YachtClub – ‘Machoc’

YachtClub – ‘Machoc’

Album / Kshantu / 02.02.2018
Free indie rock


On est tentés à l’écoute de Machoc, le deuxième opus du quartet tourangeaux, d’énumérer la liste sans fin des influences qui parcourent l’album. Il faudrait plutôt se concentrer sur ce qui fait sa spécificité. Issus de la formation professionnelle jazz, ils se réunissent fin 2014 et intègrent le collectif Capsul à Tours. Au jazz, ils ont pris l’expérimentation et l’improvisation qui stratosphérisent leur format pop de trois à six minutes vers des orbites beaucoup plus lointaines.

Il faut accepter d’être un peu bousculé pour rentrer dans l’univers de Yachtclub, voire décontenancé quelquefois à l’écoute de ces constructions protéiformes, échafaudages bringuebalants mais étonnamment solides de styles a priori impossibles à marier. Nettement moins agressifs qu’un Mr Bungle, ils partagent avec le groupe de Patton le goût de la rupture et de la déconstruction. Ça part dans une foule de directions, avec parfois cinq ou six styles musicaux différents reconnaissables sur un même titre, sans compter les expérimentations inclassables bricolées à partir d’un foutoir improbable qu’on retrouve sur scène (postes de radio, papier aluminium, scotch…).

Mais Ô miracle! : ça tient debout. Tout est parfaitement maîtrisé et cohérent. on est loin de la juxtaposition de passages disparates recollés à la va-vite comme parfois dans la pop abstraite pseudo intello. Ici on ne joue pas aux apprentis sorciers, on est en présence d’un univers visible, d’une réelle démarche artistique. La voix de Yuri Hu, mélodique et fragile, apporte un ancrage humain sur plusieurs morceaux qui – autrement – auraient pu pêcher par distance : Toc-Toc-Toc et ses accents islandais (Björk, Mùm), Tôle ou la très Magma Giants parcourue de sonorités industrielles et rocailleuses, son rythme saccadé et son chant scandé.

Malgré des talents d’instrumentistes qu’on devine, ils évitent soigneusement de tomber dans l’étalage de maîtrise technique, et c’est avec une réelle pudeur qu’ils mettent un point final à la très lyrique et électro +++ par exemple : conclusion lo-fi, quelques notes rigolotes et bricolées, une petite pirouette, comme pour s’excuser d’avoir fait dans le sentiment juste avant. Et quand ils empruntent le terrain de l’émotion, c’est toujours avec beaucoup de pudeur tant on sent le groupe attaché à sa légèreté et au côté résolument optimiste de sa musique. Tout l’album flirte d’ailleurs avec le premier degré sans jamais se résoudre à y tomber. Les morceaux de bravoure surviennent et s’interrompent avant qu’on puisse trop y croire, juste avant la mièvrerie. Non que l’émotion soit absente de ce disque joyeux et coloré, bien au contraire, elle y est très présente, comme sur la très fluffy, mélancolique, et assez sublime Mellow (prononcer ‘Mélou’) qui clôt l’album avec son atmosphère électro/folk naïve et enfantine.

On prête le flanc aux critiques forcément quand on s’écarte des codes. Jean-Michel Basquiat disait : ‘Croyez-le ou non, mais je sais dessiner‘. Aux mêmes sceptiques, les quatre membres de Yachtclub pourraient répondre : ‘Croyez-le ou non, on sait faire des chansons‘.

ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
+++, Giants, Toc-Toc-Toc, Tôle, Mellow


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