n’avais même pas conscience. J’ai évité un désastre, et réalisé que je n’avais rien de plus précieux à offrir que mon amour. J’ai apitoyé la Terre entière, puis j’ai appris à tuer mon égo en me voyant dans les yeux de quelqu’un qui m’aime‘. Songwriter accompli, un peu barré parfois, Josh Tillman ne pouvait aborder l’amour de son angle le plus banal, se livrer à des clichés maintes fois rabâchés dès qu’il est question d’écrire des chansons douces. C’est donc par ces mots, deux ans après avoir accouché d’un ‘Fear Fun‘ l’extirpant d’une dépression, qu’il justifie l’omniprésence du thème qui traverse ‘I Love You, Honeybear’, magnifique deuxième album de Father John Misty en partie inspiré de sa nouvelle vie aux côtés de sa femme Emma.

Désormais nettement plus serein et positif, Tillman aligne onze nouveaux titres ruminés depuis plusieurs années, qui ne coupent néanmoins pas totalement les ponts avec leurs aînés. Sa sinistrose un poil en retrait mais toujours présente, il laisse ici filtrer une lumière paisible qui rend cette fois la mélancolie souvent plus belle que triste, comme pour refléter le plus fidèlement possible toute la force de transformation que l’amour impose à l’homme, jusqu’à une certaine notion d’abandon de soi. C’est également dans cette optique aigre-douce qu’il apporte un soin tout particulier aux arrangements, à la fois responsables de la couleur particulière attribuée à chacune des compositions, comme de l’harmonie de l’oeuvre toute entière.

Ainsi, le crooner convoque à plusieurs reprises un orchestre à cordes (‘I Love You Honeybear’, ‘The Night Josh Tillman Came To Our Apt’, ‘I Went To The Store One Day’), la joue jazzy sur ‘Nothing Good Ever Happens At The Goddamn Thirsty Crow’, fait valser des cuivres mariachis (‘Chateau Lobby #4’), laisse souffler quelques choeurs soul (‘When You’re Smiling And Astride Me’), électronise même sa pop sur ‘True Affection’. Sans s’encombrer d’une chronologie, porté par un fil rouge-coeur, il s’amuse, s’extraverti, cède à ses émotions, libère ses envies pour, au final, faire de ‘I Love You Honeybear’ un album des plus sincères, sans véritable pudeur, toujours bordé de classe, même quand le bougre tente parfois de l’entacher d’une pointe de masochisme.

Pourtant, déjà bien démontré, le talent de Josh Tillman s’illumine plus encore en fin de course: sous la brise d’un folk pastoral rappelant irrémédiablement son passé au sein de Fleet Foxes (‘Strange Encounter’), les bourrasques électriques de ‘The Ideal Husband’, soutenu par le charme imparable d’une mélancolie caustique (‘Bored In The USA’) ou la beauté pure de ‘Holy Shit’, certainement une de ses plus jolies signatures. Sans conteste, on tient là les plus belles déclarations d’un homme inconsciemment toujours fragile qui, finalement, aurait appris à aimer les autres avant de réussir à dompter son égo. Attachant.

‘The Night Josh Tillman Came To Our Apt.’, ‘Strange Encounter’, ‘Bored In The USA’, ‘Holy Shit’


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