Tinariwen – « Aman Iman »

Tinariwen – « Aman Iman »

Aman Iman[Album]
05/02/2007
(AZ/Universal)

La très belle photo de la pochette résume assez bien ce que vous pouvez attendre de ce disque: une sorte de Jimi Hendrix échevelé, le regard perçant votre âme, semblant guider ses frères en chèche vers le firmament, au beau milieu d’un paysage lunaire..

Découvert par le public occidental* en 2003, grâce à la compilation live du « Festival Au Désert » au tracklisting ubuesque (Robert Plant, Ali Farka Touré, Lo’Jo, Tartit, Kwal, Oumou Sangaré, Adama Yalomba…), Tinariwen peut dès lors s’enorgueillir d’avoir créé son petit effet. Aujourd’hui, nombre de figures internationales avouent leur admiration pour le groupe tamasheq, de Robert Plant à Carlos Santana, en passant par Thom Yorke qui concède même s’en être profondément inspiré pour un morceau de « The Eraser »

En 2004, ils enregistrent leur deuxième album, le sublime « Amassakoul », qui se placera immédiatement dans tous les charts anglo-saxons et qui embarquera ces nomades dans un périple bien différent de celui auquel ils étaient jusque là habitués. Tinariwen se retrouve en effet sur tous les continents à promulguer leurs traditions ancestrales, créant au passage un engouement dans les maisons de disques qui s’empressent d’emboîter le pas avec plus ou moins de savoir-faire (cf.la chronique de Tartit)

Lorsqu’un groupe traditionnel, d’Afrique ou d’ailleurs, connaît le succès dans nos contrées, on peut par expérience craindre une nette occidentalisation de leur musique (avec la production proprette et les nappes de claviers Nature & Découverte qui vont avec) sur l’album qui suit… Ce n’est heureusement pas du tout le cas pour ce très beau « Aman Iman » (« L’eau est l’âme »), bien au contraire… On a plutôt l’impression d’assister à un retour aux sources comme pour mieux conjurer ces mois d’absence en tournée, loin du désert..

Le groupe aurait d’ailleurs voulu enregistrer ce nouvel opus dans leur campement près de Kidal, mais il était malheureusement trop difficile de trimballer tout l’équipement nécessaire dans le désert. Finalement réalisé dans le studio de Ali Farka Touré à Bamako avec Justin Adams (le guitariste de Robert Plant) aux manettes, à 1600 km de leurs dunes chéries, « Aman Iman » transpire d’autant plus la mélancolie de l’exil et les chants de la solitude. Le premier titre, « Cler Achel », reprend pourtant les choses là où on les avait laissées sur « Amassakoul »: un groove naturel et chaloupé, des clappements de mains et une irrésistible invitation à la danse. Mais assez rapidement l’album prend une tournure plus intimiste, arborant les atours d’un blues anachronique où pleurent des guitares mélancoliques (cf. les magnifiques « 69 », « Ikyadar Dim » ou « Izarar Tenere », avec ces sons proprement bouleversants et ce toucher extra-terrestre qui vont déprimer plus d’un bluesman chevronné…). Le disque sait tout de même offrir quelques moments de transe capables de convertir n’importe quel dance floor au monde (« Tamatant Telay », « Matadjem Yinmixan »…), avec leur mélange de ferveur communautaire et d’énergie rock’n’roll

La notion de groupe est très différente en occident et dans le désert. De l’avis de ses musiciens, Tinariwen ne se compose pas uniquement des sept membres qui partent en tournée, mais englobe tous les autres musiciens, poètes ou chanteurs tamasheqs qui ont, à un moment ou à un autre, apporté leur grain de sable à l’oeuvre commune. Pas étonnant donc d’entendre ici des titres composés et joués par d’anciens complices comme « Japonais » ou Foy-Foy, qui ont préféré, eux, ne pas quitter le désert et sont encore très investis dans la rébellion armée..

Quoi qu’il en soit, confortés par ces retrouvailles tant espérées, ces guerriers musiciens parviennent encore une fois à faire le grand écart entre tradition et modernité, comme si ces deux termes ne voulaient finalement rien dire. Pour exemple, les skanks de guitares truffés d’effets de « Toumast » (qui rappellent la fusion de Afous Afous) ou l’énorme ligne de basse dub de « Assouf » suffisent d’ores et déjà à qualifier « Aman Iman » parmi les pépites de 2007 tous genres confondus. Résolument indispensable!

*On vous invite tout de même à en apprendre un peu plus sur ces nomades venus d’un autre temps ici car la vie des Tinariwen pourrait se substituer au plus passionnant des romans picaresques!Ecoutez un extrait ici

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