Ugly Heroes – ‘Everything In Between’

Ugly Heroes – ‘Everything In Between’

Album / Mello Music Group / 24.06.2016
Rap col bleu

C’est peu dire que le premier album d’Ugly Heroes, sorti en 2013, avait tourné sur notre platine. On s’en était gavé jusqu’à plus soif, tant et si bien qu’au moment d’écouter ce deuxième disque du trio du Michigan, l’attente était grande, immense même, accompagnée de cette crainte de ne pas retrouver l’émotion suscitée il y a trois ans, de ne pas être touché de la même manière, et de repartir déçu. Car Ugly Heroes, c’est avant tout cette faculté de parler à tout le monde des problèmes de tout le monde. Sur les productions toujours délicates d’Apollo Brown, Verbal Kent et Red Pill troussent en effet un rap de cols bleus né de la détresse américaine, nourri aux désespoirs d’une classe ouvrière broyée par le capitalisme et le cynisme, construit sur les cendres de villes en ruines comme Detroit, qui se relève tout juste de sa faillite de 2013. Drogue, alcool, médicaments, déprime, deuil, boulots de merde, survie en milieu urbain, le monde d’Ugly Heroes n’est pas reluisant, mais il est celui d’un grand nombre d’Américains, condamnés à trimer toute leur vie dans l’ombre pour grignoter les miettes que voudront bien leur laisser les plus riches, tout en composant avec les problèmes du quotidien.

Le propos n’a pas changé depuis 2013. Peut-être ce ‘Everything In Between’ est-il toutefois un peu plus optimiste que son prédécesseur, comme si une lueur d’espoir avait percé la grisaille ambiante. A l’image de ce sample magnifique de Dee Dee Bridgewater (‘My Lonely Room’, déjà utilisé par Talib Kweli en 2004) qui fait de ‘Peace Of Mind’ l’un des grands moments de l’album. Car derrière les platines, Apollo Brown s’occupe de tout. Il puise dans son catalogue des samples de soul mélancoliques ou de blues habités (le ‘Blues Get Off My Shoulder’ version Little Milton sur ‘Can’t Win For Losin”) et fait pleurer les violons tout en restant fidèle au boom bap dont il est l’un des plus talentueux héritiers. Au sortir de ces 14 titres, la crainte s’est effacée pour laisser place à une certitude : le pari est réussi, ‘Everything In Between’ est aussi fort que l’était Ugly Heroes et tournera tout aussi longtemps sur notre platine. Comme restera en tête cette phrase du regretté Guru, extraite du ‘In Memory Of…’ de Gang Starr et reprise ici sur ‘Roles’, car elle illustre à la perfection le credo Ugly Heroes : ‘In order for things to change we must all play a part‘.

‘Daisies’, ‘Peace Of Mind’, ‘Heart Attack’, ‘Soul Searching’


Pas de commentaire

Poster un commentaire