TH Da Freak – ‘Freakenstein’

TH Da Freak – ‘Freakenstein’

Album / Howlin Banana / 08.03.2019
Grunge série B


Parler de TH Da Freak sans utiliser le mot ‘slacker’ et sans faire référence à Kurt Cobain relève du défi tant ces deux allusions sont accolées au moindre entrefilet écrit sur le groupe depuis l’an dernier et la sortie de son deuxième album The Hood. Il faut avouer que la formation s’amuse de ses accointances avec les nineties. Ici encore, elle pousse la démarche jusqu’à la citation, voire au détournement, comme sur le très psyché Nutty ou Thoineau Palis semble pasticher Sebadoh en chantant ‘It’s so hard to fall in love / Maybe It’s easy /I don’t know‘, là ou Lou Barlow assénait initialement ‘It’s so hard to fall in love / Knowing all I know / Seeing all the things I see‘ : un doute assumé plutôt qu’un postulat affirmé.

Avec deux décennies de recul, TH Da Freak propose une reconsidération de ce qui faisait le grunge, et cette distance poétique avec les groupes qui constituent son ADN musical fait également la singularité de ce Freakenstein. Thoineau et sa bande sont suffisamment créatifs pour ne pas nous offrir un sous-produit grunge, une resucée nostalgique. Ils se positionnent par rapport à leurs influences, réécrivant parfois des bribes de lyrics de leurs prédécesseurs. De fait, on sent une volonté de continuer l’histoire sonique du début des années quatre-vingt-dix en la reprenant là ou on l’avait laissée avant le suicide de son charismatique leader. Ainsi, probablement fatigué des comparaisons avec Kurt Cobain, TH Da Freak s’en amuse sur Kurtains qui s’ouvre sur ‘I hate myself and I want to die‘ (phrase à la fois signature et épitaphe du leader de Nirvana) en la terminant par ‘but suicide is not for me‘. Le refrain, ‘I hate my kurtains / I am not certain‘, vient conclure le débat sur l’ambivalence entre fascination et fatigue engendré par les comparaisons multiples de la presse à l’égard des bordelais, leur désinvolture étant moins marquée par l’affect, plus amusée (et amusante) que celle de leurs prédécesseurs.

Après nous avoir troublé et questionné par son jeu de ressemblances et dissemblances, le groupe poursuit son parcours en invitant notre regard au delà des apparences, pour y découvrir de nouvelles strates avec le single Peeling The Onion. Et des changements notables sont à souligner : sur Freakenstein, les voix sont plus lisibles, plus claires que par le passé; la production, toujours proche du live, est également plus léchée, et le tandem couplet (son clair)/refrain (son saturé) est mis en avant par un traitement sonore particulièrement efficace (Kurtains, Hospital).

Jusqu’à l’artwork élaboré signé Ratsikal, tout est fait ici avec amusement et légèreté. La distance qu’instaure le groupe avec ses mentors semble s’appliquer à la musique en général. L’album s’ouvre sur un court titre cuivré que l’on jurerait issu d’une série b à suspense, et se clôture sur Adios Freakos que l’on pourrait attribuer à une petite production cinématographique romantique… De là à dire que cet opus de TH Da Freak est au rock ce que la série b est au cinéma ? Ce serait finalement souligner son mérite principal : celui de l’indépendance marginale qui trace sa route et se joue des commentaires avec joie et laisser-aller.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Nutty, Kurtains, Hospital


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